Chapitre 18 : Les équipements n'en font qu'à leurs têtes

42 7 7
                                    

Le commissariat a pris en en compte ma déposition en fin d'après-midi, la famille de Sammy va rapidement être mise au courant de l'incident. La soirée est silencieuse jusqu'à ce que la pluie commence à frapper les carreaux. Tandis que mes parents s'occupent de soigner les plaies de mon frère je dors déjà à point fermé. Ma journée a été épuisante et dès que je me suis couchée sur le sofa, le sommeil m'a envahie. Alban ne tarde pas à me rejoindre car je sens quelque chose s'installer à mes côtés. En plein milieu de la nuit, une lumière verte autour de mon poignée interrompt mon sommeil. Je prends soin de couvrir Alban d'un drap avant de m'en aller analyser mon bracelet magique. En supposant que mes parents sont partis en urgence à l'hôpital, je comprends pourquoi ils nous ont laissé dormir sur le canapé. A mon avis, les métiers d'infirmier ou chirurgien ne permettent pas d'avoir l'impression de vivre une vie confortable. A la différence de mon frère, depuis ma plus tendre enfance je suis habituée à être seule et indépendante, cependant je doute qu'Alban apprécie l'absence de ses parents. Pour lui, je suis une deuxième mère et c'est pertinemment pour cette raison que j'ai été si affectée par son agression. Alban a toujours été différent des autres enfants sur le point de vue de la croissance, il ne grandit pas assez rapidement. Son cerveau se développe alors que son corps reste jeune et fragile. Maintes fois, le médecin lui a prescrit des traitements pour lutter contre ses problèmes mais la meilleure solution reste la patience. Mais plus Alban grandit plus les gens le remarquent et commencent à l'attaquer pour sa différence. L'histoire que Yanis m'avait racontée à propos de la femme qui lui a ouvert les yeux m'a en quelque sorte aidée à voir en mon frère un nouvel espoir. Un jour, il ressemblera certainement aux autres garçons mais l'héritage qui lui a été transmis par mon grand-père restera en lui à jamais. Le pédiatre nous a toujours prévenus qu'il y avait de grandes chances qu'il ne soit jamais fertile à l'avenir.

A présent, il est l'heure de rejoindre Yanis, V et Olive dans le monde des fées. Je suis reconnaissante envers cette magie qui me permet de partir sans que les jours ne s'écoulent. Sans cela il me serait impossible d'accomplir ma mission incognito. Dès l'instant où je presse le bouton en forme d'arc-en ciel incrusté au milieu de mon bracelet, je me sens rétrécir, et comme si je tombais dans un trou mes bras ainsi que ma tête se lèvent vers le plafond de la salle à manger. Un dixième de seconde s'écoule lorsque je distingue ma position. Depuis mes 90 centimètres et bien que je sois toujours protégée par le toit de ma maison, des gouttes d'eau tombent doucement sur mon costume. Etonnée par ce phénomène, je me demande si la magie va réussir à m'envoyer directement dans les mondes imaginaires. Un minuscule nuage et des rayons de soleil sont apparus au-dessus de ma tête, je me réjouis quand j'aperçois un joli petit arc en ciel se former. Il m'attire comme un cavalier qui tire son cheval. Mon âme flotte dans l'air jusqu'à traverser de la même manière que la dernière fois la bande rose de l'arc coloré. Mon corps traverse la frontière avec une souplesse démesurée et vient se poser à l'endroit où la désignation d'Olive a été effectuée. Allongée sur le sol, la forte lumière frappe à la porte des deux amandes présentes sur mon visage. Redressée, mes mains viennent tapoter les épaules de mon coéquipier.

-Salut ! Me dit-il en somnolent.

-Les bracelets ont fonctionné ! Allons-y ! Il n'y a pas de temps à perdre, répliqué-je afin de réveiller le bel endormi.

-J'arrive, V est dans les parages ? Murmure-t-il en commençant à bouger.

Après avoir salué la reine, rempli nos sacs de divers équipements et provisions, notre groupe est prêt à s'en aller en direction de la forêt Rose. Nous sommes tous réunis devant la sortie du château, avant de m'en aller je remercie et promet à la reine de faire de mon mieux pour l'aider. Notre nouvelle camarade semble prête à tout pour satisfaire et honorer sa race, elle nous indique déjà le chemin à prendre. La maison ou plutôt la cabane du magicien Esteban se situe au-delà de la montagne des Flyivor à l'intérieur de la forêt Rose. Pour le voyage, Cassandra nous offre plusieurs paires d'ailes où sont dessinés des symboles et des écritures caractéristiques des fées. Grâce à ce cadeau, vous aurez plus de chance d'atteindre le sommet de la montagne en un temps record, explique-t-elle. Sans ces précieux accessoires nous étions forcés de prendre un chemin pentu et tracé seulement jusqu'à huit-cents mètres. Seulement, en sachant que la hauteur représente un kilomètre, il y aurait eu deux cents mètres supplémentaires à escalader. Autant vous dire que pour des Leprechauns et des fées privées de leurs ailes, ce voyage est l'équivalent de 2 jours de marche jusqu'au le sommet. Ces ailes amovibles créées par d'ingénieuses fées seront vraiment utiles, les poseurs accrochent le matériel avant de me laisser rajouter mon sac à dos. Il suffit de prendre de l'élan pour décoller, puis pour battre des ailes et avancer le son de notre voix est requis. Comme pour des animaux il faut leur parler, les ailes comprennent toujours ce qu'on attend d'elles. A moins qu'elles ne veuillent pas obéir...

C'est parti ! Chaque membre du groupe court en suivant une ligne droite. Rien ne dérange notre passage hormis les herbes hautes qui nous obligent à ralentir par moment. Olive s'en sort plutôt rapidement alors que V a dû mal à s'y retrouver. Je me rapproche de lui et prend sa grosse main. Nous décollons ensemble tandis que Yanis virevolte déjà à la hauteur de la petite fée. Le jeune homme rayonne, il préfère la vie dans les airs cela lui semble si simple. A moins que... Notre course se termine lorsqu'un claquement signale aux ailes qu'il est l'heure de redescendre sur la terre ferme. Cependant, cela n'est pas censé arriver sans l'intervention de l'être transporté ! Mes amis et moi commençons à redescendre petit à petit alors je leur crie d'essayer de diriger les ailes vers le sommet le plus plat de la montagne sans ça nous retournerons d'où l'on vient. Quand j'ordonne à mon matériel de tourner rien ne se passe. Pourquoi ne veulent-elles pas m'écouter ?

-Oblige-les ! Elles doivent savoir que tu es celle qui dirige et non l'inverse ! Réplique le Leprechaun en remarquant les agissements de mes ailes.

Comme un cheval qui se cabre ou un taureau qui cherche à expulser une personne de son dos, mes ailes vont et viennent aléatoirement dans les airs en me secouant. Yanis alarmé par la situation et voyant que cela ne s'arrange pas malgré ma persévérance, me vient en aide. Il s'efforce d'avancer vers moi, enveloppant ma main dans la sienne et dirigeant ces ailes vers le sommet de la montagne. Encore quelques minutes et nous étions trop bas pour nous poser ailleurs que sur terre.

A présent tout le monde et réunit sur une roche assez plate en haut de la montagne Flyivor. Nous ne savons pas pourquoi nos ailes se sont stoppées en plein milieu du chemin mais à présent il va falloir les redémarrer d'une manière ou d'une autre. Seulement, comme son nom l'indique, cette montagne abrite une espèce d'oiseau carnivore. Ceux-ci sont très heureux quand des visiteurs s'invitent chez eux... En effet, Flyivor est l'une des rares races de volatile à manger de la viande comme un tigre ou n'importe quel animal vivant dans la jungle. C'est pourquoi nous ne perdons pas de temps et débutons nos essais. Quelques minutes s'écoulent alors que plusieurs sifflements caractéristiques des Flyivor retentissent. Le bruit se rapproche progressivement et j'observe la nuée de volatiles apparaître dans le ciel.

-Ça fonctionne ! S'écrie finalement le leprechaun qui voit ses ailes débuter leur vol.

Yanis et Olive sont prêts, il ne reste plus que moi sur la roche. J'appuie sur mon bouton et trottine dans la longueur de la pierre mais rien à faire mes ailes restent réticentes. On peut deviner qu'elles refusent catégoriquement de m'aider, je commence à me demander si mon matériel est tombé en panne. Un large et sombre oiseau au bec et plume pointu vient de se déposer très près de moi. Je m'éloigne doucement en gardant le contrôle mais je suis bientôt contrainte à enfiler des chaussures pour l'escalade.

-Ania ! Tient bon nous sommes là pour te rattraper au cas où, s'exclame Yanis.

Je ne suis pas très rassurée mais équipée, je prends mon courage à deux mains et mets mon pied dans un trou naturel en descendant comme d'une échelle. Le dénivelé est tellement fort que j'ai l'impression de faire du sur place, la bête va me dévorer ! En me pressant, je regarde toujours vers le ciel pour éviter le vertige et les mouvements des horribles Flyivor. C'est à ce moment précis que je vois apparaître un gros nuage noir dans le ciel.

-Vous avez vu ? Dis-je d'une voix effrayée.

-Ne t'inquiète pas, ce n'est rien continue, Dit V. Il y aura peut-être de la pluie, c'est tout.

J'acquiesce et enfonce mon pied fermement dans une autre encoche naturelle. Ce nuage ne s'en va pas ! C'est alors qu'un jet de lumière m'éblouit la figure. Je perds prise à cause de mon manque de visibilité et de mes bras fins. J'essaye en vain de remonter par le seul équilibre de mes pieds mais malheureusement l'un d'eux se détache et se balance dans le vide. Je me tiens à la roche et crie « Au secours ! ». Mes doigts en sueur glissent... Je baisse la tête pour voir la hauteur à laquelle je me trouve. Mais trop tard, ma main dérape et je tombe littéralement dans le vide. Bien que je sois équipée d'un harnais de sécurité, dans ma chute je m'évanouis. Le plus étrange dans tout ça, c'est que même endormie j'ai senti que l'on me rattrapait.

Somewhere over the rainbows !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant