Le Temps des Élus

3. Nov Lattag

« Vous le savez, Nov. Notre Temps s'annonce. »

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« Alors, que me voulez-vous, numa Chan ? Ou Alice-sen, si vous préférez la particule okrane ?

— Je suis très surprise que vous soyez encore en vie. Vous avez l'air en pleine forme pour quelqu'un du siècle dernier, Lattag.

— Qui est Lattag ? On dirait un nom de l'ancien temps, déjà oublié.

— Alors, qu'est-ce que cela fait d'être un oublié de l'Histoire ?

— À la longue, on devient philosophe.

Nov but son premier rooibos, puis son deuxième.

— Que me voulez-vous, Alice ? »

Alice Chan étudiait Nov à la lumière des chandelles. Tenu par des okranes, le restaurant accueillait une grande variété de clients, d'âges, de catégories socio-professionnelles. Beaucoup d'inverts semblaient avoir investi les salles du fond, des héritiers malheureux de modifications génétiques décidées en d'autres époques – quand leurs embryons avaient été conçus. Principalement des félins, dont les fourrures fines formaient des motifs sur leurs visages, pénétrant jusque dans leurs oreilles pour venir les gêner. Ceux-là vivaient vite et mouraient jeunes à cause d'effets secondaires. On avait, depuis, interdit les souches.

« Quand j'ai appris que vous étiez encore là, je n'y croyais pas. Je voulais le voir. Vous êtes une légende, Nov.

— Mais je ne suis pas recherché par le Bureau, souligna-t-il. Nous sommes dans le même camp, Chan-sen. Nous voulons tous que le monde vive en paix. Vous, moi, Basil Thompson.

— Vous dites ça parce que je vais être nommée secrétaire.

— Nov Lattag a eu de multiples vies. Il a été mêlé aux Élus, au PGM, avant de connaître la brillante et courte carrière que l'on sait. Le tout sur le dos des okranes, puisque, nous ne le cachons pas, le meilleur argument de vente du Parti pour la Gouvernance Mondiale a toujours été cette « hégémonie humaine. » Mais je suis repenti, Chan. Ce temps est derrière moi. Je sais maintenant que les okranes font partie du monde, tout comme nous en faisons partie... et ce monde est devenu plus grand, ce qui est merveilleux.

Alice Chan sourit.

— Vous avez changé, Nov. C'est ce que vous me dites.

— Tous les hommes changent. Et ce sont nos actions qui font ce que nous sommes. Demandez à notre défunt Iruka Hidan. Iel n'avait pas reçu la direction de la Ligue pour la Défense des Autonomes dans un paquet-cadeau, ni son poste au BIS.

— Je vous crois sincèrement, indiqua Alice. Vous avez vécu plusieurs vies, vous êtes monté très haut, descendu très bas ; je sais que cela peut changer radicalement un homme.

— Vous trouvez ça ironique ?

— En un sens, oui, mais ce n'est pas de votre faute. Regardez-moi bien.

Nov avança la tête. L'éclat métallique de ses implants cochléaires passa dans ses yeux comme une brève flamme.

— Remarquable, dit-il. Ça vous fait quel âge, Alex ? Oh, ne me tuez pas, je vous prie.

— Alex ? Qui est-ce ? Et qui voudrait vous tuer ? Vous êtes un cadavre ambulant, vous vous décomposez sur place. Qui peut écouter vos jérémiades, désormais ? Une fois tombé sur le bas-côté de l'histoire, personne ne s'arrête plus pour vous faire monter.