Eloïse ne sentait plus que la main de Victorien, enfoncée dans son épaule comme des lames de couteaux. Raven les fixait le regard vide, la peau aussi blanche et maladive que du papier froissé.
Les laboratoires les avaient trouvés trop tôt.
- Je vous pensais au Chao Ming, s'étonna Anthéon en s'approchant à son tour.
Eloïse lui lança un regard assassin. Combien étaient-ils en tout ? Beaucoup, sans doute. Ils devaient être fatigués de la voir leur filer entre les doigts à chaque fois qu'ils étaient proches de leur but.
- Tu pensais mal, répondit Victorien. Ce qui ne change pas de tes habitudes.
- Fanfaronne toujours, Victorien. En attendant, tu es seul, contrairement à nous.
En plus de Raven et Anthéon s'ajoutèrent Isidorh et Julien. Eloïse serra les dents.
- Qu'est-ce qu'on fait ? chuchota-t-elle.
- Tu ne t'éloignes pas d'un centimètre. Je m'en occupe.
- Victorien, ils sont quatre, dont deux Phoenix, un vampire, et Raven qui est en plus le projet Iota...
- Alors mets-toi à contribution. Mais ne t'éloigne pas.
Eloïse expira doucement. Elle ne se sentait pas en état de l'aider, mais il ne pouvait pas gagner seul tout en devant veiller sur elle. Pas contre quatre magiciens comme ceux qui leur faisaient face. Elle allait devoir se forcer à agir, peu importait les protestations de son corps.
Julien fut le premier à s'approcher. Des ombres sortirent aussitôt du sol pour l'empêcher d'approcher. Julien battit l'air agilement pour passer en force, mais elles le ceinturèrent pour le plaquer au sol. Eloïse espérait que cela le retiendrait au moins quelques minutes.
Raven fut la deuxième à approcher, rapidement suivie par Isidorh. La situation allait se compliquer.
- Concentre-toi sur les ombres, dit Victorien.
Eloïse fronça les sourcils.
- Raven ?
- Non, ta magie. Concentre-toi.
Isidorh attaqua et Victorien le repoussa aussitôt. Ce fut au tour de Raven de se transformer en Phoenix pour charger sur eux. Eloïse inspira et tenta de contrôler son ombre : elle ne comprenait pas trop la démarche, mais si Victorien le lui demandait, il devait y avoir une bonne raison.
Dès qu'elle sentit son ombre réagir à son contrôle, Victorien lui saisit le poignet et le monde se transforma en une myriade d'éclats fragmentés. Elle eut l'impression de se transformer en glace et de se faire étirer sur plusieurs mètres. Après ce qu'elle estima être une éternité, le monde se recomposa sous ses pieds et sa vision revint à la normale. Elle s'écoula dans l'herbe et vomit le peu qu'elle avait dans l'estomac.
- Debout, ordonna Victorien en lui saisissant le bras.
Eloïse s'appuya sur lui et releva la tête pour observer les alentours. Ils s'étaient déplacés jusqu'à atteindre la deuxième Porte des Mondes que comptait la ville et ses alentours. L'équivalent d'une heure de marche.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle.
- Je t'ai transformée en ombre, répondit Victorien. Ils ne s'y attendaient pas.
- Je ne savais même pas que tu pouvais faire ça.
- Tant que tu uses des ombres également, c'est possible. Maintenant avance, nous devons partir avant qu'ils nous retrouvent.
