-XIX- Roses are red, violets are dead

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Certains matins, après avoir dormi sans faire de rêve, on peut se demander comment on s'était endormi la veille. C'était presque impossible de se rappeler du moment pile où notre conscience avait commencé à valdinguer, sinon, on aurait déjà trouvé un remède à l'insomnie. J'avais souvent envie de résoudre ce genre de grandes questions qui mettent en place l'univers.
En tout cas, personnellement, j'avais très envie de me souvenir de ce qu'il s'était passé pour savoir dans quelle merde je m'étais encore fourrée. Tout ce dont je me souvenais, c'était d'avoir pleuré contre Jude puis... Que dalle. Qu'est-ce qu'il avait foutu encore ce con ? Impossible de m'en souvenir. La réponse était sûrement dans ce rêve lucide dans lequel je me trouvais et qui s'annonçait bien merdique.

Tout était noir autour de moi,un peu comme durant la nuit au cimetière. Cependant, je ne me sentais clairement pas à l'aise dans cet endroit, certainement à cause du fait que j'étais attachée par des chaînes aux poignets et aux chevilles. Suspendue dans les airs, je me demandais vraiment,mais vraiment, ce que j'avais foutu avant de m'endormir. Si ça se trouve, j'avais encore accepté de participer à une petite fête sadomasochiste. J'essayais de crier, d'appeler à l'aide, rien.J'entendais l'écho de ma voix, mais rien d'autre. Je décidai alors d'attendre, de compter les moutons, de fermer les yeux le plus longtemps possible, mais rien ne se produisit. C'était putain de chiant.

Un bruit sourd se fit entendre, un grésillement. Tendant l'oreille, j'essayais de voir d'où il venait. Une goutte tomba d'en haut, puis une autre, lentement, toujours au même endroit.Lorsqu'elles s'écrasèrent sur le sol, je compris que j'étais au-dessus de l'eau. Peut-être que je faisais mieux d'être suspendue ici, alors. Si ça se trouve, c'était profond. J'avais pas tellement envie de finir comme un poisson.

Le grésillement devint plus net, plus fort aussi. Devant moi apparu un vieux poste de télé,posé sur la surface de l'eau, avec une image blanche sur son écran. D'autres postes apparurent, certains avec des mires de barres monochromes. On aurait presque dit le début d'un film d'horreur, je commençais un peu à flipper.


« Jude, j'sais pas si tu m'entends, mais si j't'ai dit une saloperie qui t'aurai énervé,j'suis vraiment désolée, tu sais que j'étais triste et que je le pensais pas ! Allez, on est potes, non ? »


Aucune réponse, juste ce bruit infernal pourri qui commençait à résonner à l'intérieur de ma tête. Après avoir flippé, je commençais à en avoir ras le cul. J'essayais de bouger mes bras, mes jambes, le plus fort possible, priant pour qu'une chaîne se brise. Super,j'avais brûlé mes poignets. Merde, putain de merde, ça faisait mal ! Bon, si je pouvais pas bouger mon cul j'espérais au moins qu'on allait me forcer à regarder un bon vieux dessin animé,j'étais en retard sur ma série.

Tous les écrans devinrent noir d'un seul coup, ne faisant plus de bruit. Il me sembla voir l'un d'entre eux bouger, de gauche à droite, comme s'il se dandinait surplace. De longues jambes noires et fines comme des fils de fer en sortirent, ainsi que des autres télévisions, chacune étaient plus ou moins grandes. Elles se précipitèrent vers moi, se mettant l'une sur l'autre, grimpant jusqu'à mon visage. On aurait pu dire qu'elles me fixaient avec un air malsain si elles avaient des yeux. Peut-être que c'en était. J'en savais trop rien. Je flippais juste comme pas possible.

Une image apparu enfin. Chaque poste diffusait la même chose, le même son, amplifiant l'effet que ces vidéos me faisaient au centuple. J'avais envie de fermer les yeux, mais j'avais l'impression d'être dans Orange Mécanique et qu'on me forçait à les garder ouverts.
Mes parents étaient là, assis à une table,plus jeunes de quelques années. L'écran montrait la vision de quelqu'un positionné derrière la porte à peine entrouverte de la pièce. J'avais déjà vu cette scène. Je la connaissais bien.J'avais vraiment voulu l'oublier pour faire comme si tout allait bien. Ils se disputaient. Je les entendait dire que j'avais des problèmes, que c'était la faute de l'un ou de l'autre pour avoir tenté de trop me faire rentrer dans les cases ou pas assez. Les parents des enfants faisaient aussi des rumeurs sur eux, à cause de moi, on disait qu'ils étaient de mauvais parents, irresponsables,que j'étais un véritable cas.

How to Fly in a White Sky (vers.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant