7) Ambrose O'Moonell

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-Qui êtes-vous ? venait de répéter le père O'Moonell avec insistance.

Une question qui fit se mordre sa lèvre à Remus qui cherchait la réponse la plus adéquate à apporter à celui qui lui faisait face.

-Remus, se contenta-t-il de répondre le plus simplement du monde. Remus Lupin.

L'ancien professeur se doutait bien que cela ne contenterait pas l'individu au grand chapeau, et il ne s'était pas trompé.

-C'est la seconde fois que je vous croise. Seriez-vous en train de me pister, monsieur Lupin ? Seriez-vous l'un des sbires de Skeeter ?

Remus souffla du nez et repoussa l'exemplaire de la Gazette du Sorcier qui se trouvait devant lui.

-Certainement pas, répondit-il. En tous cas, si je l'avais été, je ne me promènerais pas avec un exemplaire du Chicaneur.

Et pour souligner ses propos, il sorti ledit exemplaire de sa veste. L'homme au chapeau claqua alors la langue, contrarié :

-Qu'est-ce que vous faites ici ? Et qu'est-ce que vous cherchez ?

-Des questions bien indiscrètes... mais si je suis ici, c'est pour une raison personnelle.

Une réponse dont Remus se félicita intérieurement. Très évasive mais sans être un mensonge. Remus avait en effet des comptes à rendre à Mila, certes, mais pas à son père. O'Moonell arqua un sourcil et regarda l'homme aux cicatrices avec insistance comme pour l'inciter à continuer.

-Et ce que je cherche... c'est un emploi. Si par hasard vous en auriez un à me proposer...

O'Moonell esquissa un maigre sourire tandis que son regard s'adoucissait. Il considéra alors Remus un instant. Un homme faible, maladif et tristement vêtu, au teint pâle et qui n'inspirait que la misère. Il se dit alors qu'il avait eu tort de le juger si hâtivement. Un personnage aussi peu présentable que Lupin ne pouvait être un journaliste de la Gazette du Sorcier... et il ne se promènerait certainement pas avec sa valise partout où il allait.

-Je m'excuse... fit alors O'Moonell d'une voix très faible et moins assurée. Vous savez, à cause des événements récents, cet article de Rita j'ai l'impression que...

Il ne termina sa phrase que par un soupir.

-Je peux comprendre, fit Lupin. Je suis désolé pour vous. J'ai vu l'article sur Mila...

-Non, vous ne pouvez pas comprendre, le coupa calmement O'Moonell. Qui peut comprendre ce que ça fait d'être le parent d'une louve-garou ? Hum ! Dites-moi.

Remus leva un instant les yeux au ciel, à la fois songeur et bousculé par l'ironie de la situation.

-Je... j'ai connu les parents d'un loup-garou, à vrai dire. Ce n'est pas une chose dont on se vante habituellement mais dans de telles circonstances, je pense pouvoir vous faire cette confidence.

Là, Lupin remarqua un éclat d'intérêt brièvement animer les yeux verts de O'Moonell qui s'empressa d'ailleurs de rebondir sur sa remarque :

-Peut-être... hum, si bien sûr vous accepteriez, rester avec moi pour lui évoquer toutes ces choses. Je dois vous avouer que les Guérisseurs ici sont assez évasifs sur ce sujet. C'est tabou, je crois...

-J'ai tout mon temps, lui confessa Lupin. Comme je vous l'ai dit, je suis...

-Chercheur d'emploi. Oui, oui... mais le temps que Mila récupère... je crois que j'aurais besoin de quelqu'un pour accomplir deux, trois petites tâches. Et vos connaissances à porter de mains pourraient servir.

Lupin s'étonna dans un premier temps de la confiance que lui attribuait ce monsieur O'Moonell puis se souligna à lui-même que c'était avant tout un père désespéré par rapport à l'avenir de sa fille, prêt à donner sa confiance au premier venu dans de pareilles circonstances. Et c'était justement cette confiance qui lui servirait d'outil pour approcher Mila et la guider dans cette terrible épreuve qu'était la lycanthropie. Les inconnues qui demeuraient étaient les suivantes : d'abord, quand et comment allait-il avouer à Mila qu'il était à l'origine de son mal ? Même s'il estimait avoir bien fait de ne pas s'être dénoncé d'emblée à son père – qui dans sa détresse lui aurait sans doute fait goûter une agression plus violente que celle qu'il avait faite subir à Skeeter – il n'ignorait pas qu'il s'était simplement contenté de repousser la terrible échéance. Ensuite, en quoi allait donc consister son futur emploi chez les O'Moonell ? Il n'eut pas le temps d'interpeller l'homme au chapeau sur cette dernière question. En effet, un Guérisseur venait d'arriver à hauteur de leur table.

-Monsieur O'Moonell, votre fille semble se porter encore mieux qu'hier. Elle est restée éveillée seulement quelques heures aujourd'hui mais semble reprendre des forces... Des cauchemars l'agitent, cependant. Mais si vous lui donnez un Philtre de Paix deux fois par jour, cela devrait apaiser son sommeil...

-Et quand pourrait-elle quitter cet endroit ?

-D'ici deux jours si son état continue de s'améliorer ainsi.

O'Moonell acquiesça avec un sourire à la fois tracassé puis pointa l'exemplaire du Chicaneur.

-Puis-je ? Mila adorait ce journal quand elle était à Poudlard.

-Poudlard ? reprit Remus.

-Oui, elle en est sortie il y a deux ans... sans son ASPIC hélas...

-Oh... et dans quelle maison était-elle ?

Cette question, à elle seul, suffit à lancer progressivement le père O'Moonell, qui se prénommait Ambrose, sur une description de Mila qu'il présenta comme taciturne et passionnée par les créatures de toutes sortes. Une élève, disait-il, aussi gentille que distraite qui avait passé toute sa scolarité à Poufsouffle et qui avait grandi sans sa mère, celle-ci étant tragiquement décédée durant la Guerre qui avait opposé les Mangemorts au monde magique. O'Moonell avait cependant été très vague sur ce point. Lupin avait néanmoins noté que, à l'en croire, le père O'Moonell s'était réfugié avec ses deux enfants en Irlande durant le conflit tandis que la mère avait préféré rester sur l'île britannique. Deux enfants, oui.Car Mila avait aussi un grand frère, de deux ans son aîné : Andrew O'Moonell.

Parler de sa famille, surtout de ses enfants, semblait l'apaiser quelques peu et ses confidences s'étendirent sur quelques instants. Instants qui se terminèrent lorsqu'il propose à Lupin d'aller la rencontrer en personne, qu'avec un peu de chance elle serait réveillée...

Remus tenta alors tant bien que mal de masquer son angoisse mais accepta tout de même. Et il suivit Ambrose qui l'emmenait vers une Mila au sommeil agité. Un sommeil dans lequel sévissait une sinistre loup-garou...

Tandis qu'ils arrivaient dans la salle, Lupin ne put s'empêcher de demander à Ambrose :

-Vous m'aviez parlé de quelques tâches à réaliser à sa place...

-Oui, oui, répondit le père. En fait, Mila a toujours voulu disposer d'un élevage de Veaudelunes, vous savez, ces créatures qui ne pointent leurs museaux que lorsque la lune est pleine... Vu sa nouvelle condition, ça lui sera difficile. J'espère pouvoir compter sur vous.

L'homme aux cicatricesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant