Chapitre 2 - Mon beau miroir...

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     La semaine se déroula sans encombre. Les cours toujours aussi longs, les profs toujours aussi ennuyants, sauf celui d'histoire, à ma plus grande surprise. Mais les élèves, à part Auguste, Flavie et moi bien sûr, dévisageaient toujours Monsieur Levasseur d'un regard noir. Pourquoi ? Je ne le saurais sûrement jamais.
   J'avais aussi pu retrouver les surveillants de mon école. Eux, ils respiraient la sympathie. Mais ils étaient efficace face à un problème et leur sévérité s'avérait être solide.

    Le climat rafraîchissait au fil des jours, à l'approche des temps hivernaux et des vacances de Noël. Eh oui, déjà quatre mois que mes deux amis et moi étions des troisièmes... Que le Temps était cruel parfois. Qui plus était, mon anniversaire approche...
   Précisément le 4 décembre, j'ajouterais un an de plus au compteur. J'aurais quinze ans. Déjà. Auguste lui, est de début d'année : de février tandis que Flavie coupait l'année en deux puisqu'elle était du mois de juin. On était réparti sur l'année, c'était plutôt pratique. Et comme toutes personnes sensées lors d'un anniversaire, nous nous offrions des présents. Nous faisions parti des gens normaux.

* * *

    Désormais, la neige tombait à petits flocons blancs. C'était décembre qui amenait le froid, la neige, le givre, Noël et son lot de fêtes religieuses en tous genres. Ainsi que mon anniversaire. Heureusement que ce jour là tombait un samedi, je pourrais le fêter avec Flavie et Auguste.
   Ce jour là, je les attendis dans ma petite maison avec impatience.  Comme tous les ans, d'ailleurs.    Pour une fois, je me suis imposée un code : porter des vêtements plus soignés. J'avais opté à travers mon armoire en bois pour une robe noire aux extrémités en dentelles de cette même couleur, à demie manche sophistiquées et col Claudine. Je ne la mettais que pour les grandes occasions. Cheveux coiffés et ordonnés, attachés d'un demi queue faisaient l'affaire. Ils étaient naturellement lisse. Roux foncé aussi. Je me regardais devant le miroir et contemplais mon allure. Je m'arrêtais sur ma silhouette. Pendant un instant, je crus voir quelqu'un d'autre apparaître à la place de mon reflet... Une autre femme bien plus vieille que moi, au cheveux grissoyant... Mais j'avais dû rêver, une fois de plus.
   Pourtant...
  Oh purée qu'est ce que c'était que ça !
   Ah... Ce n'est rien.
   Juste la sonnette de la maison.  Ce devait être Auguste et Flavie qui arrivaient. Puis, juste après, j'entendis la voix douce de ma mère monter les escaliers de l'étage, qui raisonnait entre les murs couverts de papier peint :

   –   Fanny ! Tes amis sont là ! Va leur ouvrir, je termine d'enfourner le gâteau !

   Et je lui hurlais à mon tour, tout en gardant un œil sur mon reflet du miroir accroché à mon armoire :

   –   J'arrive !

   Puis, je crus que j'allais perdre connaissance. Ma tête me tournait horriblement... Mon cœur vacillait puis plus rien. Pendant ces quelques secondes j'ai cru que j'allais partir. J'avais pris appuis sur la commode juste derrière. J'étais essoufflée. Que s'était-il passé ?
   Bon, je devais leur ouvrir, ils insistaient auprès de la sonnette.
   À pas surveillés, de peur que je ne recommence, je dévalai les escaliers qui craquaient sous mes pieds en chaussettes. Je continuai dans le corridor en repensant à ce qu'il m'étais arrivé dans ma chambre. Je ne comprenais pas.    C'était insensé !
   Après avoir traversé la plus grande pièce de la maison, c'est-à-dire le salon salle à manger, j'arrivai devant la porte. Je clichetai la clé et l'ouvris d'une main ferme. Je souris en voyant l'air radieux de Flavie et Auguste avec leur gros manteau d'hiver sur les épaules. Un bonnet uni sur la tête d'Auguste, une grosse écharpe autour du coup de Flavie. On pourrait croire qu'elle se noyait dedans.

   –   Hey vous voilà ! les saluai-je d'un ton enjoué en leur rendant les bras. Entrez, entrez...

   –   Tu en as mis du temps pour venir nous ouvrir ! rouspéta alors Flavie en se débarrassant de son manteau bleu marine, avec une voix faussement frustrée.

   –   Je n'étais pas encore prête, mentis-je pour me défendre.

   –   T'es pas de ce genre là d'habitude, on aurait déjà dû commencer à s'installer autour de la table à l'heure qu'il est ! renchéri alors Auguste tout en se déshabillant. Tu nous caches quelque chose...

   –   Comment voulez vous que je vous cache quelque chose à vous deux de toutes façon : même si j'essaye, vous trouvez des arguments pour me contredire, c'est frustrant ! râlai-je en croisant les bras.

   –   On te connait par cœur, c'est pas pour rien... dit alors Auguste.

   –   Alors tu vas gentillement nous expliquer ce qu'il s'est passé dans cette chambre il y a quelques secondes ! s'exclama mon amie, le doigt levé.

   Ces deux là alors...
  Je ne pus que soupirer en guise d'accord.
   Nous allâmes nous asseoir autour de la vieille table rectangulaire du salon. Ma mère disait qu'ils l'avaient retrouvé ici, dans cette bâtisse lorsqu'ils avaient emménagé. Donc ils l'avaient laissé, après l'avoir nettoyée bien sûr. D'ailleurs, ma mère déposa sur cette table, en passant juste à côté de moi, un marbré fait maison que j'adorais. Et ce, depuis que j'étais toute petite. Elle les réussit toujours et étaient toujours aussi délicieux. Elle me déposa également une bise sur mes cheveux roux avant de m'annoncer en se dirigeant vers la porte :

   –   Je rentre tard ce soir ma puce. Voire demain ou dans la semaine. Pas de bêtises, s'il te plaît et veille à ce que tout soit rangé à mon retour. À plus tard ma chérie !

   –   Promis ce sera fait. Bonne semaine Maman !

   Et elle claqua la porte d'un son sec.
   Je détestais cette porte. Mais je fus coupée de mes pensées par la voix de mon amie, qui trahissait sa curiosité.

   –   Bon alors, que t'est-il arrivé de si catastrophique pour que tu ne sois pas venue nous ouvrir sur-le-champ ?

   Leur regard était tellement insistant que je crus qu'ils allaient m'aspirer. J'inspirai un bon coup, et me lançai d'une traite.

   –   C'était très étrange... Moi même je ne comprends toujours pas ce que c'était... J'étais devant mon miroir, sur mon armoire à regarder mon reflet et...

   –   Je vois... la coupa Flavie. Tu es tombée en administration devant ta silhouette et tu ne t'en ais pas remise, c'est ça ?

   Nous nous esclafâmes de rire. Flavie avait toujours su faire des blagues telles que celle-ci. Qu'est ce qu'on riait bien ! Mes abdos se contractaient tellement que je crus qu'ils allaient exploser. Puis, je me repris, autant qu'Auguste, et continuai mon "histoire du miroir" :

   –   Oh non Flavie ! Parce que figure toi que ce n'est pas moi que j'ai aperçu dans mon reflet, mais une autre personne qui m'est complètement inconnue !

   –   Tu... Tu peux répéter, s'il te plaît ? demanda Auguste, l'air complètement stupéfait. Je crois que je n'ai pas bien entendu...

   –   Tu es sérieuse là Fanny ? s'écria Flavie en se levant de sa chaise. Tu es sûre que tu n'as pas... Halluciné ?

   –   Je sais que ça parait dingue, mais je vous promets que c'était réel. Ensuite, j'ai eu une sacrée nausée : j'ai bien cru que j'allais perdre connaissance ! Et puis, plus rien.

   Ils étaient complètement scotchés sur mes lèvres. Comme médusé.

   –   Eh, ne me regardez pas comme si j'étais mourante ! m'exclamai-je alors en levant les bras.

   –   C'est bizarre tout ça... grogna Auguste.

   Ça, je n'en doutais pas une seconde. C'était un mystère absolu.   J'allais devoir enquêter sur cette femme que j'ai vu dans mon reflet pour peut être avoir des réponses à mes questions.

Domini temporis [ sous contrat d'édition ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant