Les Chroniques de l'Immortel, tome 1 : Linaëlle

Chapitre 7 : Remèdes et lames (partie 2)

Les deux sœurs soupirèrent en cœur et se regardèrent. Il y eu un échange mental entre les deux, que Linaëlle ne put comprendre et se fut Emily qui reprit la parole :

- Le Roi a réveillé tout le monde au milieu de la nuit en hurlant mentalement après Iatus. Il hurlait en langue ancienne et personne ne comprenait ce qu'il disait excepté certains d'entre nous qui sont allés à l'Ecole de magie. Néanmoins, en moins d'une heure tout le monde avait compris ce qu'il se passait. Tu avais été mordue et surtout Iatus refusait de te soigner arguant que c'était un signe du destin, que cela nous débarrassait d'un poids etcetera... Le Roi avait l'air plutôt d'accord jusqu'au moment où le couple princier s'en est mêlé, s'opposant à Iatus en insinuant qu'il avait tout comploté pour ne pas se couvrir de ridicule quand le Roi te gracierai le lendemain...

- Me gracier ? Répéta Linaëlle qui ne comprenait pas le sens de ce mot inconnu pour elle.

- Oui, t'épargner si tu préfères, dit Sophia.

Comme la fillette ne comprenait toujours pas, elle précisa :

- Ne pas te condamner à mort, te laisser en vie, ne pas t'envoyer en prison, bref te gracier.

Linaëlle ne comprenait  toujours pas. Elle se souvenait du roi lui annonçant qu'elle allait mourir, pas qu'il allait l'épargner ! Comme elle se taisait, Emily reprit son récit des évènements :

- Bref, le ton montait et franchement, tous les gens présent ont crû qu'Elmira et Iatus allaient en venir aux mains. Mais d'un seul coup, le conseiller royal est sorti en hurlant que jamais il ne te soignerai. Entre temps Manahau et moi t'avions amener ici. La ville tout entière a marché sur la pointe des pieds pendant trois jours alors que les émotions qui émanaient du palais se faisaient de plus en plus négative. Et c'est à partir de là que les choses se sont réellement gâtées.

Emily s'interrompit alors que sa voix se brisait sur la dernière phrase. Linaëlle la regardait, de plus en plus déboussolée. Si elle ne pouvait pas encore utiliser ses sens magiques, elle voyait clairement que les deux jeunes filles étaient tristes. Elle se demandait ce qui avait bien pu arriver.

- Iatus s'est rendu à l'Ecole de magie et a débarqué au palais avec une centaine de mages, continua Emily après avoir pris une profonde inspiration. Ils ont commencé à tout démolir sur leur passage, à tuer des gens. Ils lançaient des sort à tout va et ils ont pris tout le monde par surprise. Le temps que les soldats soient mobilisés et qu'on sonne l'alerte pour les autres magiciens, ils avait déjà ravagé le rez-de-chaussée et une bonne partie du premier étage. Rapidement, les couloirs sont devenus un véritable champ de bataille. Pendant presque deux jours, il y eu des combats car les partisans de Iatus se cachaient dans les passages secrets du château et déboulaient à l'improviste. Le roi a finit par faire enfumer les passages afin de tuer tous ceux qui restaient. Les soldats ont réussi à capturer trois traîtres dont Iatus. Le premier s'est suicidé grâce à la magie et le second est dans un sale état. Iatus est dans les cachots, il attend son jugement. Les mages sont dans tous leurs états depuis la traîtrise des leurs, ils ont rappelé quasiment tous leurs membres et c'est le silence dans l'Ecole depuis.  

Il y eu un silence puis Sophia ajouta :

- Tu imagines bien qu'avec tout ça, les guérisseurs, dont Emily fait partie, étaient très occupés ce qui ne t'as pas aidé. On croyait que tu allais mourir mais la marque est apparue sur ton épaule et tu es guérie. C'est tellement improbable ... souffla-t-elle.

Linaëlle se rallongea et contempla le plafond de pierre grise. Elle comprenait enfin. A ses propres émotions s'étaient rajoutées celles des combattants qui avait provoqué le tourbillon auquel elle avait échappé en se réfugiant là haut. Là haut où d'ailleurs ? Delthéa ne le lui avait pas dit. Elle passa la main gauche sous sa tunique et caressa son épaule droite. La marque était chaude, plus chaude que le reste de sa peau. Du bout des doigts elle en suivit les contours en silence. Puis elle posa une unique question :

- Qui est mort ?

Pas combien, non. Pas besoin de préciser non plus, la tristesse sur le visage des deux sœurs valait toutes les précisions du monde.

- Maman... murmura Sophia dans un souffle, les larmes aux yeux.

Alors Linaëlle vint se blottir dans les bras de Sophia, toujours assise sur le lit. Emily les rejoignit et elles partagèrent un gros câlin collectif en se réconfortant les une les autres. La jeune Elmakaise avait croisé une seule fois leur mère mais celle-ci s'était montrée très gentille et attentionnée. Elle ressemblait terriblement à ses filles et avait un sourire lumineux. Elle travaillait à la cuisine en tant que pâtissière et avait offert à Linaëlle un chausson aux pommes tout juste sorti du four. Si leur mère était morte, cela voulait dire qu'elles étaient orphelines réalisa soudain l'enfant. Elles avaient perdu leur père sur le champ de bataille il y a une dizaine d'année de cela.

Perdue dans ses souvenirs, la fillette sentit soudain un mouvement sur son côté suivi du bruit du métal heurtant la pierre. Elle se redressa violemment au grand bonheur de sa migraine  qui recommença aussitôt à lui marteler le crâne tandis que Emily se relevait pour récupérer son couteau qu'elle escamota dans sa manche.

- Qu'est ce qu'il se passe sœurette ? l'interrogea Sophia.

- Tu ne vas pas me croire mais il y avait une espèce de gros lézard violet et noir sur le mur, répondit-elle. Et il avait pas l'air amical du tout.

- C'est absurde, commença Sophia, un lézard violet et noir ? Et d'où tu sais qu'il n'avait pas l'air amical ?!

- Je le sais parce que je l'ai vu voilà tout. Si tu l'avais vu aussi, tu aurais compris, rétorqua sa sœur en frissonant.

Linaëlle ne put s'empêcher de gémir ce qui mit aussitôt fin aux chamailleries des deux sœurs qui la recouchèrent aussitôt. Emily cala son dos contre la tête de lit, posa la tête de l'enfant sur ses genoux et ses mains sur les tempes de la fillette qui soupira de soulagement en fermant les yeux.

- Vu le potentiel que tu as, tu vas avoir des migraines pendant une bonne semaine, pronostiqua la jeune guérisseuse.  

Linaëlle poussa un soupir de découragement. Ça allait être long ... Elle rouvrit les yeux et croisa le regard de Sophia qui lui adressa un sourire d'encouragement. Elle lui rendit faiblement son sourire.

- Je serais de toi je me rendormirais jusqu'à demain, murmura l'adolescente d'une voix brusquement distante.

- Pourquoi ?

- Parce que la moitié de la Cour va débarquer d'ici peu le Roi et son héritier en tête, je les perçois d'ici, continua-t-elle sur le même ton.

- De toute façon, ça tombe bien il faut qu'elle se repose, elle n'est pas en état d'affronter les questions qu'ils vont lui poser et encore moins les conséquences des derniers évènements, décréta son aînée d'une voix ferme.

Linaëlle voulut ouvrir la bouche pour l'interroger sur ces fameuses conséquences mais déjà elle sentait son esprit partir à la dérive. Les mains d'Emily avait changé de place, arrivant sur son front. Elle ferma les yeux et glissa lentement vers un sommeil réparateur. Sa dernière pensée consciente fut une interrogation : « Emily sait lancer des couteaux ? »