3) La démission

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  Un petit air de jazz apportait un peu de gaîté à la situation dans laquelle Remus se trouvait désormais : celle d'un homme contraint d'abandonner son poste et occupé à ranger ses affaires. Lupin avait presque terminé de faire ses bagages lorsqu'il vit arriver un visiteur qui n'était autre que Harry Potter lui-même. Le garçon allait frapper à la porte lorsque l'ex-professeur le salua d'emblée:

-Bonjour, Harry ! Je vous ai vu arriver.

Le jeune sorcier resta un court instant stupéfait devant la mine épuisée de Remus et – surtout – devant toutes ces marques de coups et de griffes qui se trouvaient sur son visage. Décidément, pensa le Gryffondor, Sirius et Buck n'avaient en rien épargné le loup-garou.

-J'ai été pire que ça, croyez-moi, s'empressa d'ajouter Lupin qui avait par là espéré s'en convaincre.

Car pire que cela, il ne l'avait jamais été. Jamais il n'avait encore mordu quelqu'un sous sa forme monstrueuse. Cet accident qu'il avait été tant appréhendé était pourtant bel et bien arrivé !

-On vous a renvoyé ? s'indigna Harry.
-Non, non... j'ai démissionné, en fait, répondit Lupin tout en déchirant un bout de parchemin.
-Démissionné ?! Mais... pourquoi ?

Sur un ton qui se voulait volontairement indifférent, Remus lui apprit que la nature de sa condition avait été « accidentellement » révélée et que des parents responsables ne souhaiteraient probablement plus le voir enseigner dans une école aussi prestigieuse que celle de Poudlard. L'élève aux cheveux décoiffés tenta alors vainement de le convaincre en invoquant le fait que Dumbledore parviendrait à régler cette situation mais, et Lupin ne manqua de le souligner, le directeur avait pris suffisamment de risques pour lui. Les loups-garous et l'emploi... Remus avait fini par s'y habituer. Ce mépris, ce rejet... toujours de bonnes excuses pour ne pas les embaucher voire les fréquenter. Et ce qui s'était passé non loin de Pré-au-Lard la nuit passée n'allait certainement pas arranger les choses. Il fit toutefois attention à ne pas mentionner ce dernier événement à Harry et préféra l'interroger sur cette anxiété qu'il y avait dans ses yeux, ceux de Lily :

-Pourquoi avez-vous l'air si malheureux, Harry ?
-Tout ce qu'on a fait n'a rien changé ! Pettigrow s'est échappé...

Cela n'avait pas manqué de consterner Lupin qui s'empressa de rectifier la chose. Mobilisant sa sagesse, il s'appuya sur son bureau et souligna à Harry que, justement, beaucoup de choses avaient été changées ! Sirius avait échappé à un terrible destin et la vérité avait été révélée ! Deux éléments notables ! Puis, se relevant pour se diriger vers la sortie de la pièce, il ne manqua pas de confier au garçon combien il était fier de ses progrès. Aussi, il lui rendit cette très chère carte des Maraudeurs... Celle qu'il avait élaboré bien des années auparavant avec James, Sirius et... Peter. Un éclair de nostalgie traversa son regard à cette seule pensée...

-Je vous dis au revoir, Harry. Je suis sûr que nous nous reverrons. En attendant...

Il se tourna vers la carte avant d'agiter sa baguette :

-Méfait accomplit !

Et quel méfait, se répéta-t-il intérieurement avec tristesse avant de quitter ce qui fut son bureau, celui dans lequel, après avoir bu sa potion Tue-Loup, il était venu se réfugier les autres nuits de pleine lune. Changé en loup déformé mais toujours lucide, il s'était à chaque fois contenté de dormir à même le sol en attendant toujours le matin avec impatience... Ces nuits n'avaient ben évidement pas manqué de lui rappeler ses métamorphoses dans la Cabane Hurlante pendant l'époque où il n'était encore qu'un étudiant.

 Il lui restait maintenant à évaluer les dégâts de ce méfait qu'il voyait plus comme une tragédie. Pré-au-Lard était sa prochaine destination. Ainsi, rendu légèrement boiteux par la nuit terrible qu'il avait passé, il traversa, appuyé sur sa canne, cette classe où il avait enseigné avec passion. Cette même classe dans laquelle, quelques décennies auparavant, il avait suivi tant de cours avec Sirius, James et Peter. Ceux-ci n'avaient jamais manqué une occasion de jouer quelques mauvais tours à cet élève aux cheveux gras : Severus Rogue, qui se trouvait alors quelques rangées devant eux.


Aujourd'hui devenu maître des potions, le sinistre professeur se trouvait actuellement dans le bureau de Dumbledore. Quelques cernes se trouvaient encore sous ses yeux. Il fallait dire que sa nuit non plus n'avait pas été de tout repos. Il n'était en effet guère courant de se retrouver entre un loup-garou difforme et trois élèves pour leur servir de bouclier humain... Et pourtant, ça n'avait pas été la première fois qu'il s'était retrouvé devant cette terrifiante et maigre créature au yeux jaunes. En effet, pendant sa scolarité, il avait déjà été amené à se retrouver face à un Remus Lupin totalement transformé par la pleine lune et hors de contrôle... James, cet arrogant personnage, avait alors débarqué pour lui sauver la vie. Une dette dont il aurait bien aimé se passer.

Rogue tenta de chasser ce mauvais souvenir de son esprit en laissant son regard se balader sur les murs de la pièce. Toisé de tous les côtés par les anciens directeurs de Poudlard. Se pinçant les lèvres, un tantinet nerveux, il espérait ne pas s'être trompé au sujet de la raison pour laquelle il avait été convoqué : Poudlard recherchait un nouveau professeur de défense contre les forces du mal, ce que la sage sorcier en face de lui confirma très vite :

-Comme vous le savez, Severus, notre cher ami Remus a choisi de nous présenter sa démission... Il y a un peu été contraint, je dois dire, sa condition ayant été... hum... « accidentellement » révélée...
-Ce sont de choses qui arrivent...

Dumbledore se contenta de sourire.

-Certes... Quoi qu'il en soit, il nous faut lui trouver un remplaçant... et c'est là que vous intervenez, Severus.
-Je suis à votre disposition, fit Rogue dissimulant avec habileté cette satisfaction qui bouillonnait en lui.
-Très bien ! Vous êtes un homme de confiance. C'est donc à vous que je laisse le soin de contacter Alastor Maugrey

Severus resta alors un moment frappé par ce retournement de situation. Quelques tableaux étouffèrent des rires. Il chercha alors une explication dans le regard de Dumbledore qui se contenta simplement de lui proposer :

-Voulez-vous une dragée surprise ? Elles sont de chez Berthie Crochue.

L'homme aux cicatricesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant