4) La Tête de Sanglier

635 61 42
                                    

Remus avait bien pris soin de prendre son temps pour quitter l'enceinte de Poudlard. D'une part, il avait voulu s'imprégner un maximum de l'ambiance apaisante de ces lieux où il avait toujours eu l'impression d'être quelqu'un. Cette école qui, malgré sa condition, lui avait donné une chance. Une opportunité toutefois jetée à la poubelle à cause de quelques heures de pleine lune, avait-il pensé avec une profonde amertume.

Ensuite, il avait ainsi espéré retarder son arrivée à Pré-au-Lard, nullement préparé à rencontrer cette Mila et ses proches... Il devrait sans doute longuement travailler son approche et dans ces situations la magie s'avérait bien souvent inefficace...

Et même s'il avait bien essayé de savourer ses dernières minutes dans le château, il avait eu quelques difficultés à dissimuler son embarras devant ces nouveaux regards que plusieurs élèves lui avaient jetés, tous désormais au courant de LA vérité. Drago Malefoy y était même allé d'un grotesque « Ahouu ! » quand il était passé devant un groupe de Serpentards.

Il avait néanmoins souri lorsque, arrivé dans la Cour de la Tour, une petite blonde de deuxième année s'était empressé de l'interpeller :

-Professeur Lupin ! Attendez !

Luna Lovegood.

-J'ai appris pour votre maladie, lui avait-elle affirmé sans autre forme d'introduction avant de lui tendre un numéro du Chicaneur. Tenez ! Mon père y a publié une grande enquête sur la lycanthropie. Gringotts garderait jalousement dans ses coffres un remède secret contre la lycanthropie. Les Gobelins attendraient une grande épidémie pour mettre cette potion sur le marché et...

-Merci beaucoup, Luna, l'avait coupé Remus en rangeant le journal dans sa poche, peu convaincu par la crédibilité du Chicaneur mais cependant touché par cette petite attention.

-J'espère que vous reviendrez, quand vous serez guéri ! lui lança ensuite la jeune fille.

Remus s'était contenté de lui tapoter l'épaule tout en se pinçant les lèvres. Si seulement une telle guérison était possible, s'était-il dit avant de rejoindre la Tête de Sanglier où il était actuellement occupé à lire et relire l'article de la Gazette du Sorcier qui concernait la malheureuse Mila O'Moonell : « Pré-au-Lard : Une jeune femme agressée par un monstrueux loup-garou ! ».

L'arrivée de deux sorciers aux visages dissimulés lui fit momentanément oublier ces lignes et il considéra alors l'endroit dans lequel il se trouvait. Une auberge sale et fréquentée par des gens... étranges. Peut-être aussi qu'étranges que lui, d'ailleurs. Avec ses blessures, ses cicatrices, sa mine épuisée et vêtements parsemés de pièces, il se fondait plutôt bien dans cette mystérieuse clientèle. Il allait rejoindre sa chambre miteuse lorsque des éclats de voix venus de l'extérieur attirèrent son attention. Par la fenêtre pleine de poussière, il pu distinguer un grand homme coiffé d'un haut-de-forme prendre à partie un femme aux boucles blondes et vêtue de vert :

-Vous ne vous rendez  pas compte ! Et son avenir ?!

-Monsieur... c'est mon métier de...

-De pourrir la vie des gens ! Tu parles d'un métier !

Le cœur de Remus de manqua un battement lorsqu'il vit l'homme pointer la dame avec sa baguette :

-D'ailleurs, je devrais te pourrir la tienne aussi, continua l'énervé.

Voyant qu'aucun des hommes louches présents dans l'endroit ne semblait vouloir intervenir, Remus soupira longuement avant de s'aventurer à l'extérieur. Et, voyant qu'il venait dans sa direction, l'agresseur lui aboya :

-Quoi ? Un problème ?

Remus ne releva pas et dirigea son regard vers la femme qui l'implora presque :

-Monsieur ne comprend pas que les Sorciers ont le droit d'être informés !

-Informer, ce n'est pas balançer l'identité de personnes infectées, se défendit l'autre.

-« Infectées » ? demanda hasardeusement Lupin.

La blonde aux longs ongles se dégagea de l'emprise de son agresseur et se rapprocha de Remus comme pour s'assurer sa protection :

-Vous n'êtes pas au courant ? demanda-t-elle en feignant l'indignation. Sa fille est devenue un louve-garou ! Et son père, comme vous le voyez, semble rester dans le déni.

L'homme, devant cette accusation, s'empourpra et beugla :

-Je vous interdis ! Je ne dénie rien du tout. Ma fille a été mordue hier soir et cette Rita Skeeter n'a rien trouvé de mieux à faire que de balancer son nom dans la presse. Son avenir est foutu, maintenant ! Elle sait bien que les loups-garous sont évités comme la peste.

Un frisson de malaise parcouru l'échine de Remus de haut en bas devant ces dires. Le père de Mila se dressait là, devant lui... C'était trop tôt. Beaucoup trop tôt. Il n'était pas encore prêt... et pourtant.

-Remarquez comment monsieur évite bien de préciser pourquoi il se promenait hier soir dans la Forêt Interdite avec son fils et sa fille, asséna ladite Rita. Sans doute allaient-il chercher du sang de Licorne ou des crins de Sombral pour quelque obscur dessein.

Accusations qui furent immédiatement notées par une Plume à Papote, directement sortie du sac de Rita.

-Comment osez-vous ? hurla l'autre de plus belle en brandissant sa baguette dans les airs.

Ce fut alors qu'une voix puissante résonna dans toute la rue, celle de l'aubergiste.

-Silence !

Abelforth Dumbledore venait d'apparaître, visiblement remonté lui aussi.

-Pas de ça devant mon auberge, asséna-t-il au père de Mila. Vous aller effrayer les clients...

Puis il murmura ensuite dans sa barbe :

-J'en ai déjà pas beaucoup...

Ruminant pour lui-même, le père de Mila rangea sa baguette dans son long manteau puis s'éloigna d'un pas hâtif après avoir lancé cette dernière menace à Rita Skeeter :

-On en restera pas là !

La journaliste esquissa un sourire malicieux avant de se tourner vers Remus qui était resté très pâle et muet devant ces échanges qui n'étaient qu'une minime conséquence de ses actes sauvages de la nuit passée.

-Cet homme semble vous intriguer, nota Rita avec suspicion.

-Je...

-Vous êtes-vous même intriguant, le coupa-t-elle. Entrons dans l'auberge. L'aventurier que vous semblez être à sans doute beaucoup de choses à me raconter.

Et tandis qu'il emboîtait le pas à Rita, il jeta un dernier regard peiné au père O'Moonell. Peut-être la journaliste allait-elle lui apprendre où se trouvait actuellement ladite Mila

L'homme aux cicatricesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant