Désirs Défendus (Sortie le 16 mai 2018)

Chapitre 7

Après mon dernier cours de la matinée, c'est un peu soucieux que je me rends en salle des profs pour boire un café.

Je salue mes collègues et vais m'asseoir près de Noémie, qui tape frénétiquement sur le clavier de son ordinateur. Je m'affale sur le siège en face d'elle et pousse un soupir. Elle lève les yeux de l'écran le temps de me décrocher un petit sourire pour replonger aussitôt son nez dedans.

Je sirote mon breuvage, tout en essayant de ne pas paraître trop agité. Ce n'est que lorsque je commence sérieusement à gigoter sur ma chaise tout en tapotant de mes doigts sur la table que Noémie referme son ordinateur d'un claquement sec, croise les bras sur sa poitrine et déclare :

— Bon, qu'est-ce qui se passe ?

Ah. Pas trop tôt. Je me demandais quand elle allait remarquer que je ne tenais pas en place.

— Je suis inquiet.

Elle hausse un sourcil interrogateur. Je me suis toujours posé la question sur comment les gens arrivaient à réussir ce tour de force. Je me suis pourtant entraîné devant le miroir plusieurs fois, sans succès.

— À quel propos ?

— Ça va faire deux jours qu'un de mes élèves ne s'est pas présenté en classe.

Elle paraît franchement surprise par mes paroles. Et je ne peux pas lui en vouloir. Il est fréquent que des étudiants sèchent les cours. Mais généralement, ce n'est que le temps de quelques heures, et ils sont dans l'obligation de nous fournir un justificatif. Sinon, ils risquent l'exclusion, partielle ou définitive. Notre école ne rigole vraiment pas avec l'absentéisme.

— Et ?

— J'en sais rien, je réponds en haussant les épaules. C'est simplement que ça ne me paraît pas être son genre de louper des cours. Il semble véritablement être là pour bosser. C'est un élève assidu, et je trouve ça un peu étrange qu'il ne soit pas venu depuis plusieurs jours. Sans prévenir, qui plus est.

Et j'ai le sentiment que ce n'est vraiment pas le genre de Noah. Il n'a jamais loupé un seul cours. N'a même jamais été en retard, ne serait-ce qu'une minute. Au contraire, il est toujours déjà installé à sa place lorsque je rentre dans la salle, attendant patiemment que tout le monde rejoigne les rangs.

Du coup, je me dis que, s'il n'est pas là, c'est pour une bonne raison. Il a peut-être eu un problème. Quelque chose de grave. Un accident. Je ne peux m'empêcher de penser que si tel était le cas, sa famille nous aurait prévenus et je me convaincs d'arrêter de songer au pire. Peut-être que je ne suis finalement pas si fin psychologue et qu'il a simplement décidé de s'octroyer quelques jours de repos bien mérités, selon lui.

Son regard s'adoucit et un léger sourire ourle ses fines lèvres glossées.

— Tu ne peux vraiment pas t'en empêcher, hein ?

— De quoi ?

— De t'inquiéter pour tes élèves.

— Et c'est mal ?

— Non. Pas du tout. Mais n'en fais pas trop non plus. Tu sais comment tu peux réagir. Ça risque de finir par te bouffer.

Oui, je m'en rends bien compte. Il y a deux ans, une de mes élèves a perdu sa mère et son petit frère dans un accident de voiture. Lorsqu'elle a fini par revenir en cours, elle était dévastée. J'ai passé énormément de temps avec elle. À discuter. À essayer de l'aider. Que ce soit en classe, après les cours, autour d'un café dans une brasserie juste à côté de l'établissement. J'ai tout fait pour tenter d'atténuer sa peine. Le problème, c'est que je suis trop empathique. Et ça a tendance à me jouer des tours.