BEREZINA

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_LEA V

J'ai continué à faire n'importe quoi. J'ai obtenu ma mutation pour une école à dix kilomètres de chez mes parents. Les vacances sont arrivées. Papa nous a déniché une chaumière en location en attendant que nous vendions notre ancien logement.

Nous sommes en plein déménagement entre les deux habitations. Avec Fabien, c'est toujours houleux. Je n'arrive pas à tourner la page et lui fais toujours les mêmes reproches. Son aventure m'obsède et tourne en boucle dans mon esprit. Je ne supporte pas l'idée qu'il soit parti avec cette fille si banale.

 De dispute en dispute, je me réfugie souvent chez mes parents avec mes fils, menaçant de casser nos projets dans lesquels ils se sont investis. Ils n'en peuvent plus et ne savent plus sur quel pied danser.

Mon père m' a prise à part dans son bureau et essaye de m'expliquer :

- Léa, tu ne peux pas continuer comme çà. Il faut que tu prennes une décision durable. On t'a suivie depuis le début. On a soutenu tous tes plans. Tu as voulu renouer avec lui, je lui ai trouvé un job près d'ici à ta demande, un logement pour vous cinq. Tu as obtenu ta mutation souhaitée. On prend en charge tes garçons depuis plusieurs mois. Vous êtes en train de vous installer. Et maintenant, tu remets tout en question. Ce n'est pas possible. Il faut que çà s'arrête !

Je proteste :

- S'il te plait, donne moi un délai, une dernière fois , le temps que je vois clair vraiment.

Papa est implacable  :

- C'est non ! Ta mère et Anne n'en peuvent plus. Il faut que tu assumes tes choix, mais chez toi avec ton compagnon et tes enfants. Tu ne dois plus venir te réfugier chez nous à la moindre contrariété.

Le ton monte, on se dresse l'un contre l'autre.

- Papa, tu ne peux pas me faire çà ! J'ai besoin de vous...

- Tu te conduis comme une écervelée. Tu es une de petite fille gâtée, accuse t-il.

- Comme ma mère – je pense en silence.

- La faute de Fabien n'est pas si grave. Il a rompu avec cette fille et il est prêt à toutes les concessions pour te reconquérir et prendre un nouveau départ avec toi.

-Tu parles d'expérience. C'est sur, j'ai la chance de ne pas être obligée de cohabiter avec elle, comme Maman avec Anne.

Papa s'étrangle :

- Tu n'as pas à juger de la vie que nous menons tous les trois dans le respect de chacun. Et ta mère s'en porte très bien !

Je réplique, sans être maître de mes propos. La colère m'aveugle, toute la rancœur que j'ai contre lui, contre la vie qu'il a obligée ma mère à mener. Juste pour son propre plaisir. Les conséquences que Camille et moi avons subies tout le long de notre vie de jeunes adultes.

C'est pour cette raison que ma sœur s'est tournée vers la famille de son homme. Elle ne vient pratiquement plus chez mes parents depuis leur nouvelle cohabitation. Elle n'appelle ma mère que tous les quinze jours et lui envoie quelques photos de ses fils.

Tout ressort comme un torrent. Rien ne peut me stopper :

- Elle s'en porte très bien. Ce n'est pas grâce à toi. Çà fait dix ans qu'elle subit ton égoïsme. Elle n' a pas trop le choix, tu tiens les cordons de la bourse. Et tu la manipules avec tes crises d'angoisse, ta paranoïa et tes dépressions. Tu ferais bien de te demander comment Maman peut être aussi épanouie et joyeuse ; ce n'était pas vraiment le cas après ta sortie de l'hôpital.

LE TROIS DE MOI A TOITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant