Le Connard de l'arrêt de bus -Yoonmin-

Chapitre 16: FIN

« T'as un peu perdu les bases. » Fait remarquer Yoongi, après que j'ai reposé les doigts sur un piano pour la première fois depuis au moins dix ans.

« Ben évidemment ! J'en ai joué deux ans quand j'étais encore un gnome. »

Un petit silence, je relève la tête vers lui, avec un regard qui lui signifie, assez clairement je crois, que s'il fait une seule remarque sur ma taille, je lui brise les genoux. Il a l'air de comprendre le plus gros du message, peut-être pas l'histoire des genoux, mais l'idée, il la saisit, puisqu'il n'esquisse qu'un sourire mesquin, avant de reporter son attention sur le piano.

« Ça va revenir, tout doucement. »

Je hoche la tête, et baisse le regard sur les touches de l'instrument. Elles m'évoquent toujours vaguement quelques notions de solfège, que ma professeur essayait de m'inculquer à coup de partition à l'arrière du crâne. Vu ce que j'en ai retenu, c'était pas franchement des masses efficace.

Je laisse mes doigts effleurer le clavier. Ça fait une drôle de sensation... Sensation que je reconnais. Enfin, la pulpe de mes doigts la reconnaît, la matière, la couleur, le son, l'univers qui se crée quand on s'assied sur ce tabouret amorti, face à un instrument qui fait deux fois notre taille.

« Pourquoi tu t'es arrêté ? » Demande soudainement Yoongi, en posant sa main contre ma nuque.

Je lève les yeux sur lui.

« J'ai commencé à me passionner pour la danse à ce moment là, mes parents n'avaient pas les moyens de me payer des cours des deux, alors j'ai choisi. »

« C'est bien, maintenant t'as des cours gratuits. »

« Qu'est-ce que tu crois, c'est un mariage d'intérêt. »

Il émet un rire et serre doucement ses doigts sur mon épaule.

« Qu'est ce que t'espère, comme un intérêt, au juste ? »

« Attends, c'est un investissement sur l'avenir ! Tu m'apprends, je deviens un prodige, je me produits sur toutes les plus grandes scènes, et je me fais un paquet de thunes ! »

« Waw. » Commente seulement en Yoongi en me mettant une tape à l'arrière du crâne, comme ma prof de solfège.

Il ne dit rien pendant un temps, il retire sa main de mon épaule. A vrai dire je ne saurais même plus dire ce qu'il regarde, ce qu'il fait, ou même où est-ce qu'il se trouve dans la pièce, je suis toujours tourné vers le piano.

« Tu sais quoi ? » Me dit-il soudainement, juste à côté de mon oreille, ce qui manque de me faire sortir le plus grand hurlement de l'histoire du hurlement. « J'ai même pas envie de te faire de cours à l'œil. »

Je hausse un sourcil. Pas besoin de lui poser de questions, ni même de le regarder pour savoir ce à quoi il pense. D'ailleurs, mes soupçons sont vite confirmés, quand ses deux bras se referment autour de mon cou, pour coller mon dos à son torse. Son souffle glisse contre la peau de ma tempe, il s'est penché pour atteindre mon oreille, mais il ne dit rien. Sentant la nervosité monter, je laisse un rire crispé m'échapper, puis murmure sur une voix, je dois bien l'avouer, très mal assurée, voire tremblante :

« Yoongi, c'est l'appart' de ton pote et... »

« T'inquiètes, il devrait revenir dans bien deux heures... On a le temps, mon chat. »

Une espèce de gloussement, qui tend quand même vers le gargouillement, m'échappe. Bon, un rire étranglé en somme. Je sens bien que l'excitation monte et que l'optique de me faire sauter là, maintenant tout de suite, dans la fugue et l'animalité du moment, est particulièrement alléchante... Mais bon entre l'incident de la dernière fois, toutes mes angoisses débiles par rapport à lui et le fait de me trouver dans l'appartement d'un autre être humain que nous deux... Ben c'est pas franchement rassurant.