Part. 6

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«Je suis gay. Toi aussi n'est ce pas ?»

Mon cerveau pris un moment à assimiler ses mots. Gay ? C'était violent comme coming-out, plus, comme première approche avec quelqu'un qu'il ne connait pas. Et ce n'est clairement pas une chose à faire à un inconnu. Il ne l'a dit sur aucun ton, enfin si, sur un ton neutre, comme on dit une chose banale. A-t-il pris l'habitude de proclamer son orientation avant de faire connaissance avec n'importe qui ? Non, c'est clairement n'importe quoi. Pourtant je ne pouvais pas dire que c'était faux. Je décide de rentrer entièrement dans son jeu. Après tout, ce n'est pas censé être un secret, mais davantage un détail, même pas un sujet tabou.

«— Ouais, qu'est ce qui te faisait penser ça ? 

Il haussa les épaules.

— Y'avait un gars dans ma classe, il y a deux ans. Tu étais en première année à la Fac pas vrai ?»

Aussitôt j'allumai ma lampe et éclairai son visage. Il était de ma fac ? Ma mâchoire se crispa à sa vue. Je papillonais des yeux un instant, hurlant en mon for intérieur de me rendre une vue normale, car j'hallucinais. Mais rien ne changea. YoonGi détacha son regard du mur et me regarda, sourcils froncés et yeux plissés dû à la forte luminosité.

«— Il s'appelait JungKook. Je le connaissais... Vaguement. Tu es sorti avec lui. Donc tu es gay. Voilà ce qui m'a fait penser ça.»

Mes pupilles tremblèrent, provoquant un léger flou pendant quelques secondes. Le sol s'écroulait en dessous de moi. YoonGi ? Et... JungKook ? À la FAC ? La mienne ? J'explosais de rire. J'en avais marre de tomber de haut à cause de rencontres anodines, de coïncidences ou d'évidences. Franchement qu'est ce qu'il se passait dans ma vie en ce moment pour que je mérite ce genre de choses. Le fait que ce rire soit nerveux me provoqua une douleur crispée au ventre. YoonGi me fixait de haut, alors que je me pliais sur moi même, mains sur l'abdomen et avec une envie de pleurer grandissante. Voyant que je n'étais pas prêt de rajouter quoi que ce soit il parla, et je l'entendis clairement, même à travers mes ricanements.

«Je vous trouvais courageux de vous montrer. Mais JungKook n'allait pas être insulté de toute façon, il n'y avait rien à craindre par rapport à ça.»

J'arrêtais de gesticuler pour suivre ses paroles sur ses lèvres attentivement.

«L'attitude de la Fac était loin d'être hostile par rapport à votre homosexualité. J'aurai aimé moi aussi faire comme vous.»

Et là il allait parler de ça. Du moment où ça a cassé, où j'ai commencé à me faire défoncer d'insultes à chaque minute. De ce moment traumatisant. Il allait compatir, me dire qu'ils étaient stupides, que ce n'est pas grave. Que c'est bien que j'aie assumé. Mais putain j'allais tellement avoir envie de le frapper. Car non ce n'est pas aussi simple. Non ça ne s'est pas passé aussi futilement.

«Mais j'ai changé de fac, alors je n'en ai pas eu l'occasion.»

Mes lèvres tremblèrent. Ma rage avait monté pour rien, car il ne l'avait pas dit. Il ne savait pas. Mais ce n'était pas la raison principale de ma colère. Mes yeux me brûlèrent. 

JungKook n'avait pas d'amis. JungKook ne craignait pas les critiques c'est vrai, mais il ne faisait attention à personne. Il ne s'intéressait à personne. Il ne connaissait personne. Alors comment ? Je n'arrivais même plus à respirer correctement.

«Tu le connaissais ? Ah ouais ? Ce ne serait pas plutôt 'tu l'aimais' ?

Mes larmes montèrent au simple fait de prononcer ce verbe. Il y eu un court silence et puis.

— Oui, c'est ça. J'étais tombé amoureux de lui.»

Sa franchise me choqua. J'avais juste envie de m'approcher de lui, de le saisir, le frapper ou le prendre dans mes bras. Car lui aussi était tombé amoureux de cette même mauvaise personne. Mais il avait souffert la jalousie de me voir avec lui. Et moi j'avais souffert d'avoir été avec lui. Et maintenant j'aimais celui qui aimais celui que j'aimais. Ma colère était redescendue directement. Je me sentais vide. J'avais perdu toute envie de continuer quoi que ce soit. Ni le tag, ni la discussion, ni le piano au conservatoire pour ne plus avoir à le regarder en face.

Mais pourquoi on en est venus à parler de ça ? T'es vraiment trop con Park JiMin, tu t'es mené tout seul à parler de ce que tu redoutes le plus de dire, surtout avec lui.

De rage, je me penchai pour ramasser mes bombes, les balançant une à une dans mon sac où j'enfournais également mes plans. J'allais fuir à nouveau. Non pas pour pleurer, enfin je l'espérais. Pour rien au monde je n'aurai voulu laisser couler mes larmes à nouveau pour cette histoire.

«Attends.»

Son timbre calme me mit hors de moi même. Il ne se rendait pas compte que la situation me mettait plus que mal ?
Je grognais.

«Quoi ? »

Il s'avança comme pour que je l'entende mieux, peut être aussi pour me retenir si je ne lui obéissais pas. Je n'en sais rien.

«Reviens demain, il faut que tu termines ça.»

Il pointa du doigt mon début de dessin qui me paraissait magnifique quelques minutes auparavant mais qui était soudain emprunt d'une laideur sans pareil. Je n'en ressentais plus une once d'envie.

«Non.

— Alors je peux ?»

Il lança un regard à son propre matériel et je compris tout de suite. Il ne pouvait pas continuer ce que moi j'avais fait. Il ne devait sûrement même pas se douter du résultat final que j'envisageais. Non clairement pas. Pourtant j'avais la sensation que même sans mon accord il le ferait, si je partais.

Sans même daigner lui répondre, je retournai mon sac, laissant s'écrouler son contenu sur les gravillons et me remis à la tâche. Je traçai vaguement les contours, qui évidemment auraient été beaucoup plus nets et beaux si je l'avais fait sans être dérangé au préalable mais c'était trop tard. Il s'arrêta de bomber pour regarder en ma direction, ce qui me fit moi même faire une pause.

«C'est beau.
  Merci.»

C'était un clavier. Un clavier de piano, luisant, ivoire et ombre, les touches dansantes, animées par des doigts invisibles.

Je me décidai alors à constater ce que lui dessinais. C'était un micro. Un micro sombre, brillant sous des projecteurs multicolores. Un guitariste l'effleurait de ses lèvres, les yeux clos.

«JiMin, il faut que l'on joue ensembles... À nouveau.»

It's Been So Long • (YoonMin) Where stories live. Discover now