Chapitre 25 : Mais qu'arrive t'il ?

23 2 0
                                    

Un cri retentit, il m'est très familier ! Que se passe-t-il ? Où suis-je ? Je tourne et ne distingue nulle chose. Ces cris deviennent de plus en plus insupportables ! Rien que du rouge, puis seulement du vert et puis plus rien du tout. Je reconnais ma face terrifiée à travers mon miroir de poche, une jeune fille aux longs cheveux bleus et fins le décore. Mon visage est blanc comme celui d'une morte, ma bouche tremble de peur et mes yeux ouverts restent fixes. Redressée sur un lit, je sens le sol qui tremble, le parquet grince alors qu'il n'y a que moi dans la pièce. Depuis le bout de mes orteils, on peut sentir la crainte qui s'éveille en moi. Je n'ai pas le temps de bouger, en plein milieu de mes draps un trou se forme. Attirée comme un aimant magnétique le vide m'hypnotise. Je ne peux pas m'empêcher de crier d'affolement, je suis entrée ou plutôt tombée dans le trou formé par mes draps. Néanmoins, au lieu d'être au sol dans ma chambre avec un lit transpercé ou pire au rez de chaussé, je me trouve dans un tout autre endroit. J'ai quitté la maison.

Je parviens à ouvrir un œil. J'aperçois alors des formes géométriques multicolores qui tournent autour de moi, elles flottent dans l'air... Tout est sombre mais grâce à ces petits objets semblables à des lanternes, le paysage est plus joli. Cependant ce n'est qu'une hallucination...

Je ferme un œil pour ouvrir le deuxième aussitôt, le décor a changé ! Les lumières et les formes ont disparu, je marche sur un sol blanc qui n'en finit pas. Des sons stridents se répandent partout dans la pièce, une silhouette féminine s'éloigne sur un trottoir semblable à ce que l'on connait, les murs de la pièce se sont évaporés. Finalement l'individu disparaît et la voiture attend à l'intersection de la rue.

-Ania, réveille-toi !

Je suis à plat ventre, installée à 90° sur le canapé, mes pieds et ma tête dépasse. Un garçon dont je n'arrive pas à distinguer l'identité se tient à genoux du coté de ma chevelure mais étant donné le positionnement de ma face, je n'observe qu'un bout de ses pieds nus. Je devine rapidement à leurs apparences le propriétaire. Ils ne sont ni grands, ni gros, ni répugnants et puants comme ceux du leprechaun et pas assez vieux et ridés pour être ceux d'Esteban donc j'en conclus que Yanis est encore là. Maintenant que je suis assez réveillée et que j'ai compris qui j'ai en face de moi, j'oblige mon corps à changer de position.

-Ania ? Intervient le jeune homme qui ne m'avait pas quitté des yeux. Comment vas-tu ? Tu criais !

-Qu'est-ce qu'il s'est passé, pourquoi me suis-je assoupie en plein milieu de l'après-midi ? Murmuré-je déroutée.

-Je m'étais éclipsé à la salle de bain et en revenant tu dormais. Je n'ai pas voulu te réveiller car depuis que je t'ai vu ce matin tu sembles fatiguée, répond mon interlocuteur.

-Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit, révélé-je à la manière d'une confession.

Yanis comprit la subtilité de ma réponse en reconstituant ma soirée d'hier soir. A vrai dire, il ne parait pas plus reposer que moi et je pourrais parier qu'il s'est aussi assoupi un moment en attendant mon réveil. Il semblerait qu'il cache quelques sentiments, ces dernières heures de « sommeil » n'ont pas été celles qu'il prétend. Je l'imagine se tortiller sur son matelas, réfléchissant au déroulement des événements futurs. Il a sans doute pesé le pour et le contre avant de venir se pointer chez moi, à l'évidence il avait deviné le conflit et ma perte de mémoire prochaine. Finalement, Yanis remballe ses affaires et m'adresse des remerciements avant de s'en aller, il est déjà 18h30. C'est alors que V fait sa réapparition, nous l'avions oublier dans la cuisine. Il parait que les leprechauns sont de bons cuisiniers. Ce soir, la spécialité du chef est au menu : Omelette aux fines herbes accompagnées de plusieurs petits mets. J'ai hâte de passer avec ma créature préférée. Un message en provenance de papa m'indique l'heure tardive à laquelle ils ont décidé de rentrer, il m'arrive de penser qu'ils m'ont délibérément laissé seule aujourd'hui... Et cela se confirme quand le lendemain ma mère s'empresse de demander ce que j'ai fait de ma journée en solitaire. Elle essaie d'en apprendre davantage sur Yanis et moi mais je ne flanche pas et cours attraper mon bus scolaire.

-Mais tu vas lui parler bientôt ? Me demande Angela après lui avoir raconté mon dimanche.

-On ne sort pas ensemble ! Alors pourquoi devrais-je, déclaré-je en rougissant malicieusement.

-Ca ne saurait tarder, réplique t'elle en s'esclaffant en se levant du siège.

Un peu plus tard, lors de notre déjeuner au self du lycée, Yanis pose son micro plateau repas à la table où je me trouve. Les petites faims ne sont dans ses habitudes, malgré son corps mince c'est un garçon plutôt gourmand, quelque chose le chagrine. Je vous l'accorde les plats des cantines scolaires ne sont pas très fameux mais tout de même, il n'est pas le garçon "des pauvres", c'est-à-dire celui qui se pointe à table, le plateau à moitié vide. En effet, rare sont les fois où Lisa, la reine des reines, ne passe pas à proximité de moi l'assiette presque vide, à peine plus qu'une pomme et un verre d'eau. A chaque fois, je me demande comment elle tient toute la journée, elle doit faire un régime toute l'année ou alors pire elle cache une boîte fait-maison (version populaire) dans son sac à dos luxueux. On ne sait jamais au cas où elle s'intoxiquerait avec la nourriture des gens "normaux".

-Ça ne va pas ? Tu as une petite mine, dis-je en regardant le jeune homme qui avale les quelques légumes présents dans son assiette.

-Si, pourquoi ? Ose-t-il répondre, les yeux éternellement baissés et le nez presque trop près de la nourriture.

-J'ai fait quelque chose ? Ce n'est pas possible, insisté-je, tu manges toujours comme un goinfre, où est passée "ton auge de cochon" ? Déclaré-je en essayant de lui remonter le moral.

-Ania... Bredouille-t-il en retenant ses larmes, je...

Oh, mince, je crois qu'il ne plaisante pas... Ne sachant quoi faire, je le dévisage mais au fur et à mesure de mes actions, je comprends de moins en moins ce qui se passe. La panique m'envahit, je me lève vite, les élèves ne m'épargne pas, j'attrape les deux plateaux et manque de les renverser. Tellement bouleversée et stressée par les regards étonnés et les agissements de mon ami, mes gestes semblent devenir restreints. D'une main timide Yanis me suit hors de la cantine, cette fois les rumeurs vont s'avérer vraies aux yeux des lycéens. Pourtant, Yanis continue et se moque des nombreux iris qui nous observent.

A l'extérieur et loin des œillades indiscrètes, je lâche la main du jeune homme, remarquant alors son visage humide et rouge. A la vue de cette affreuse frimousse, mon cœur s'emballe, mais qu'est-il arrivé ? Ses grands yeux me fixent d'une manière triste et découragée, des gouttes d'eau salées ne cessent de ruisseler sur ses joues. Je ne distingue plus ses mignonnes fossettes. Tout comme lui ma face ne doit pas être belle à voir, mes yeux verts doivent scintiller de mille feux. Pas un scintillement éclatant de bonheur et de joie semblable aux étoiles et aux jeunes amoureux, non, un éclat d'inquiétude, d'angoisse et d'impuissance. Mais dans ce cauchemar persistant je ressens une étreinte de chaleur, la bouche murmure des paroles toutefois imperceptible mais compréhensible : "J'ai besoin de toi". Sans gêne et sans peur du rejet, je détache mes prunelles vertes de celles de mon hypnotiseur pour les fermer un demi dixième de seconde plus tard lorsque mes bras atteignent enfin le dos du malheureux garçon. Ma poitrine, mon ventre, mes épaules sont encastrées comme un puzzle contre l'âme de Yanis. Durant un instant, j'ai l'impression qu'il n'y a plus que nous, que nous sommes seuls, comme lorsque les portes des centres commerciaux ferment leurs volets gris. Éloignés du lycée mais visiblement pas tant que ça, la sonnerie de 14 heures retentit, les élèves externes se pressent pour rentrer en classe tandis que nous tel une clé coincée dans la serrure d'une porte nous discutons mentalement. Peu à peu je sens l'organe vital de mon ami ralentir. Je commence à reprendre mes esprits, le calme et la sérénité naturelle de Yanis reprend le dessus. Finalement, je brise le lien des deux corps, déconcentrée par le paysage. Nous sommes en plein milieu du passage, sur un trottoir étroit et à double sens, les voitures à ma gauche cessent de rouler aux feux de circulation et les piétons traversent en sécurité la chaussée, autant vous dire que nous étions loin d'être seuls.

Une bonne vingtaine de minutes plus tard, Yanis est assis à côté de moi, un livre d'aventure sous le nez, nous n'avons pas eu la force d'entrer en cours après cela, le malaise aurait été trop intense. De toute manière, je devais connaître la raison pour laquelle tout ceci été arrivé ! Estimant l'attente assez longue, je me décide à bouger du fauteuil de Yanis. Pas à pas en me rapprochant de son lit gentiment, le jeune homme inspiré et emporté par sa lecture ne se doute de rien. Mais c'est terminé finit les excuses, je veux l'aider, le livre lui échappe des mains.


Somewhere over the rainbows !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant