Liam (Chapitre 85)

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Liam s'arrêta à l'entrée de sa chambre pour se laisser tomber sur le premier fauteuil venu, harassé par sa longue marche dans la ville et la journée qui l'avait vu se déplacer partout. Les travaux seraient finis dans les temps qu'il avait impartis... Il avait assez terrorisé tout le monde.

Un sourire amer lui étira alors les lèvres et il releva la tête, les coudes sur ses genoux, pour dévisager Eléonore, assise sur le sol et adossée au mur avec quelques fauteuils. Elle tenait à la main une tablette numérique et la déposa, sentant le regard du prince peser sur elle.

— Tu as peur de moi ? demanda tranquillement Liam.

Elle le regarda un long instant puis posa ses mains sans réfléchir sur son ventre rebondi.

— Pas pour moi.

Il tourna la tête pour ne plus la regarder, ne sachant pas ce qui le prenait tout à coup de l'interroger ainsi. Il esquissa l'ombre d'un sourire, déplia et replia les doigts de sa main droite d'un geste qu'il faisait toujours lorsqu'il cherchait à se détendre.

— Tu te souviens de notre rencontre ? murmura-t-il.

Eléonore ne chercha pas non plus à le regarder et murmura simplement d'une voix d'outre-tombe en entortillant l'une de ses mèches de cheveux autour de ses mains.

— Bien sûr. J'étais venue dans cette boîte de nuit et...

—... Je m'y trouvais aussi.

Ils relevèrent la tête pour se regarder l'un et l'autre alors et Liam sentit que son âme endurcie s'adoucissait un peu à ce contact.

Il hésita un instant puis reprit la parole dans la pénombre de leur chambre en ne la quittant pas des yeux.

— Je ne t'ai jamais demandé pour quelle raison tu avais voulu rester avec moi au début.

Eléonore laissa sa tête retomber sur le mur, semblant triste tout à coup, et resta quelques secondes silencieuses avant d'accepter de répondre, retrouvant un peu de son mordant habituel.

— Oui, pour toi c'est évident. Tu t'es intéressé à moi parce que j'étais belle et exactement tout ce que ton père détesterait. Moi... J'adorais ton titre, Liam. Je n'ai pas changé, je veux toujours être reine à tes côtés.

Elle se redressa alors et ses longs cheveux effleurèrent le sol tandis qu'elle posait son regard sur ses pieds nus avant de continuer :

— J'en avais assez d'enchainer les petits boulots, de ne pas arriver à boucler les fins de mois et de ne jamais rien pouvoir m'offrir car chaque fois que j'entrais dans un magasin, mon écran-crédit se bloquait avec la mention "pas de possibilité d'achat". Tu as changé ma vie, radicalement, Liam. Et cela je ne pourrais jamais l'oublier, peux-tu comprendre cela ?

Elle releva alors la tête et il vit que ses yeux étaient brillants comme si elle retenait des larmes qu'elle n'avait pas prévu de voir affleurer à ses paupières. Il se leva et vint lentement s'asseoir à côté d'elle, passant un bras autour de ses épaules et l'attirant contre lui.

— Je te donnerai toujours les plus belles robes du monde, les parfums les plus luxueux, les vacances les plus splendides...

Eléonore laissa échapper un léger rire aux reflets tristes et se serra contre lui avant de dire :

— Je ne suis pas le genre de femme à dire qu'une telle déclaration m'est indifférente. Mais j'ai un peu changé depuis cette époque...

— Ah ? Et comment ?...

Elle plongea ses yeux bleus dans les siens, restant silencieuse un moment, avant de lâcher enfin en se rapprochant encore de lui, mêlant son souffle au sien :

— Maintenant tout cela n'a de prix que si tu es aussi à mes côtés.

Liam la laissa l'embrasser et le lui rendit avec passion, mais il songea à part lui avec une once de regret qu'il ne pouvait pas lui répondre qu'il en était de même pour lui.

Sa sauvage Eléonore lui plaisait... Mais jamais il ne la ferait passer avant tous ses objectifs personnels.

Ce que la jeune femme savait pertinemment de toute façon car lorsqu'elle s'écarta de lui elle avait retrouvé sa morgue habituelle pour lâcher :

— Mais n'oublie pas mes bijoux sinon je pourrais avoir envie d'aller voir ailleurs quand même chéri...

Puis elle reposa sa tête sur son épaule et un instant après, elle s'endormait profondément. Liam se releva pour ensuite se pencher vers elle, la prendre dans ses bras et la déposer sur le lit.

Il la couvrit ensuite d'une couverture avant de tourner les talons et de s'éloigner de leur chambre pour gagner le salon. Là il se rassit dans l'un des sièges, pensif, et resta un long moment immobile.

Qu'avait-il ? Pour quelle raison s'obstinait-il à désirer qu'on le craigne ainsi et à se rendre insupportable ?

Parce qu'ainsi il existait. On faisait attention à lui. Qui oserait encore l'ignorer dans le monde et sur Mars ?

Furieux contre lui, il resserra son poing et frappa la table devant lui sans réussir rien d'autre que se faire mal inutilement.

Son cher père allait-il continuer de diriger ainsi sa vie ? Tout cela parce qu'il rêvait encore d'un regard de sa part...

Il se releva, ne tenant plus en place, et vint se placer devant la grande baie vitrée.

Le dôme... Bientôt entièrement construit. Bientôt tout Mars serait sous contrôle. Il avait tout prévu, tout mis en place.

L'enregistrement de chacun des individus vivant sous la protection des dômes, le contrôle des extérieurs grâce aux robots et une immigration très réduite. Quelques personnes... Selon des critères qu'il n'avait pas encore mis en place.

C'était presque une vengeance. Contre sa vie qu'il ne parvenait pas à aimer... Il jeta un coup d'œil en direction de sa chambre où dormait sa jolie femme et un léger sourire ironique lui monta aux lèvres.

Que penserait son fils de lui dans quelques années ? L'idée était aussi déstabilisante que drôle.

Il avait beau le trouver insupportable d'avance, il veillerait à ce qu'il dispose d'une vie privilégiée sous les dômes de Mars et soit respecté en véritable prince.

Liam n'avait jamais plaisanté avec le respect dû à son rang et, après tout, ce gamin à venir serait un fils de son sang malgré son peu de désir de le voir.

Les enfants d'Astra T1 [SOUS CONTRAT D'EDITION] & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant