8-huit

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-Lilo, tu vas mettre ces putains de chaussures puis tu vas partir. Tu ne le reverras plus jamais et ça ira mieux dans le meilleur des mondes.

À mes quinze ans, j'avais eu ce fameux rendez-vous avec la conseillère d'orientation du lycée.

J'étais le genre de nana paumée qui hésitait entre aller en Littéraire ou en Économique et Sociale. Naturellement, je m'étais vu prendre un rendez-vous avec ce que les professeurs disaient être la meilleure aide possible pour le commun des lycéens.

Arrivée dans son bureau, je me souvins avoir été focalisée sur ses nombreux dossiers, empilés les uns sur les autres. Je me souvins aussi mettre dit que j'allais moi-même devenir un simple dossier par la suite; ça m'avait fait sourire à défaut de me faire mourir de rire.

Nous avions parlé pendant de longues heures, la fille qui devait passé après moi avait fini par déguerpir, éreintée d'attendre son rendez-vous qui n'allait finalement pas avoir lieu.

J'avais intriguée la conseillère d'orientation.

Sauf que lorsqu'on intriguait fortement quelqu'un, cette personne se mettait en tête de savoir la cause de ce trouble.

Après tout je n'étais qu'une enfant; mon hypersensibilité avait montré le bout de son nez dès mes années collège; j'arrivais bien à le contrôler; sauf à ce rendez-vous ci.

J'avais pleuré.

J'avais pleuré pendant de longues et interminables minutes.

Et si vous me demanderiez là, maintenant, le pourquoi du comment, je ne serai guère vous répondre.

C'était venu comme ça; j'étais un être paumée qui hésitait, comme pratiquement tous les adolescents de mon âge sauf que ça c'était transformé en un problème impossible à surmonter.

Pire que d'habitude.

J'avais fini par pleurer, et au fond cela a certainement du lui faire plaisir de voir que finalement je n'étais qu'une lycéenne parmi tant d'autre.

Moi, celle qui l'intriguait lui avait dévoilé mes merveilleux yeux larmoyants.

Au fond comme je le disais je n'étais en rien intriguante.

Du tout même.

Elle avait nommé ça comme étant des crises et m'avait demandé de m'étaler sur ce sujet. Dieu que je n'avais pas confiance en elle et pourtant je lui avait dit que mon père jouait un peu trop aux jeux de grattage ainsi que ma mère criant au désespoir tous les soirs que l'argent qu'elle récoltait au fruit de ses nombreux efforts, se dérobait en une journée seulement par la faute de mon géniteur.

Je me souvins aussi lui avoir raconté qu'un soir en rentrant de l'école ma mère m'avait attendu devant la maison, valises en mains, pour me dire au revoir. Et pour je ne sais quelle raison je lui ai aussi raconté la suite; celle où je criais à en perdre haleine pour que ma mère ne parte pas et qu'elle ne m'abandonne pas.

La conseillère d'orientation appelait ça des crises, moi j'appelai ça un flot de souvenir me submergeant.

-Lilo....Ça va...Je te le promets ça va aller. Tu vas rentrer à la maison et...

La conseillère avait placé face à moi une boite de mouchoirs à bas prix et m'avait demandé si je faisais souvent ce genre de crise.
Et je sus pourquoi mais j'avais continué de pleurer face à elle, pitoyablement et misérablement.

-Lilo....1....2....3.....

Je m'assis sur le rebord du lit de Deen et refis méticuleusement mes lacets.

Ça allait et ça revenait. Une fois la dépression m'aggripait; une autre fois la colère; s'enchainant sur une tristesse suicidaire qui semblait m'egorger.

Au final, la conseillère n'avait rien fait pour moi. Je ne l'avais plus jamais revu. Je ne savais si je désirais être sauvée ou non. Dès lors la fin du rendez-vous, nous étions devenues des inconnues l'une pour l'autre.

-Oh t'a fini ta douche, Lilo.

Mes doigts tremblaient trop pour pouvoir faire correctement mes lacets; je l'est enfonçais dans mes chaussures.

-Tu fais quoi ?

Mes avants-bras me démangeaient. J'avais besoin d'une clope.

-Lilo, je te parle !

Je mis mon sac sur mon épaule et m'avançai mécaniquement vers la porte d'entrée. Juste...une clope au bord de ma fenêtre accompagné de mes écouteurs, c'était tout.

Je n'allais faire chier personne. Je n'allais briser personne. Je n'allais faire de mal à...

-Lilo !

Une clope puis....Je frissonai. Ses doigts touchaient mes bras, mes cicatrisent, ma douleur, ma peine, mon histoire.

-Qu'est-ce qui ne va pas ?

Je ne me tournai pas, ramenant doucement mon bras vers moi. J'essayai d'ouvrir la porte mais elle était fermé à double tour, Deen souffla derrière-moi.

-Lilo...Je...qu'est-ce que tu as ?

-Ouvre la porte.
Ma voix tremblait encore un peu trop. Je risquerai de craquer d'ici peu. Non j'étais en train de craquer, là à cet instant précis.

-Pas avant que tu ne me dises ce qu'il se passe. Merde tu...en dirait un...

-Ouvre-moi, je...fais une crise il faut que je rentre chez moi.

Il ouvra la bouche puis la referma d'aussitôt.

-Ouvre-moi cette porte, maintenant !

Je ne sus pas quand exactement je me mis à pleurer mais quand Deen me prit dans ses bras et me laissa exploser-imploser- des tonnes de souvenir de mes parents, de ma conseillère d'orientation ainsi que de mon ancien ami qui m'avait délaissé me submergèrent de plein fouet.

FULGURATION [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant