ÉCHEC ET MAT

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  Je résiste. Cette activité, c'est mon espace de liberté, un moyen d'exister en dehors de lui. De ne pas être sous son contrôle. Il insiste. Je transige sur deux jours dans la semaine mais qui ne se suivent pas. Çà passe plus vite que le samedi et le dimanche. Mais il est furieux. En rétorsion, il m'oblige à les passer tous les trois ensemble.

On se regarde en chien de faïence dans le salon.Je n'ai même pas le droit à un ordinateur ce jour là (pour ne pas le contrarier, suggestion de Camille) juste un livre ou de la musique.

Ou s'il fait beau, on sort à trois dans le coin, rien de transcendant.Je fais à moitié la tête et ne réponds que par monosyllabe. En plus parfois, ce sont des endroits où nous avons été tous les deux, il y a quelques mois . Il n'y a qu'elle qui anime la discussion, comme si de rien n'était. Je lui volerai dans les plumes mais je me retiens. Heureusement ces deux jours ne se suivent pas. Mentalement, j' organise tout mon travail pour le lendemain. Cette gymnastique intellectuelle me permet de m'évader un peu.

Ils sont rares les instants passés tous les deux, juste à deux. Il comprend que je suis moins manipulable. Il s'entête. Nous campons sur nos positions.J'ai encore plus de mal à le partager avec elle. Je montre bonne figure devant lui, mais mon cœur se serre.

Il n'y a que la nuit où je l'ai à moi.  Nos nuits amoureuses ne suffisent plus à me calmer. Cela accentue ma rancœur. Il m'utilise pour apaiser ses terreurs. Il profite de la faiblesse de ma chair. Mais il n'est pas capable d'écouter mes propres besoins.Je deviens irritable.Je me contrarie facilement. Et je boude.

Jusqu'à lui fermer ma chambre. Branle bas de combat. C'est la panique à bord !

Çà a commencé par une énième supplique de ma part pour qu'on passe mon jour de repos tous les deux à la mer. Il doit faire beau et ce lieu me calme. À son accoutumée, il refuse car il a d'autres choses de prévues. Bidon, un coup de fil pour ses affaires.Je vois rouge. Çà fait des semaines que je me farcis mes jours de congés à trois en rongeant mon frein.

- Et bien moi, j 'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil. Je veux être seule. Tu iras dormir ailleurs !

C'est sorti sous le coup de la colère. Je n'ai pas envie de lui interdire ma chambre, les seuls moments où je suis en paix avec lui. Je lui aurai donné un coup de poing dans la figure, il n'aurait pas été plus sonné. Il ouvre des yeux comme des soucoupes :

- Qu'est ce que tu me fais là ?  Sa voix est douloureuse.

Je ne me retiens plus :

- Et moi, qu'est ce que tu me fais subir ? Tu m'as dit on fera à ta mesure, ce que tu peux supporter. Tu me refuses des journées tous les deux depuis des semaines . Tu sais que je désire être en tête à tête avec toi. Il n'y a rien à faire. Tu es buté !!!!

Il quitte la pièce sans un mot.Je vais m'enfermer dans ma chambre sans dîner.Je pleure de rage pendant des heures. Elle est venue frapper à la porte, plusieurs fois, sans succès. Qu'ils se débrouillent !

Çà l'a mis dans un tel état de colère rentrée. Il a fait des attaques de panique toute la nuit. Il n' a pas fermé l'œil. Elle, toujours conciliante et pacifique, me tombe dessus dès que je sors de ma chambre le matin suivant :

- Tu es folle de lui faire cela. On en a discuté avant que tu reviennes. Les nuits sont pour toi.

Que tu veuilles dormir seule de temps en temps pour te reposer: oui. Il ne faut pas lui faire du chantage ! Tu n'aurais jamais fait çà avant !

- En ce temps, tu n'existais pas.

Elle me regarde stupéfaite. La guerre est déclarée !

Je m'esquive et part à la boutique. Le soir, j'hésite à rentrer mais il faut que je l'affronte !

LE TROIS DE MOI A TOITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant