-I- She fell in love with a river

270 15 5
                                    

Les cloches sonnaient déjà depuis longtemps. Ils voulaient sûrement les faire durer, certainement pour que ses parents ne se disent pas qu'ils avaient payé toute cette étrange cérémonie pour rien. La famille de Milo était riche depuis des générations après tout.

Bien qu'on fût en plein milieu du mois d'août, il pleuvait tellement qu'on ne pouvait pas voir plus loin que le parking à quelques pas de nous. Tout le monde avait un parapluie blanc, le mien était noir. Ça n'étonnait personne de la part de « la petite punk ».

Je ne connaissais pas les invités, mais tout le monde semblait connaître Milo. Mes parents n'avaient pas pu venir pour cet événement, habitant un pays plus loin, mais ils me présentaient quand même toutes leurs condoléances.

Milo était mort trois jours plus tôt. Il est parti un peu comme il a vécu sa vie, sans trop se soucier de tout le reste. Assurance ? Héritage ? Il n'y connaissait rien à tout ça. Physiquement, il m'a toujours un peu rappelé Sid Vicious, sans les cheveux noirs car il les teignait en blanc : pas très beau par rapport aux standards de la populace, un look de punk un peu dégueu, mais tout le monde disait du bien de lui. On ne pouvait jamais dire ce qui était quoi avec lui, c'est ce qui m'avait charmée le plus. Il ressemblait à un véritable junkie, mais il avait la main sur le cœur et n'aurait jamais donné un coup de couteau à sa copine.

Tout le monde pleurait et s'enlaçait. On venait me voir aussi, on s'étonnait que je ne sois pas au trente-sixième étage en dessous. J'avais juste pas envie de pleurer, pas maintenant. Ses parents vinrent à ma rencontre, après avoir parlé avec tous les autres et presque à la fin de l'enterrement, effectivement, mais c'est l'intention qui compte on va dire, de toute façon ils ne m'avaient jamais vraiment appréciée.


« On te remercie vraiment d'être venue, Aiden.
- C'est normal. Milo voulait que je sois là, je suppose.
- Certainement... Ce que tu as entre les mains, ce sont des fleurs de ta boutique, non ?
- Oui.
- Des chrysanthèmes ? Vu que tu n'as pas vraiment respecté le thème « tout en blanc »... »


Déjà, imposer un thème pour un enterrement était une idée très conne de leur part, surtout lorsque celle-ci ne venait pas du défunt. Mais bon. J'acquiesçai poliment, croisant les doigts dans mon dos. J'étais, comme vous l'avez compris, fleuriste, tout le monde adorait mes bouquets extravagants et ses parents allaient avoir enfin l'occasion d'en voir un, après que j'ai retiré le drap pour le jeter dans sa tombe, il fallait bien que je garde la surprise pour mes beaux-parents.

Je me dirigeai vers le cercueil. Les invités avaient déjà déposé tout un tas de saloperies autour : des tonnes d'espèces de fleurs blanches à en vomir, quelques roses rouges par-ci par-là, certainement jetées par des personnes voulant faire croire qu'elles étaient excentriques...
Moi, je savais ce que Milo aimait, pas ces inconnus.

Le drap tomba quand j'arrivai devant le trou, dévoilant un bouquet de roses d'inde. Le public se faisait des messes basses, évidemment que c'était de mauvais goût, évidemment que c'était trop bizarre pour un enterrement, mais il aurait adoré voir ça, ces énormes fleurs oranges vives que je laissais tomber une à une sur sa tombe. Même la pluie adorait ça, je l'entendais me dire que j'avais eu une idée de génie, qu'il souriait, tout là-haut, ou six pieds sous terre, qu'il avait envie de me prendre dans ses bras une fois encore et de m'embrasser sur le front pour me dire que j'étais la fille la plus géniale du monde !

Ses parents m'ont priée de partir discrètement, prétextant qu'ils craignaient que je ne résiste pas à la fraîcheur de la journée. Considérant que j'avais fait ce que j'avais à faire, je parti suite à de brèves salutations. Mes pieds marchaient jusqu'au parking, mes mains cherchaient les clefs du bout de leurs doigts, mon cul se colla rapidement sur le siège conducteur et, après avoir fermé la portière, mon cœur explosa et m'autorisa à pleurer.
Milo et moi étions fiancés depuis huit mois et nous aimions depuis trois ans tout pile. Puis, Milo n'était plus là.


Beaucoup de corbeaux s'étaient posés sur le parking. Leurs croassements me ramenèrent à la réalité. Je devais rentrer chez moi, manger, boire, surfer sur internet et dormir. Seule, avec mon lit double.
En démarrant, les oiseaux s'envolèrent tous.
Je les enviais.J'avais envie d'avoir des ailes, moi aussi.



How to Fly in a White Sky (vers.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant