-XIII- His blood is running on my lips

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Tout le monde pensait que Milo était génial. Lorsqu'on sortait en groupe, souvent avec Cooper et ses amis dans les bars, certains ne s'empêchaient pas de me rappeler à quel point il avait l'air cool quand il animait les soirées à proposer des idées tellement connes que ça nous occupait. Ils n'avaient pas tord, sauf sur un point. Il n'était pas génial, mais fantastique, surtout quand on était tous les deux, dans notre chambre, assis sur le lit, au milieu des plantes et de notre bordel. Lorsqu'il s'entraînait en grattant sur les cordes de sa guitare, assis sur le bord du lit après avoir éteint une énième cigarette, je m'asseyais, jambes croisées, et toute la nuit pouvait durer comme ça, jusqu'à ce qu'on ai envie de dormir.

Le son de sa guitare faisait écho dans la pièce. Parfois, il se mettait à chanter des choses bizarres totalement anarchiques mais tellement poétiques. Il avait composé toute une chanson sur une fille tombée amoureuse d'une rivière, une autre sur des sauterelles qui avaient tenté de devenir astronautes... Ma préférée restait celle de la fille forcée de perdre ses sentiments pour vaincre le monstre d'une histoire pour enfants. Je l'écoutais, lui et sa voix un peu rauque, certains se foutaient de lui quand il chantait mais moi j'adorais ça. Parfois, ça m'arrivait de fermer les yeux pour me laisser emporter en dodelinant de la tête, des épaules, du bassin,de partout. Evidemment, je tombais souvent du lit comme une conne.Dans ces cas-là, il s'arrêtait d'un coup, posant sa guitare, riant un peu en me ramassant.


« Eh, rien de cassé ?
- Non, ça va, j'ai la tête dure à force.
- T'es bête. J'suis pas si doué que ça. J'te fais autant d'effet ?
- Tu me chantes un truc d'amour bien niais ?
- C'est possible, à condition que je puisse te fixer dans les yeux jusqu'au bout.
- Bordel, tu sais à quel point ça me gêne quand tu fais ça,non ?
- C'est ça le truc, faut que j'te fasse rougir et mouiller le plus possible, sinon ça prouverait que je suis nul. »


Pour ça, il n'avait pas vraiment besoin de chanter. Quand il faisait comme ça, jetant un coup d'œil sur ses doigts glissant le long du manche puis me fixant de ses yeux bleus,j'avais juste envie de me transformer en pisseuse de quinze ans qui se trouverait dans la même pièce que son idole, du style chanteur d'un groupe pop qui aurait plus d'un milliard de fans de son genre sur terre, mais qui l'aurait choisi elle pour passer un moment avec,pour lui faire écouter sa voix, pour qu'il n'y ai personne d'autre autour d'eux, pour la regarder avec ses yeux.

Ses yeux bleus avec un petit liserai blanc.

Je savais pas quoi lui offrir pour notre première Saint-Valentin. Bien sûr, en n'étant pas en couple, dans ma tête, cette fête était juste commerciale. La seule raison pour laquelle j'aimais cette journée était que les ventes de roses explosaient littéralement et que je me faisais un bon gros paquet de fric. Milo devait penser la même chose que moi, de toute façon.Pourtant, pour cette première fois où je faisais partie de cette catégorie de personnes censées célébrer cette fête, je me sentais mal de ne rien lui offrir. Peut-être qu'il penserait que je m'en foutais ? Que j'étais tête en l'air ? Que je ne pensais pas assez à lui ? Et si ça se trouve, lui, au fond, il aimait bien ce genre de trucs niais ? Comme il était parti travailler assez tôt et ne rentrerai que tard, je me disais que j'avais bien le temps de réfléchir à une petite surprise, sexuelle ou non. 

Mais quelque-chose de sexuel, c'est juste un moment parmi tant d'autres. Non, je voulais lui offrir un truc qu'il pourrait garder très longtemps. J'étais donc partie assez tôt pour acheter des chaussettes blanches dans une boutique à côté. En revenant, j'allai rapidement chercher ma vieille boite à couture et un paquet de ouate. Je m'installai derrière le comptoir, faisant de mon mieux pour servir les clients tout en continuant mon délire.Certains me demandaient ce que je faisais, d'autres comprenaient rapidement et me souhaitaient bon courage, je gardais un vieux sourire stressé en encaissant leur argent et en continuant de découper des formes, de coudre et de rembourrer afin de créer une peluche de chat blanc comme la neige. Avant de refermer la dernière couture du corps, j'y glissai un petit cœur rouge en feutrine, le cachant au milieu de la ouate. C'était tellement niais que j'avais presque envie de me foutre la tête contre un poteau en bois, mais bon, il y avait du monde, fallait pas faire fuir l'argent. Je lui cousu deux petites perles bleues en guise d'yeux et lui brodai une petite bouche rose. Comme petite touche finale, un de mes clients m'a gracieusement offert un grelot que j'ai pu lui attacher autour du cou. Il était parfait. Certes, les clients le trouvaient mignon et très chou, mais je me demandais vraiment quelle réaction aurait Milo. Au final, je me sentais ridicule.

How to Fly in a White Sky (vers.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant