L'homme aux cicatrices

21) Expecto Patronum

                A peine entré dans l'établissement de Baldwin, Remus sentit un étrange sentiment de malaise l'envahir. L'ambiance chaleureuse de la dernière fois n'était plus la même... tout était sombre, froid, désert... Il n'y avait personne attablé au comptoir. Les tables du bistro demeuraient vides. Personne. Et pourtant, l'homme avait l'impression d'être épié. Il était persuadé que deux yeux, là quelque part dans l'ombre, était posés sur lui. Comme si quelqu'un de fourbe prenait plaisir à le voir errer là dans cet endroit qui avait perdu son esprit festif.

-Monsieur Vandenbeer ? osa Remus

Nulle réponse. Mais cela eut pour effet de faire fuir un gros rat qui se trouvait derrière une caisse remplie de bouteilles de Bièraubeurre.

-Baldwin Vandenbeer ? répéta Lupin avec agacement.

-Qui le demande ? répondit alors une voix rauque.

Une silhouette voutée, petite et difforme fit son apparition, située entre l'espace restaurant et la cuisine dont n'émanait aucune odeur.

-Un... vieil ami... fit Remus.

-Un ami, répondit l'elfe de maison. Ouais... ils me semblent bien bizarres ses nouveaux amis, ces derniers temps.

-De qui voulez-vous parler ?

L'elfe de maison haussa les épaules et invita Remus à s'installer à l'une des nombreuses tables qui se trouvaient là.

-Je vais appeler le maître...

Et peu après, ce fut un Baldwin qui semblait plus assuré et moins tremblant qui se tenait devant Remus.

-Lupin, le salua-t-il. C'est un plaisir de vous revoir, quel bon vent vous amène ? Le mistral, à en juger par votre maigreur. Vous devez être affamé.

-Baldwin... répondit l'intéressé. Oui, en effet, les temps sont durs et c'est pour cela que je venais vous voir.

L'actionnaire prit un air songeur.

-Oui, je vous avais proposé de m'aider à assurer la sécurité de mon établissement et de mes déplacements. Je m'en souviens.

-Vous « recrutez » toujours ?

Un sourire mauvais se dessina sur le visage de l'homme d'affaire. Un homme d'affaire dont le regard laissait Remus suspicieux. Un regard étonnamment vide mais rempli de magie.

-Hélas, non, Lupin. Je ne recrute plus. J'ai déjà les hommes de main qu'il me faut, maintenant.

D'un geste, Baldwin, désigna les quatre grands hommes aux visages sinistres qui venaient d'apparaître dans la pièce. L'un avait de très longs cheveux noirs, l'autre une grande barbe. Le troisième, quant à lui, avait une tête de fouine tandis que le dernier semblait banal avec son crâne chauve. Tous se mirent à émettre quelques rires gras, se délectant de la surprise de Lupin.

-Hum... si vous n'avez pas besoin de moi, commença Lupin en se relevant de sa chaise, je ne vais pas m'attarder.

-Oh, mais vous ne dérangez pas, au contraire, fit Baldwin. Nous avons tout notre temps pour faire la conversation et, au passage, vous poser quelque question.

-Des questions ?

-Ouais, répondit grossièrement l'un des quatre hommes. T'étais dans l'Ordre du Phénix, non ? Ta tronche me dit quelque chose !

Lupin s'était attendu à tout sauf à ça.

-En quoi cela vous regarde-t-il ?

-En ce qu'on a faillis finir à Azkaban à cause de toi et de tes amis ! cracha en autre en révélant le grand serpent tatoué sur son avant-bras.

Pris au dépourvu, Remus se releva d'un bond tandis que les quatre Mangemorts l'encerclèrent. Sans attendre, le sorcier plongea sa main dans sa poche pour en sortir sa baguette qu'il fait tournoyer dans les airs. Un éclair illumina la pièce et deux de ses adversaires furent désarmés.

-Arrêtez-le ! hurla Baldwin. Arrêtez-le !

L'un des mages noirs lança un sortilège en direction de Lupin qui l'esquiva de peu, laissant le jet de lumière poursuive sa toute et s'écraser sur la fontaine de Bièraubeurre en forme de Manneken-Pis. Cette dernière explosa au contact.

-Stupéfix, prononça Lupin en désignant l'un de ses ennemis qui, frappé en pleine poitrine, s'écroula au sol.

Le Mangemort qui était encore armé, complètement paniqué, lança de nombreux sortilèges en direction de Remus et ce de façon hasardeuse tandis que ses deux complices, à présent sans baguette, prenaient la fuite en hurlant. Fort heureusement, Lupin parvint à le mettre hors d'état de nuire assez rapidement. Sa cible termina en effet saucissonnée à côté de l'autre criminel inconscient.

Et indifférent à son cœur qui battait la chamade dans sa poitrine, Lupin se tourna vers Baldwin et le pointa de sa baguette.

-Vous devriez engager des gens plus compétents, Vandenbeer, lui siffla-t-il.

L'interpellé, qui n'avait toujours pas perdu son sourire arrogant, lui susurra :

-Oh... il n'y avait pas que ces incapables.

L'actionnaire désigna le plafond magique au-dessus d'eux, qui apparaissait comme un immense trou noir, une gueule de ténèbres sans fond, qui recracha un Détraqueur ! Profitant de la surprise de Lupin, Baldwin le bouscula pour se réfugier ensuite dans les cuisines de l'établissement, en prenant bien soin de refermer la porte derrière lui.

Laissé à la merci de la créature décharnée et spectrale qui fonçait sur lui, Remus se dépêcha donc de chercher en lui l'un de ses plus beaux souvenirs et sa baguette laissa jaillir une intense lumière qui matérialisa face à son ennemi un grand patronus. Un patronus avait l'apparence d'un grand humanoïde aux longs bras et à la gueule de loup. Un patronus qui n'était autre que sa propre forme de lycanthrope !

Effrayé, le Détraqueur s'échappa en brisant une fenêtre...

Lupin, après s'être assuré que les lieux étaient sûrs, se dirigea vers les cuisines où l'actionnaire était retranché tandis que son patronus se plaisait, tel un chiot tout joyeux, à explorer les environs avec curiosité et à renifler les deux Mangemorts qui gisaient au sol.

-Alohomora, murmura Lupin pour ouvrir la porte qui lui faisait face.

Cette dernière s'ouvrit et laissa entrevoir un Baldwin paniqué qui, immédiatement, se jeta dans ses bras.

-Oh ! Je suis désolé ! se lamenta Baldwin ! J'ai ... on m'a forcé ! L'impérium, Lupin ! L'impérium ! Il m'a jeté un sortilège impardonnable.

-Il ? répéta Lupin.

-Vous-savez-qui... confessa Baldwin avant de s'évanouir et d'être rattrapé de justesse par Remus qui, consterné par cette révélation, ne remarqua même pas ce gros rat auquel il manquait un doigt à l'une des pattes...