22. Mars

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« Je vous souhaite un bon voyage. »

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Flottant sur ses rails magnétiques, le train traversait la plaine rouge à six cent kilomètres à l'heure.

Il n'avait aucun contact avec la paroi du tube dans lequel il se déplaçait. De l'intérieur, cela se devinait à l'absence totale de vibration.

Aléane aperçut à travers la vitre les silhouettes des Octopodes qui produisaient de l'atmosphère. La pression de l'air martien au niveau du sol avait atteint les cent hectopascals l'année passée, pour une composition encore irrespirable. L'usine à dioxygène la plus efficace se nommait une biosphère. Les bactéries et plantes résistantes à la toxicité du sol martien, introduites par l'Union fédérale, coloniseraient la planète entière en un siècle environ. D'ici là, il faisait bon vivre sous les bulles anti-UV.

Quelques notes de musique annoncèrent leur arrivée prochaine à Atome.

« Le président directeur général de Navactis, l'ancien représentant de l'ONU auprès de l'Exadiel, Carl Brandt, a annoncé publiquement que tant que le moratoire n'entrait pas en vigueur, les recherches sur la vie artificielle continueraient.

Nous avançons sur un chemin déjà balisé, et nous ne courons absolument aucun risque. Les retombées, en revanche, peuvent être immenses. Améliorer nos connaissances en biologie cellulaire sera un atout majeur dans la lutte contre Chiro et le vieillissement.

En raison de la multiplication des cas de contamination par la souche 21NB du virus Chiro, l'Organisation Mondiale de la Santé et le Bureau International de Surveillance ont recommandé aux résidents de la Cité Libre de Limun ainsi que de tout le Sénégal de limiter leurs déplacements au maximum. Les médicaments préventifs contre le virus ont été jugés inefficaces par l'Agence de Protection de la Santé de l'Union, et en conséquence, la quarantaine des transferts entre Mars et la Terre a été portée à cinq jours. »

Les portes du compartiment s'ouvrirent. Le Nerganet ayant enregistré le déplacement d'Aléane, une notification tomba sur son intra-auriculaire et parut par-dessus le flux d'informations trimondiales.

« Aléane-sen, bienvenue à Atome. Votre rendez-vous a lieu à onze heures. »

Olympus, la deuxième plus grande ville de Mars, se situait à mille kilomètres d'Atome, soit deux heures de train supersonique. Aléane avait déjà vu des images en accéléré du processus d'urbanisation, prises depuis des satellites. Le tissu urbain s'étendait comme une toile d'araignée, connectant les villes et les avant-postes au centimètre près. La colonisation de Mars était planifiée à l'échelle de l'Union. Le visage futur de la planète avait déjà arrêté ; aussi bien la forme des océans que l'organisation de ses écosystèmes.

Il s'agissait de la plus grande opération d'ingénierie des écosystèmes biologiques de l'histoire du Trimonde, et l'Union dépensait des efforts immenses pour que ce projet réussisse. Plus encore que dans la gestion des maigres ressources de biomasse et d'énergie de la planète.

Les erreurs dans l'ingénierie du milieu martien se paieraient très cher dans le futur ; une mauvaise manipulation pourrait rendre des continents entiers inhabitables. Une bactérie hors de contrôle pouvait, au lieu de les purifier, contaminer des mers entières.

Démonstration d'hubris, ou plus belle création depuis l'éveil de l'humanité à la conscience ?

Sans ce tissu de désirs inconstants et de rêves fuyants qu'était la volonté humaine, les okranes et Aléane n'auraient jamais vu le jour. Mars elle-même ne serait toujours qu'un désert rouge, âpre et sordide lieu de mort.

Le Temps des ÉlusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant