-II- Flower fields are beautiful at night

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Les nuits sans toi étaient vraiment merdiques. Déjà, j'avais rien à foutre à part mater le plafond. Tes plantes me parlaient plus, de toute façon, je crois qu'elles étaient toutes mortes. Pourquoi j'm'en occuperais ? Ça n'avait plus d'importance, t'étais plus là, c'était toi qui me donnait envie de les aimer quand j'te voyais danser au milieu d'elles, le sourire aux lèvres. Quand y'a plus un bruit, plus un pas, plus rien, c'est impossible de se motiver à bouger de ce lit de merde. D'ailleurs, parlons-en, t'avais remarqué à quel point il était grand ? On avait tellement l'habitude de se lover l'un contre l'autre pendant la nuit, on remarquait même pas à quel point les draps nous avalaient. Si ça s'trouve, t'es encore cachée dans le lit, prête à sortir pour me faire flipper un coup avant qu'on rigole comme des gosses ? J'ai vérifié, y'a personne.

Je me levais pour aller à la fenêtre, arrachant une clope de mon paquet. Y'en avait plus que trois et j'avais p'tet même plus assez de fric pour m'acheter le prochain. Au pire, c'était pas bien important. Dans l'état dans lequel tu m'as foutu, je sentais que j'allais pas tenir jusqu'au bout de la semaine.

Tu te rends compte à quel point ce serait classe si je me niquais la gueule ici ? Comment tu voudrais que je me finisse ? Une balle dans le crâne ? Ouais, non, j'ai lu des histoires comme quoi c'était possible de se louper. Pendu ? Ça te foutrais en rogne que je te copie. Noyé dans notre baignoire ? Non, ça prenait trop de temps, je pourrais me dégonfler, de toute façon j'avais pas envie de démolir notre petit coin de paradis. Toutes les plantes étaient mortes ici aussi. Je me sentais tellement mal, tellement pourri depuis que t'avais tout découvert. En fait, je me sentais comme un déchet dès que j'avais commencé à déraper, par rapport à toi. Je te jure que même pendant cette période, je t'aimais autant qu'au premier jour.

Tu le savais bien, contrairement à toi, j'étais né ici. J'avais ma famille, de bon gros riches capitalistes, plein de potes, dont beaucoup qui s'étaient barrés chercher du boulot ailleurs sans donner de nouvelles... Fallait l'avouer, pendant la période où je t'ai rencontrée, j'avais pas grand chose à foutre de ma vie. J'essayais toujours de choper un job à droite à gauche où je le pouvais, j'ai généralement pas eu énormément d'emmerdes pour en trouver. Je t'avais dit que j'étais même poissonnier pendant une période ? T'aurais trouvé ça tellement fun de me voir décapiter des thons. J'ai fait tellement de trucs que je saurais pas tout caser sur une feuille de papier. Je crois que, quand j'étais passé devant ta boutique pour la première fois, j'm'occupais de petites mamies qui pouvaient plus vraiment bouger de chez elles.

J'm'en souviens encore. Normalement, je m'en battais un peu les couilles des vendeurs de plantes arrachées à la racine, mais en regardant tous les bouquets que t'avais foutus sur le devant de ta boutique, toutes ces couleurs qui explosaient la rétine dans cette ville monochrome et triste à mourir, j'ai trouvé ça beau. J'suis vraiment resté debout comme un con au milieu du rouge, du bleu, du jaune et du violet, je savais même plus chez qui j'devais aller, j'voulais juste rester là. C'était vraiment débile de voir un punk qui ne se sentait plus pisser au milieu d'un champ de fleurs. Quoique, si j'avais été défoncé, ça aurait sûrement été normal. Le pire, c'est que t'étais à peine à quelques pas de moi,en train de t'occuper d'un client. T'étais comme une sorte de croisement entre Audrey Hepburn, Winona Ryder et p'tet même de Nancy Spungen. Je sais, tu l'aimais pas du tout, mais à ce moment précis je t'ai regardée comme le faisait Sid avec elle : bourré,planant et avec une petite envie de te croquer le cul. T'aurais appelé les flics en même pas trois secondes, j'étais un garçon un peu civilisé quand même, donc je suis juste passé à côté de toi pour aller bosser.

La porte d'entrée s'ouvrit. Putain de merde, ça existait encore les gens qui squattaient les bâtiments encore occupés? Super, ça m'a obligé à poser ma guitare et à refaire face à ces escaliers de malheur qui craquaient de plus en plus. Bon, à quel péquenaud j'allais avoir à faire ? En fait, en y pensant, j'aurais dû rester cloîtré dans notre chambre, si ça se trouve, c'était mes connards de parents, les abrutis de tiens... Ou pire, un huissier.

How to Fly in a White Sky (vers.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant