Les Chroniques de l'Immortel, tome 1 : Linaëlle

Chapitre 35 : Préparatifs (partie 1)

Laissant Adam et les garçons à Dopalis, Linaëlle se rendit à Olmetho le lendemain, afin de veiller au plus près sur sa mère et sa sœur. La décision de l'Empereur d'engager une armée en son nom bousculait bien trop vite les esprits. Les elmakais étaient encore plus attachés à leurs traditions qu'à leurs vies, et ils n'acceptaient les changements que très lentement.

La présence de la jeune femme permit à la jeune Archiduchesse de maintenir l'ordre à sa Cour. Bien que l'Archiduché de l'Ouest, sous la houlette de sa sœur, avait commencé un lent cheminement de pensée qui rendaient les nobles un peu plus ouverts d'esprit, elles se permirent quelques rappels subtils qui permirent d'éviter la majorité des débordements.

Le reste de l'Empire, en revanche, criait à la révolte contre cette prétendue invasion. En une journée, le réseau d'espions de Linaëlle l'avertit que deux tentatives d'assassinat sur Manoël avait été évitées, ainsi qu'une tentative d'enlèvement sur Nolwenn, la fille aînée du couple impérial.

Ces informations rappelèrent à la jeune femme que sa cousine devait rejoindre la capitale et se trouvait sur les routes. Inquiète, elle chercha en vain à entrer en contact avec l'esprit de Daniela. La mage d'aura resta introuvable, dissimulée dans le bouillon d'émotions qui agitait le pays.

Lukas et Victor communiquèrent avec elle durant la soirée. Les deux Prodiges séjournaient, l'un à Kalmior, l'autre aux alentours d'Elifta, deux cités aux dirigeants ouvertement hostiles à l'Empereur. Ils lui confirmèrent que si cette décision engendrait la colère des aristocrates, elle provoquait surtout de la crainte chez les gens du peuple. L'annonce avait été placardé par des magiciens, messagers de l'Empereur, de sorte que tous dans les villes soient au courant. Les rumeurs de guerre civile courraient déjà, et personne ne s'attardait dans les rues.

La situation devenait complexe pour Linaëlle. Si Timothé et Marie étaient déjà en route pour Dopalis afin de la rejoindre, délaissant leurs projets et voyages à Malatir, dans l'état actuel des choses, elle ne pouvait se permettre de rappeler les deux jeunes hommes auprès d'elle. Un sombre pressentiment lui nouait le ventre, la retenant de leur donner l'ordre de rentrer, mais, de l'autre côté de la balance, elle voyait avec une peur sourde les jours s'égrener et son délai se réduire.

La semaine passa lentement, silencieuse et pesante pour les elmakais qui attendait de voir où l'orage allait tomber. Pour la jeune femme, les huit jours furent particulièrement douloureux entre l'absence inexpliquée de Delthéa et celle des hommes de sa vie, alors qu'elle ne rêvait que de passer un maximum de temps avec eux. Les manquements de la Déesse à leurs rendez-vous nocturnes l'inquiétaient, d'autant qu'elle avait noté que son étoile se refroidissait. De plus, elle faisait des cauchemars où elle voyait son âme sœur enchaînée et souffrante, sans parvenir à lui parler. Cet amalgame lui faisait craindre le pire, et ajoutait au poids qu'elle supportait chaque jour.

Une autre attaque des Tfigunï dévasta un village et passa presque inaperçue dans le malaise ambiant. Seules les larmes de Linaëlle et l'envoi de secours pour les éventuels survivants marqua cette date. Le réseau de la jeune femme bouillonnait d'activité, empêchant presque quotidiennement assassinats et enlèvements tant à la Cour qu'en province. Ses agents restaient en permanence sur le qui-vive, et la toile trop sollicitée de son réseau menaçait de se rompre à plusieurs endroits. La jeune femme espérait que Manoël calmerait rapidement les choses, car pour l'instant, il creusait leurs tombes à tous.

Puis, un matin, elle fut réveillé par l'un de ses magiciens en poste à Falm.

« Les mercenaires entrent dans le port. » annonça-t-il

« Déjà ? Ce n'est pas possible, il faut presque trois semaine pour faire l'aller-retour ! » s'exclama la jeune femme, soudain pleinement éveillée.