Part. 2

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À peine rentré, j'annonçai la nouvelle à mère, presque hurlant de joie. J'avais beau avoir eu le temps de méditer la chose le long du trajet jusque la maison, mon euphorie était restée aussi intacte qu'à la seconde succédant la nouvelle. J'étais complètement ivre de bonheur, cela peut paraître peu mais j'avais l'impression d'avoir fait un énorme pas vers mon avenir, mon futur qui scintille, celui que je désire.
Évidemment ma joie n'était pas entièrement communicative, elle ne se réjouit qu'au dixième de ce que j'éprouvais, et la nouvelle passa. Elle me demanda même dans la seconde suivante d'installer le poisson dans la chambre de Tae rin, dans le bocal du récent défunt. J'avoue que je n'avais pas besoin d'avoir quelqu'un avec qui partager cet instant pour le vivre pleinement, et puis j'avais mon piano qui lui comprendrait peut être davantage. Je n'avais qu'une hâte, c'était d'effleurer à nouveau le clavier, mais j'avais encore beaucoup de tâches à réaliser, comme remplir les papiers concernant mon aménagement tout proche. J'attendrai.

Cela fait un mois que j'ai déniché l'appartement idéal, pas loin de la fac où je suis, tout proche du conservatoire et ni trop éloigné de l'école de ma petite soeur, car je jouerai toujours les nounous de temps en temps. Mais dès le moment où j'ai commencé à m'y présenter, j'ai été enseveli sous la paperasse, et maintenant que je suis proche de m'y installer, la quantité double encore. J'ai au moins le mérite d'avoir ma récompense à la clé.

Je soupirai, signant la énième et dernière feuille de mon tas du jour. Un craquement de doigts et je m'en allais préparer le dîner. Au même moment, ma mère passait la porte, après avoir été chercher Tae Rin à son cours de danse. Celle ci déboula dans la cuisine comme un courant d'air et s'accrocha à mes jambes alors que je mettais l'eau à bouillir. Observant mes moindres faits et gestes, elle en déduisit le plat du jour et clama un "Ramen~" bien enthousiaste. Je ne pus m'empêcher de sourire à sa jeune innocence. Rien qu'en la voyant mettre la table sous la demande de notre mère, n'importe qui aurait été attendri par son petit côté empoté et maladroit. C'était une petite fille de cinq ans en bref.

Une fois le repas fini, je retournai dans ma chambre pour me pencher finalement sur mes cours, avec de la musique en fond, comme toujours. Après une bonne demi heure, les feuilles sous mon nez commençaient à me lasser et mon attention était irrésistiblement attirée par la musique. C'était du Big Bang. Mes yeux se baladaient entre les lignes sans comprendre le sens des mots alors que mes lèvres fredonnaient les paroles que je ne connaissais que trop bien. Finalement je me décidais à chanter à pleine voix. Le refrain arrivait et au moment où j'entrais complètement dans l'ambiance, Tae Rin, tel un petit animal hagard accroché à ma poignée de porte me devança et cria «BANG BANG BANG» avant de sortir avec précipitation. J'entendais ses petits pieds courir jusque sa chambre, précédés par ses petits ricanements d'enfants. Ce n'est pas qu'elle m'avait fait peur, mais elle m'avait quand même surpris, et elle avait complètement brisé l'atmosphère de ma pièce qui semblait battre en rythme avec ma voix et la musique depuis le début. J'affichai un sourire triste, le même sourire nostalgique quand on regrette quelque chose, et coupai la musique, fermant également mes cahiers et classeurs éparpillés sur et sous mon bureau, avant de m'affaler en étoile de mer sur mon lit. Mes pupilles fatiguées et brûlantes fixaient la lampe de bureau  que j'avais oublié d'éteindre. Mes paupières les recouvrirent rapidement et le sommeil me gagna. Avant de sombrer complètement, je me remémorais cette après midi, le faciès sévère de Mr Hyuk, ses mots, puis mes doigts sur le clavier, mon stress gagnant, Yoongi sur son vélo... Je ne pus empêcher un rictus de fleurir au coin de mes lèvres à ce souvenir.

***

Une semaine plus tard, je ne dormais déjà plus dans cette même chambre. J'avais installé mon nouveau chez moi dans le-dit appartement, loin des petites filles envahissantes. Je m'y sentais beaucoup mieux, beaucoup plus à l'aise que dans l'appartement familial, j'avais l'impression d'être enfin à même d'être moi même. Ma journée avait été exhaustive, je me laissais tomber dans mon lit. Désormais, mon piano se trouve en face de moi quand je dors, ce sera mon compagnon de nuit en quelque sorte. Peut être que le regarder avant de m'endormir me permettra de rêver de ma personne, pianiste accompli et célèbre dans une vie future, songeai-je. Je soupirai, un sourire au bord des lèvres.
En parlant de piano, j'avais eu mon tout premier cours avec Mr Hyuk il y a trois jours désormais. Sa méthode était clairement différente de celle de Mr Kim, et il faut avouer que je m'étais clairement fait insulter, rabaisser et gronder à plusieurs reprises, mais je ne l'avais pris étonnamment pas mal, et loin de là même. Ça me motivait plus encore. À peine le cours était-il fini que je voulais repasser la porte et m'y présenter à nouveau.

Un soupir de l'air extérieur vint me balayer les mèches du front. Je me relevai en position assise puis sortis mon smartphone machinalement pour regarder l'heure. Il était quinze heure un quart et je n'avais rien à faire. De plus, mes bombes de peintures sur le bureau me faisaient de l'œil depuis ce matin, me donnant presque l'impression qu'elles se mettaient à scintiller pour capter mon attention quand je ne les regardais pas. Mais il faut que j'attende la nuit pour taguer, je n'ai pas le goût du risque assez prononcé pour m'exhiber en train de dégrader les lieux publics en pleine journée. Que faire ?

Je décidai de sortir prendre l'air, car après tout, je ne connaissais pas encore le quartier. En descendant, je vis qu'il y avait quelqu'un à la réception, une femme de ménage. Elle avait le dos tourné, je n'eus donc pas l'occasion de la saluer.
J'arrivai sur une grande place à l'embouchure d'une grande rue, toute entourée de magasins. Je reconnus parmi eux l'animalerie où Google Maps m'avait mené une semaine plus tôt. J'étais tenté d'acheter un animal pour me tenir compagnie dans mon nouveau logement mais il fallait encore que j'y réfléchisse, alors je ne rentrais pas.

En continuant de faire le tour, mes pupilles se baladant sur les vitrines et devantures, j'arrivai sur une petite ruelle qui bouclait le tour que j'avais fait. Il n'y avait rien de spécial si ce n'est quelques boulangeries et magasins féminins, sauf qu'un musicien de rue, guitare en mains, chantait à pleine voix, installé sous le préau d'un magasin. Je m'avançai pour jeter quelques pièces dans l'étui à guitare qu'il avait déposé à ses pieds ; Comme d'habitude pensai-je. Quelques personnes s'étaient arrêtées et l'encourageaient. Il chantait un morceau de rap, rapide, violent même dans ses paroles.
Il était curieux comme garçon, il jouait les yeux rivés sur ses cordes, sans prêter la moindre attention à son public, la capuche rabattue sur le crâne, et même ayant la tête baissée, il ne manquait pas d'air pour faire aller ses cordes vocales. J'essayais de lui sourire mais il ne relevait pas assez la tête pour voir mes lèvres bêtement retroussées en un U ridicule
Je m'enfuis donc, pas rapidement, mais avec l'intuition de m'en aller, comme un voleur.

Sa chanson me restait en tête, le refrain devait être en anglais car je ne le comprenais pas. Je me jurai de réécrire l'instrumental au piano un jour. Et ce jour débuta dès le moment où je rentrais. Je m'affairais au piano à retrouver note par note le partie vocale, m'aidant de ma propre voix.
Le A to the G to the U, to the S T D se transformait en une succession de Do.
Ça me désespérait de ne pas comprendre le sens de cette chanson. Moi et l'anglais, ça avait toujours fait deux. Aucun moyen que ça rentre.

***

Quatre jours plus tard,  j'avais réussi à retranscrire les trois voix de manière concordante. Cela faisait également quatre jours que je l'avais constamment en tête, je l'avais même enregistrée et mise sur mon portable. Mais pourtant je n'étais capable que de murmurer des bribes de mots au niveau de ce qui me paraissait être le refrain. J'avais bien essayé de Googler la chose, mais sans résultat. La musique se termina alors que j'étais à un bon 100 mètres du conservatoire, j'étais déçu. Je n'avais envie d'écouter aucune autre musique hormis celle ci alors je débranchai et enfournai mes écouteurs dans une des poches de ma veste, je fredonnais toujours doucement les mêmes notes, espérant une illumination, qu'enfin mon cerveau se remémore les paroles, les parties en coréen du moins. Mais rien. J'avais juste l'air d'un schizophrène.

«to the S, T, D»

Je me stoppai net car je venais de passer la porte et que le hall était tellement grand que ma voix avait résonné insupportablement. Mes joues s'empourprèrent un peu, ce n'est pas que j'étais gêné, mais peut être un peu quand même, et puis de toute façon il n'y avait personne.

Une voix rauque s'éleva du fond du couloir, me bloquant net, la main crispée, encore sur le point de refermer la porte.

«I'm D boy because I'm from D.»

Je ne le savais pas encore, mais c'était la première fois que j'entendais sa voix. Et cela faisait tellement longtemps... Que j'attendais ce moment.

It's Been So Long • (YoonMin) Where stories live. Discover now