Chapitre 27

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Aujourd'hui, je n'ai pas cours, il y a une grève et aucun de mes profs est là, mais mes parents travaillent et Selly a cours normalement (je l'ai bien nargué !). Donc je vais pouvoir me peser. Ça faisait un petit moment que je ne l'avais pas fait, et j'appréhende. J'aimerais de pas avoir pris, mais ne pas avoir perdu non plus. Je suis perdue entre les deux... Je ne veux pas qu'on m'hospitalise ou quoi que ce soit. De toute façon, je ne suis pas malade, je ne vois pas pourquoi ils m'enverraient là-bas...
Je sors la balance, je me déshabille entièrement et je monte dessus. Le chiffre qu'elle affiche manque de me faire tomber par terre. 45,9 kilos, comment c'est possible ? Je mange pourtant un peu plus et je fais du sport, comment je peux encore perdre autant ? Je n'y crois pas.

J'ai passé la journée à rien faire, en dehors de ma séance vélo elliptique d'une heure. Je me sens tellement mal, j'ai l'impression d'avoir trop laissé mon corps allongé, et que je n'ai servi à rien aujourd'hui, mais au moins je n'ai pas supporté le bruit, le froid et les cours. Je descends manger à contre-cœur. Ce soir pizza et salade. Comment ma mère a eu le temps de préparer ça ? Je n'ai aucune envie d'en manger. Dès qu'elle commence à couper, je m'empresse de dire :
- Je n'en veux pas.
- Comment ça t'en veux pas ? Il y en a pour tout le monde ! Dit ma mère d'un ton autoritaire.
- Je n'ai pas faim, c'est tout.
- Ah non, tu commences pas !
- Je commence pas quoi ? J'ai pas faim, tu vas pas m'obliger à bouffer ta merde, là !!
Mes parents et ma sœur restent perplexes. Je n'aurais peut-être pas dû, ça m'a échappé... 
- Quand t'iras à l'hôpital, t'iras pas chialer ! Hurle ma mère.
Ce fut comme un couteau dans le cœur.
- J'ai pas besoin d'aller à l'hôpital, alors ça va, lâche-moi.
Plus personne ne parle jusqu'à la fin du repas. Je crois que j'ai lancé un froid entre nous. J'espère que ça ne durera pas... mais en même elle l'a bien cherché. Pourquoi elle me forcerait à manger quelque chose ? Je mange ce que je veux, un point c'est tout.

En remontant, j'allume l'ordinateur portable qui est dans ma chambre et je décide de parcourir les albums photos qui y sont stockés. J'ai dû perdre environ 9 kilos, j'ai maintenant un écart entre les cuisses et pourtant j'ai pas l'impression d'avoir tant perdu que ça. Certes on voit un peu mes os mais c'est pas comme si j'étais passée d'une taille 44 à 34... je clique sur les photos de l'été dernier. Il y en a tout un tas : avec ma sœur, à la plage, des paysages... Je parcours un peu tout, et ce que je vois me dégoûte mais en même temps me donne envie de pleurer. J'avais tellement plus de joues il y a quelques mois, mais aussi tellement plus de ventre. Sur une photo, on me voit déguster une glace. Maintenant, j'en serais incapable. Mais pourquoi ai-je autant changée ? J'avais l'air tellement mieux avant. Mon dieu, qu'est-ce que je souriais, mais qu'est-ce que j'étais plus grosse ! J'avais de belles fesses en revanche et mon visage était mignon... En fait, je ne sais plus quoi penser. Je suis déchirée entre l'envie de rester comme je suis et l'envie de redevenir comme avant. Suis-je aussi maigre que les gens le disent ? Je n'arrive pas y croire. Pourtant, je me sens plus faible qu'avant, et j'ai plus froid. Je pense que c'est l'hiver, mais apparemment ça peut aussi être dû à une grosse perte de poids. Je ne sais plus où j'en suis. Ce régime était-il vraiment une bonne idée ? J'aurais peut-être vraiment dû m'arrêter à 50 kilos. Pour arrêter de penser à tout ça, je me lance une série devant laquelle je manque de m'endormir.

Enfin le dernier jour de la semaine ! Je n'en pouvais plus. Aujourd'hui, on finit une heure plutôt, alors avec Jane et d'autres amies, on va trainer un peu dehors. Une fois que la sonnerie retentit, on se précipite dehors et on s'exclame :
- Weeeeeek-end !!! 
- Ca vous dit on va acheter à bouffer ? Balance Jane.
- Ouais, carrément ! Dit une de mes amies. En plus ça tombe bien j'ai pris de l'argent.
Je ne dis rien. Je commence à angoisser. 
- Audrey, tu viens ? Me demande Jane.
- Ouais, ouais, je réponds doucement. Mais j'ai pas envie de manger et en plus j'ai pas d'argent.
- T'inquiète pas ! Disent-elles toutes en chœur.
On se dirige au petit supermarché d'à côté et les filles vont dans le rayon bonbons et gâteaux. Elles attrapent plusieurs paquets : Haribo, Schroumpf, Kinder et Têtes Brûlées. Je les regarde, sans rien dire. Tout me donne envie. Elles vont payer à la caisse et en sortant elles commencent à ouvrir le paquet de Kinder. Elles se servent toutes et Jane me propose. Je refuse de suite. Mais c'est en marchant jusqu'à l'arrêt de bus que je me sers d'un petit Kinder. Je le déballe, je le mets dans ma bouche et je le laisse fondre. Je le déguste. Sans réfléchir, j'en prends un autre, puis autre. C'est tellement bon. Je commence déjà à culpabiliser, je m'arrête là. Mais dès que les filles ouvrent les autres paquets, je saute dessus. Je ne peux plus m'arrêter. Je les écoute à peine parler et rigoler. La seule chose à laquelle je pense est les bonbons que je vais pouvoir savourer. Je prends énormément de plaisir, je ne contrôle plus mes mains. Je sens mon ventre se remplir, et c'est très désagréable. J'ai tellement envie de m'arrêter, à chaque bouchée je me dis "stop", mais mon corps refuse. Je sens le sucre descendre, j'ai l'impression de revivre. Tellement de temps que je n'ai pas mangé ce genre de chose. 
- Bah tu vois que t'avais faim, finalement ! Me dit Jane en rigolant.
Sauf que moi, ça ne me fait pas rire. La seule et unique chose que je veux, c'est disparaitre, pleurer, vomir tout ce que j'ai. Rien qu'à l'idée de toute cette nourriture et ces calories dans mon ventre, je me répugne, j'ai juste envie d'exploser.

Ce n'est plus moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant