39. La marche du Bureau

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« Chers tous, c'est officiel, la première bataille de notre siècle a commencé... elle fait rage en ce moment même à l'intérieur de la Cité Libre de Limun. »

Espace terrien, 2142


De mille satellites-espions minuscules dispersés sur les orbites basses, l'Exadiel observait. La possibilité d'une intervention avait été longuement pesée. D'un point de vue diplomatique, sa seule option aurait été de participer à la coalition sous l'égide du BIS. Du point de vue pratique, la confusion qui se déversait à toutes les strates de la géopolitique terrienne pouvait se être catalysée de différentes manières.

Seule l'opinion publique trancherait, or elle entrait dans une phase volatile.

La zone d'exclusion spatiale formait une sphère de cinquante mille kilomètres. Soit une heure de trajet à 10g d'accélération, sans amélioration inertielle. En revanche, quelques secondes suffiraient à frapper la Terre avec une arme hypercinétique. Le projectile relativiste, accéléré à plusieurs milliers de kilomètres par seconde, verrait sa masse calibrée en fonction de l'énergie requise pour l'impact au sol. Rien ne pourrait le stopper. L'impact, d'une précision d'un kilomètre, anéantirait les forces de la coalition d'un claquement de doigts, avec quelques dommages collatéraux – et déclencherait la guerre globale.

Pour l'heure, le placement des vaisseaux de l'Exadiel se voulait une démonstration de force vouée à limiter les ardeurs guerrières du BIS.

Tsim attendait et observait.

Lion consultait les stratèges aleph.

Tout se jouerait peut-être en quelques mouvements.

***

Limun, 2142

« Il est six heures moins cinq.

Chers collègues, n'oubliez pas que nous sommes une force de maintien de la paix. Aucune arme ne sera employée sauf pour nous défendre contre une agression extérieure. Aucune victime civile ne sera tolérée, et pour chaque victime, même militaire ou policière, les officiers supérieurs passeront un sale quart d'heure.

Je sais que beaucoup d'entre vous se sont posés des questions la nuit dernière ; que certains ont téléphoné à leur famille, que pour certains il s'agit du premier combat en situation réelle, que pour certains, peut-être, il s'agit du dernier. Je sais que beaucoup ont hésité à remettre en cause la validité des ordres que nous avons reçus. Je vous invite à laisser tout ça de côté. Pas parce que nous avons des ordres à suivre, qu'ils ont été signés par le Conseil de Sécurité, la direction du BIS et quelques autres huiles que vous voyez à la webinfo. Non, parce que lorsque nous serons entrés dans Limun, votre survie tiendra peut-être à votre capacité à oublier tout le reste. Vous allez oublier votre famille, vos enfants, vos questions ; au milieu de l'action, il vous restera votre nom, votre grade, votre arme, et votre mission.

Dans dix heures, nous aurons pris le contrôle de Limun. Quelles que soient les pertes et quelles que soient les conséquences. Bonne chance à tous. »

Les Titan furent les premiers sur les lieux. Prêtés par l'armée américaine, il s'agissait des plus gros drones autonomes en activité : une tonne au compteur, sans compter les armements.

Une convention internationale de 2020 stipulait que la décision de tir devait être laissée à un opérateur humain. Les militaires de la Coalition appliquaient cette loi en théorie ; en pratique, les autorisations étaient accordées par défaut. Il fallait simplement remonter à un responsable éventuel, à savoir, l'officier qui avait signé le bordereau fatidique.

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