«— Y-Yoongi...
— Joue bien j'ai dit.»J'étais pétrifié. Yoongi commençait à marmonner et à hausser le ton quand je ne manquais même qu'une note par ci, par là, alors que c'était en quelque sorte normal pour moi d'habitude. Cette fois il n'avait rien de bienveillant et cela ne me choquait pas, cela m'effrayait. Était ce le vrai Min YoonGi qui était dans cette pièce aujourd'hui ? Le pianiste de talent qui fait toutes les scènes du pays et qui amasse les prix dès que ses doigts effleurent un clavier ?
J'avais pensé cela même si la différence de caractère était très marquée. J'avais pensé cela jusqu'à ce qu'il s'approche de mon visage pour y susurrer à travers son rictus sucré :
« Putain Jimin, tu le fais exprès ou quoi ? »
Oui, jusqu'à ce que son haleine alourdie d'alcool vienne se coller à ma peau et que cette saveur âpre me fasse enfin ouvrir les yeux sur tout ce que je n'avais pas remarqué. Les légers sursauts, peut être même bégaiements de sa voix, son attitude inhabituelle, les packs d'alcool et toutes les canettes vides planquées derrière le piano aussi.
Park Jimin, t'es aveugle. Par amour ?
Intuitivement, j'ai incliné le visage pour ne plus avoir à endurer le goût amer qu'il semblait prendre plaisir à expirer telle une fumée de cigarette moite sur ma peau. Le brun maugréa alors et se leva en prenant un rude appui sur ma cuisse, chancela mais se rattrapa au coin de l'instrument puis se courba.
« Yoongi, merde !
Le bruit d'une canette qui s'ouvre me piqua au vif et m'expulsa de mon siège pour saisir le pianiste par le col.
C'est quoi ton problème aujourd'hui ?
— C'est toi mon problème.Son index gauche pointait ma poitrine, ce contact me fit l'effet d'une dague prête à trancher mon cœur qui s'était mis à battre follement. J'étais pétrifié.
C'est alors qu'un liquide se déversa à partir de mon épaule pour glisser dans mon dos ou sur mon torse. La main inclinée sur la boîte métallique qu'il venait d'ouvrir, Yoongi m'aspergeait de la boisson horrible dont il s'était déjà rempli la panse par litres. J'étais paralysé, de peur. C'était insensé.
Une fois sa canette vidée sur ma personne, il la jeta au sol. Son index remonta mon buste jusqu'à ma gorge et aussitôt, ses lèvres se déposèrent dans mon cou pour embrasser, laper doucement ma peau humidifiée. Ce contact m'électrisa et mes bras, dans un mouvement de dégoût désespéré, le repoussèrent violemment. Malheureusement, ses mains s'étaient crispées sur mes épaules et dans un mouvement d'élasticité, il utilisa ma force déployée pour le repousser à me ramener tout contre lui, et ses lèvres.Sa main dans ma nuque me poussa à amplifier l'échange. À côtoyer sa langue pleine d'ivresse, j'eus l'impression que l'alcool me submergeait également, peu à peu. Les gouttes de bière fraîche fuyaient fluidement dans mon dos et gardaient un soupçon de clarté dans mon esprit. Ce lien à la réalité fut rapidement arraché par ses mains qui vinrent imposer leur chaleur dans la cambrure de mes reins, réchauffant ma peau nue avec douceur. Leur déplacement lent traînait avec lui un chemin de tendresse qui me plaisait énormément. Néanmoins, je ne pouvais pas accepter cette tendresse tout droit venu de l'océan d'ébriété de mon supposé artiste modèle.
Pourtant, même avec la conscience et le subconscient totalement d'accord pour m'extirper de cette situation, je ne pouvais m'y résoudre. J'attendais. Je ne discernais plus la sensation de l'eau de feu sur moi, il ne restait que son odeur qui me prenait à la gorge. À travers cette fragrance rogue, je réussissais quand même à humer le parfum habituel de Yoongi. Cela devait être l'une des seules choses qui m'empêchaient de m'enfuir d'ailleurs.
La goutte de trop arriva quand même. Alors que j'avais la sensation d'être celui qui profite clandestinement de l'étreinte en l'état second de celui que j'aime, ses paumes qui vinrent se plaquer sur mes fesses me surprirent et me rappelèrent que chaque embrassade est bel et bien constituée de deux personnes. Ses phalanges s'aggripèrent à mes globes de chair et c'est alors que j'eus le courage de tenter de partir. Je n'avais pas peur cette fois, j'avais simplement recouvert la vue.
Ce n'était pas Yoongi que je câlinais, car certainement une fois sobre, si les souvenirs lui restent, il ne comprendra pas pourquoi cela s'est passé. Il ne contrôlais juste rien. Car oui c'est vrai, je suis le seul à aimer Yoongi. J'étais le seul à aimer Yoongi. Je suis donc le seul coupable ici même.
Un râle rauque s'éleva lorsque je fis pression pour m'eclipser. C'est à ce moment que je me rendis compte que ce n'était pas la volonté de disparaître qui me manquait depuis le début, mais la capacité de le faire. La différence de force entre le brun et moi est en vérité très brute, ce dont je ne m'étais pas rendu compte, peut être par souci d'ego. Ce retour à la réalité fut un nouveau choc dans mon esprit, ma tête bourdonnait, les bras du pianiste se faisaient oppressants, la terre s'écroulait sous mes pieds.
Dans un heureux mouvement de recul qui faillit me faire perdre pied, je réussis finalement à éloigner furieusement le grisé, au point de le plaquer contre le mur. Le désespoir m'avait tellement rempli que les larmes vinrent border mes yeux malgré moi. Je me sentais vide.
C'est alors que je remarquais l'état pitoyable dans lequel tout cela m'avait mis : J'étais trempé jusqu'aux os, je puais l'alcool, mes lèvres étaient gonflées, mes yeux étaient humides et pour couronner le tout, je bandais.
Voir le plus vieux tenter de se rapprocher à nouveau me mis encore plus en fureur contre moi même. Je ne pus m'empêcher d'hurler toute la haine qui venait de monter en moi, un vrai tsunami d'humiliation.
« Dégage putain, dégage ! Je le repoussai. Tu me dégoûtes, t'as vu ta gueule ? Je ris nerveusement. Je te déteste Min YoonGi, je te hais. »
La porte claqua derrière moi. Je me fichais désormais du fait que je déambulais en plein Séoul avec l'air d'un drogué doublé d'un ivrogne répugnant car de toute façon c'était de sa faute. Tout, tout depuis le début était de sa faute car je le détestais maintenant. Mes larmes coulèrent rapidement. Elles étaient chaudes et dévalaient mes joues sans perdre de temps.
Combien de fois tu me mettras dans cet état là Min YoonGi ?
Ce que je ne savais pas à ce moment là, c'est que je n'étais pas le seul à souffrir. Je marchais avec fureur pour rejoindre au plus vite mon chez moi, là où tout cela ne serait plus qu'un souvenir alors que quelqu'un aurait bien voulu pouvoir le faire également. Je profitais de ma solitude pour pleurer seul quand quelqu'un qui m'est cher pourtant aurait voulu être aussi esseulé que moi.
Non, je ne me doutais pas que Taehyung n'était pas rentré chez lui finalement. Je ne me doutais pas que les coups étaient en train d'empreindre sa douleur profondément sur sa peau. Je ne me doutais pas, que je pouvais m'estimer à la fois heureux dans mon malheur et coupable de n'être plus là pour lui.J'aurai tellement voulu savoir.
« P–Pourquoi... J–Jungkook ?... »
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It's Been So Long • (YoonMin)
FanfictionL'un joue tellement bien que l'autre le jalouse. Qui aurait cru que l'image qu'il avait de lui cachait une réalité si terne ?