Aileen (Chapitre 72)

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Aileen se réveilla au son du réveil de sa table de chevet et ouvrit un œil, fatiguée encore.

— Rodolphe ?

Elle se retourna sur le côté et ne vit que des oreillers vides sans la présence de celui qu'elle aimait. Un début de panique inexplicable s'empara d'elle et elle se redressa tout à fait, répétant comme à travers un mauvais rêve :

— Rodolphe...

Normalement il aurait dû être encore présent à cette heure. Il n'était que cinq heures trente du matin...

Elle ferma les yeux avant de les rouvrir et de repousser la fine couverture pour se lever précipitamment. Où était-il ? Et surtout pourquoi avait-elle peur de cette façon ?

Elle se dirigea vers ses vêtements de tous les jours posés sur le dessus d'une chaise juste à côté d'elle.

Avec des gestes précipités, elle commença à enfiler sa tunique, ses bottines et son fin pantalon noir. Elle terminait de s'attacher rapidement les cheveux en un chignon lâche lorsque son regard aperçu quelque chose d'intrigant sur l'écran.

Une lumière verte clignotait en bas à droite et cela ne pouvait signifier qu'une chose : il n'était qu'en veille et quelqu'un venait de s'en servir.

Elle était certaine de l'avoir éteint elle-même la veille. La jeune femme se décida à s'approcher lentement de l'écran mural, incertaine mais saisie d'un pressentiment qui l'emplissait d'une appréhension toujours croissante.

— Oh, Rodolphe non je t'en prie ne sois pas parti...

Pourquoi le craignait-elle à tout instant ? Ses doigts effleurèrent la surface de verre et comme prévu cela suffit à la réactiver. L'écran s'illumina et différentes fenêtres s'affichèrent. Aileen mit quelques minutes à trouver le dernier endroit où Rodolphe était passé : sa messagerie.

Saisie d'une peur incompréhensible, elle se tourna vers la gauche de l'écran pour appuyer en quelques points bien précis du mur et faire apparaître sa propre boîte de réception.

13 456 nouveaux mails.

Elle secoua la tête, exaspérée une nouvelle fois des milliers d'informations qu'elle recevait à chaque heure en tant que reine et avança ses doigts en tremblant légèrement vers la barre de recherche, tout en serrant les dents et en murmurant en boucle sa prière muette. "Qu'il ne soit pas parti... Oh non je vous en prie !"

Elle écrivit rapidement les quelques lettres qui formaient son nom tout en les murmurant à voix haute.

— R-o-d-o-l-p-h-e Kent.

Un nouveau message non lu s'afficha aussitôt et Aileen se sentit défaillir devant le titre qui lui pénétra le cœur avec une violence qu'elle n'aurait jamais soupçonné même dans ses pires appréhensions.

Elle ne pouvait se résoudre à ouvrir le message et se contenta simplement de murmurer ce qu'elle avait sous les yeux dans un état de profonde hébétude.

— Adieu.

Une larme roula sur sa joue et elle resta ainsi debout devant l'écran une bonne dizaine de secondes avant que son caractère ne reprenne le dessus. Elle pouvait peut-être encore se battre... Son orgueil avait beau se rebeller à l'idée de vouloir retenir un homme qui la quittait, elle ne pouvait se résoudre à perdre son mari pour toujours...

Alors rendue plus forte par cette volonté de comprendre et de le retrouver pour pouvoir lui répondre, elle cliqua sur le message et commença lentement à déchiffrer à travers ses yeux brouillés de larmes ce qui s'affichait.

Aileen, je t'aime.

Il me fallait te le dire, je ne pouvais partir ainsi. Je suppose que dans quelques mois tout sera oublié entre nous. Que la vérité détruira ce qui fut le plus beau rêve de ma vie... Oh, pardonne moi, pardonne moi d'avance mais il faudra à partir de cet instant que je te déteste. C'était notre destinée depuis le début. Comment ai-je pu seulement croire à ce mirage ? T'épouser... Mais quelle erreur ! Le passé fait de nous ce que nous sommes. Sans compter notre histoire... Tu m'oublieras Aily, et peut-être que c'est mieux ainsi.

— Oh non, non, ne parle pas ainsi, Rodolphe !

Elle avait envie de courir dans tout le palais pour tenter de le retrouver avant qu'il soit trop tard et qu'il soit perdu quelque part dans une ville lointaine mais ses yeux ne pouvaient se détacher du message. Les yeux plein de larmes, elle les essuyait d'un geste vif pour garder une visibilité suffisante, tout son être tendu vers les lignes qu'elle déchiffrait une à une.

Je serais resté avec toi jusqu'à l'instant où cela n'aurait plus été possible. Et même... Je me demande à cet instant si ce n'est pas toi que j'aurais choisi envers et contre tout. Mais il y a quelqu'un que j'aime autant que toi, différemment mais auquel je tiens énormément.

Oh Aily je pouvais tout te pardonner ! Tout ! Mais ça... Ça non... Pourquoi m'avoir caché que tu avais dans les cellules de ton palais la princesse Sibylle Astra ?

Pouvais-je te laisser la torturer ? C'est son cri cette nuit qui m'a réveillé et rendu à moi-même. Je n'ai jamais été plongé aussi brutalement dans la réalité et elle est si sombre... et pourtant c'est la seule qui existe.

Adieu, Aileen. À partir de ce jour, pas tout de suite évidemment car je n'y parviendrai pas, je m'efforcerais de te haïr comme je l'aurais dû dès le départ. Quel était ce rêve ? Oh, comment ai-je pu espérer et oublier mon nom !...

J'ignore si je suis responsable de tout ce qui nous arrive. Je sais en tout cas que je n'aurais jamais dû me permettre de quitter la réalité. La vie est un cauchemar sombre pour moi depuis toujours, comment ai-je pu espérer le contraire ?

Aileen, oh qu'il est doux encore d'écrire ton prénom !, tant que je ne l'accompagne de ce nom que je maudis mille fois... AM.Erica.

Te détester sera mon but le plus dur à remplir mais sois certaine que j'y parviendrai un jour. Parce qu'il le faut. Cela sera facilité par le fait que tu as autorisé la torture d'un être qui m'est si cher ! Je savais que tu avais Saedor dans tes prisons mais je m'aveuglais en pensant que le responsable de ceci était ton père.

Tu as fait ton devoir en torturant la princesse héritière de son frère. Laisse à ce dernier le droit de faire de même.

Si je le peux, je vais la sauver. Et puisque sans toi plus rien ne me relie à l'AM.Erica, je vais l'organiser cette révolution que tous attendent de moi !

Tu l'auras compris. Ton mari est celui dont tu as mis la tête à prix... Tu comprendras que fuir après cette révélation était l'unique solution. Je suis désolé de cette aventure de quelques années, pardonne moi de t'avoir adoré dès cet instant où j'ai appris à t'apprécier.

Avec, une toute dernière fois, tout mon amour...

L'Empereur Rodolphe Astra.

Les enfants d'Astra T1 [SOUS CONTRAT D'EDITION] & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant