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21 mai

J'ai appuyé sur la sonnette de la maison. C'est Barbara qui m'a ouvert et qui m'a accueilli avec un large sourire compatissant. Elle m'a étreint légèrement et m'a laissé entrer. Bastien était assis en tailleur dans le salon, à côté de Gabriel, et vraisemblablement, je les interrompais tous les trois dans une partie de cartes.

- Tonton ! Tu veux jouer avec nous ? me proposa Gabriel alors que je venais à peine de poser mon sac sur le sol.

- Pourquoi pas, lui ai-je répondu en souriant et en lui embrassant le front.

J'ai fait la bise à mon frère, qui m'a invité en un seul regard à l'accompagner dans la cuisine. Je l'ai suivi, et après m'avoir proposé une canette de soda, il m'a chuchoté :

- C'est quoi cette histoire ? Sara et toi avez rompu ?

- On fait une pause, l'ai-je corrigé avant de boire une gorgée de soda.

Une pause. Un break. Voilà ce que m'avait proposé Sara en apprenant que je ne savais plus ce que je ressentais pour elle. Elle, elle m'avait dit qu'elle m'aimait encore. J'en doutais. Du moins, je ne voulais pas le croire ; je ne souhaitais pas qu'elle connaisse l'amour à sens unique.

- Et pour Diane ? a continué Bastien en jetant un œil à sa fiancée et à son fils.

- Elle m'en veut encore, je la comprends.

- Mais toi ? Qu'est-ce que tu ressens pour elle ?

- Je ne sais pas, c'est compliqué.

Bastien a soupiré d'agacement. Lui aussi, je le comprenais : son petit frère, qu'il avait pratiquement élevé, détruisait sa vie sentimentale petit à petit.

- Tu l'as revue, c'est ça ?

- Le weekend dernier. Depuis, je ne lui ai fait qu'envoyer des textos. Elle me répond une fois sur deux.

- Tu aurais du lui dire, pour Sara.

- Tu plaisantes ? Elle ne va jamais me pardonner ça ! C'est sûr que je ne la reverrais plus jamais si elle apprenait...

Je me suis tu, Barbara venait de faire irruption dans la cuisine.

- Côme, ton neveu demande si tu veux bien jouer au Mille Bornes avec lui, m'a-t-elle fait savoir.

- Bien sûr. Vous venez ?

- Je vais t'emprunter mon futur mari, si ça ne te dérange pas.

Je lui ai souri et les ai laissés tranquille. Leur mariage avait lieu dans un mois environ. Je me souviens de l'air ahuri avec lequel Bastien m'avait annoncé qu'elle l'avait demandé en mariage. Oui, c'était Barbara avait demandé à mon frère de l'épouser. Elle en avait marre d'attendre qu'il fasse le premier pas. Comme je la comprenais, Bastien était du genre à tout remettre au lendemain.

Je me suis assis face à mon neveu, qui m'a expliqué avec entrain les règles du jeu de cartes. Je l'ai laissé m'expliquer même si je savais comment y jouer ; le jeu qu'il avait dans les mains datait d'une dizaine d'années, Bastien et moi y jouions avec mon père, autrefois.

Mon père.

J'ai essayé de ne pas penser à lui, mais voir Gabriel distribuait ces cartes, nos cartes, le sourire aux lèvres et débordant de son habituel innocence, les images de mon enfance me sont revenus comme une gifle. Je détestais mon père, pour ce qu'il avait fait à ma mère, pour s'être battu pour me garder alors qu'il savait que je voulais rester avec ma mère. Pour s'être chopé ce fichu cancer. Mais avant tout ça, avant que tout ne dégénère, mon père avait été mon héros. Quand on est gamin, c'est notre repère, l'image de l'homme que l'on souhaite devenir. Même en grandissant, lorsque j'étais au collège, mon père avait continué d'être un « super-papa ». J'adorais ma mère, à l'époque, mais j'étais bien conscient que mon père était le plus cool des deux. Une fois, il nous avait emmené, avec Thomas, à un grand parc de Paintball. Ça avait été une super journée, nous étions revenus couverts de bleus et la mère de Thomas avait fait une syncope.

DianeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant