LE TROIS DE MOI A TOIT

HOSPITALISATION

LEA IV HOSPITALISATION

Maman a vu mon médecin de famille dans l'après midi. Celui ci s'est entretenu seul avec elle. Il est au courant de la vie de mes parents .Je lui ai raconté les détails, en même temps que ceux de ma vie conjugale en dents de scie. Il a de grandes qualités d'écoute et de disponibilité. Il n' a pas voulu donner d'antidépresseurs à Maman. Il a diagnostiqué un épuisement moral et physique. Le repos et l'éloignement de mon père devrait suffire .

Il m'a confié en aparté que mes parents avaient une grande dépendance affective mutuelle et des rapports de dominant dominé. Mais que le dominant n'était pas forcément celui qu'on croyait et pas toujours le même. En gros, il m'a souhaité bonne chance et m'a conseillé de prendre de la distance. Sinon j'allais morflé !!!

Mon logement est à une dizaine de kilomètres de la clinique. Je peux apporter des affaires à mon père. Il est en phase d'observation et ne peut recevoir de visite la première semaine. On peut demander des nouvelles au personnel soignant. Le médecin a prescrit des traitements de cheval pour casser le délire et l'insomnie.

Mon père dort presque tout le temps et un infirmier l'accompagne dans la salle des repas, deux fois par jour puis retour à la chambre .Il n'est pas capable de répondre au téléphone . L'infirmier assure que sa conscience va vite s'améliorer , dès que son corps sera habitué aux médocs et qu'il aura récupéré sa dette de sommeil.

Cela nous laisse un laps de temps pour nous organiser et préparer la confrontation avec Papa.

Je suis reprise immédiatement par ma vie quotidienne : trois garçons dont l'aîné n'a pas six ans et le dernier va sur dix huit mois, une classe de maternelle grande section – mon job - et Fabien qui a repris son boulot et fait des heures pour rattraper son absence en accord avec son patron.

Maman se fait discrète les premiers jours. Elle fait des nuits de douze heures, squatte le canapé devant la télé et dévore tout ce qu'elle trouve dans le frigo en plus de repas. Elle est affamée. Les petits sont enchantés de la présence de leur mamie. Elle était une maman poule pour ma sœur et moi. Elle est une grand mère gâteau et remporte beaucoup de succès.

Ses petits enfants la font sortir de son marasme, elle sourit à nouveau. Pour eux, elle prépare des gâteaux, organisent des crêpes parties, elle les sort dans le parc voisin, les grands à vélo, le petit en tricycle. Elle commence à cuisiner et faire du repassage pour me soulager des taches ménagères.

Elle a repris le dessus en moins d'une semaine. Mon généraliste avait raison. Elle est beaucoup plus forte que je ne pense.

Le maillon faible serait-il mon père ? Vu sa faiblesse psychique, certainement ! J'ai réussi à avoir un entretien avec le psy de la clinique avant de le rencontrer. Le médecin m'a expliqué que le délire était du à un manque de sommeil et une réaction à un antidépresseur.

Mon père souffre d'un état complexe entre la bipolarité et la psychose sans pouvoir lui mettre une étiquette précise. Il est d'autant plus difficile à soigner. Et l'évolution est incertaine. Enfin, il m'a rassuré : Papa est sorti de son délire et est capable de critiquer ses idées paranoïaques.

Il est en état de nous voir !

Les visites se déroulent dans un grand hall avec des coins canapé et des machines à café. On peut même sortir dans un jardin avec quelques arbres chétifs. Il y a de nombreux patients avec leurs visiteurs. Cela forme des groupes répartis dans tous les coins. On distingue tout de suite le malade de la famille, bien qu'il soit habillé normalement. Il a un regard hagard, une posture raide et des gestes ralentis.

Mon père ne fait pas exception. Il a revêtu un jean et un pull à col roulé tous les deux noirs. Il se tient droit et ses cheveux ont été coupés. Mais ses yeux sont fixes et ne clignent pas. J'ai accompagné Maman. Fabien garde les enfants à la maison. J'aurais du lui demander de venir aussi. Mon père l'adore ! Cela aurait facilité les choses.