Chapitre I

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«Qu'est-ce qu'il est beau...»

«Sacha ? Ohoh, Sacha ! Réveille-toi bon sang !

-Hum ?»

Je secoue vivement la tête. Louise me fixe, l'air de dire «Toi, alors...».

«Hum, pardon. Je peux pas m'empêcher de le regarder : il est tellement parfait !»

Je souris béatement et lui demande aussi béatement :

«Tu as déjà été amoureuse, je veux dire vraiment ?

-Pour la centième fois, soupire-t-elle, Oui : Timothée, ça t'évoque quoi ?

-Ah, oui, s'cuse.»

Le garçon tourne à l'angle du couloir, je rentre un peu plus les mains dans mes poches, et soupire d'aise. Que c'est bon d'être amoureuse ! L'heureux élu s'appelle Théo, est beau, charmant, cultivé et délicat... Je m'appuie contre le chambranle de la porte de la B7, et me laisse glisser au sol. Je fourre mon nez dans mon col en laine synthétique et Louise appuie sa tête contre mon épaule, ou plutôt l'endroit où devrait être mon épaule, qui n'a plus son apparence, recouverte comme elle est de couches de vêtements.

Deux premières passent devant nous et l'une d'elle dit :

«Vous êtes lesbiennes ou quoi ?»

Sa copine rit et je réplique aussitôt :

«Non, on est amies, mais peut-être que pour toi il n'existe que les maîtres et les esclaves !»

Elles nous ignore, et je me tourne vers Louise en souriant bêtement :

«De toute façon, aujourd'hui, rien ne pourra entamer ma bonne humeur !

-Pourtant tu as un contrôle de maths !», grogne-t-elle.

Je me relève en écartant mon amie et prends mon sac.

«Je vais le poser, tu m'accompagnes ?»

Elle se lève à son tour et nous montons les escaliers jusqu'en C4, où je pose mon sac devant la porte. J'ai une furieuse envie de courir en hurlant jusqu'au bout du couloir, mais bon... Les professeurs restent dans les salles pendant les récréations, donc je vais éviter...

«Je sais ce que ça fait, mais bon..., reprends-t-elle, Tu comprends, je ne pense pas que du bien de Théo, même pas de bien du tout, alors forcément... Enfin bon, c'est toi qui vois !»

Je me tourne vers Louise et je rit de tout ce que la mollesse de l'amour me permet. Je tourne sur moi-même en fermant les yeux et en levant la tête.

«Mais ça fais tellement de bien !, murmurais-je.

-Je sais...», soupire-t-elle.

Je la prends par la main et nous improvisons une danse, mélange de valse et de rock (ce n'est pas la même chose, je vous l'accorde !). Mes cheveux volent dans tous les sens et me cachent la vue, la queue-de-cheval de Louise se défait et j'improvise une chorégraphie, pendant que Louise invente un air à l'aide de «Oho», de «Yéhééé», et de «Tatala».

«Nous sommes dans un bâtiment public, ais-je besoin de vous le rappeler ?, vocifère soudain une professeure aussi sèche qu'un trognon de pomme à l'abandon.

-Pardon., répond froidement Louise, sans la regarder.

-Mmm...»

J'étouffe un fou-rire pendant que la prof rejoint sa salle de classe, en se tortillant sur ses talons aiguilles. Louise me regarde m'étouffer à force de rire et ouvre la bouche pour me dire quelque chose, mais la sonnerie la coupe, et elle hausse les épaules. Elle reprend son sac et nous descendons les étages jusqu'à la cour pour nous ranger, chacune avec notre classe.

HAGEL - Sacha SqyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant