-XVIII- The trees are made with fish vomit

25 3 0
                                    

Novembre était arrivé bien vite. Encore un mois qui servait à que dalle et où il se passait pas forcément grand chose, juste histoire de faire la transition entre Halloween et Noël, le temps pour nous de mettre en place les décorations, pour trouver des cadeaux coûteux à nos proches et faire perpétuer une tradition capitaliste et renflouer les caisses des gars qui dirigeaient la planète. Certains achetaient déjà des cadeaux, perso je préférais largement attendre d'avoir eu assez d'argent en fin de mois, quand la neige tombait à flots et empêchait les voitures de rouler, pour choisir tout ce que je voulais acheter tranquillement. Ce Noël, j'allais certainement devoir rentrer chez mes parents. Je savais pas trop si je devais emmener Jude ou non, il n'allait clairement pas s'entendre avec eux. Fallait aussi que je lui trouve quelque-chose, et à Cooper, et Sofia. Pour Milo, un bouquet de fleurs jaunes sur sa tombe fera parfaitement l'affaire. Si je déposais quelque-chose d'autre, un connard allait le chiper. Si j'avais un moyen de marabouter Jude pour qu'il puisse me permettre de retourner dans l'autre monde et voir Milo, ce serait tellement bien, mais j'y comptais pas trop.

J'étais debout avant même l'aurore.J'avais terminé de me préparer super tôt et Jude n'était visiblement pas debout. La nuit avait été courte, pas de rêve ni de cauchemar, juste du noir. Avec le froid à glacer des moustaches qui régnait, j'avais qu'une envie, sortir un peu et profiter de la solitude. La veste en cuir était à peine chaude, fallait que j'ajoute une couche de plus pour pas choper la crève et morver sur mon comptoir.

Armée de ma bombe au poivre, mon mp3, mon téléphone et du briquet, je sortis de la boutique, faisant bien attention à fermer à clef pour pas qu'on chipe mes fleurs chéries ou la caisse, surtout pas la caisse. Jude pouvait de toute façon sortir par la fenêtre s'il en avait envie, donc tout allait bien. Je ne faisais pas de connerie.

Les rues étaient vides. J'ai dû croiser une ou deux personnes qui marchaient vite, un téléphone en main, se dirigeant vers leur travail, mais c'était tout. Moi, je scrutais les alentours, cherchant un coin où me poser jusqu'à ce que la ville sorte de son sommeil. Sur le trottoir ? Non, des gens allaient finir par passer et j'avais envie d'être seule. Dans le parc ? Même chose, en plus, il y avait souvent du monde qui y dormait la nuit, autant ne pas prendre leur place. Je continuais de marcher, voyant que les galeries marchandes étaient encore fermées,donc impossible de passer à côté des vitrines pour lorgner sur quelques articles de luxe. Il n'y avait que des fantômes à cette heure-ci.

Le mieux était de quitter un peu la ville. Au milieu du trottoir, je contemplais le panneau indiquant son nom avant de le dépasser, me retrouvant au beau milieu de la nature. Y'avait toujours l'immense arbre sur lequel nous avions l'habitude de grimper pour se lover l'un contre l'autre. Et le lac. Mais oui. Le lac.

Je me souvenais encore du chemin pour m'y rendre. A peine quelques minutes à traverser les herbes hautes et j'y étais. Les touffes d'herbes étaient un peu plus hautes que la dernière fois, c'était vraiment abandonné. Rien ne me disait qu'on n'achèterait pas ce bout de paradis pour le remplacer par un bâtiment ou un parking dans quelques années, alors autant en profiter tant qu'il était encore là. Je m'assis près de l'eau, faisant attention à ne pas poser mes fesses dans du caca de vache, rapprochant mes jambes de mon torse et passant mes bras autour de ceux-ci. Il faisait froid. Il n'y avait pas de bruit, même pas d'insectes. Le lac ne bougeait pas, ça faisait du bien.

Je sortis le mp3 de ma poche, coinçant les écouteurs dans mes oreilles, parcourant un peu ma playlist. Jack Stauber, pourquoi pas. J'avais envie d'écouter quelque-chose de posé avec une voix cool. C'était parfait.

L'eau était grisâtre, de la même couleur que le ciel. Y'avait quelques poissons qui venaient vers la surface histoire de voir si j'avais pas de la bouffe à leur filer.J'avais toujours eu le rêve naïf de devenir un oiseau, mais des fois je me demandais ce que ça faisait d'être un poisson, surtout dans l'océan. A quoi ça pouvait bien ressembler tout en bas ?Y'avait quoi ? Des poissons beaux ou des poissons dégueulasses ?J'aurais tellement aimé être un petit plancton qui brillait dans le noir. Mais bon, fallait l'avouer, l'eau n'avait même pas besoin de l'intervention de l'être humain pour être vachement plus dangereuse que le ciel. Mais bon, en y pensant, y'avait du danger partout dans ce monde maintenant.

How to Fly in a White Sky (vers.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant