Part. 11

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Lorsque je m'arrêtai, j'étais totalement essoufflé, comme si je n'avais pas osé respirer pendant tout ce temps. Je me mis à tortiller nerveusement mes mains qui se mirent à trembler suite à cette baisse de tension dans tout mon corps. J'eus du mal à reprendre mes esprits et relever la tête vers mon partenaire qui était pourtant toujours bien présent, par chance.

«T'as l'air perdu, ça va pas ?

Je souris faiblement, n'osant pas plonger mes iris dans les siens de peur qu'il ne décèle toutes mes questions à l'avance et me contentant de lever le regard vers son menton, glissant peu à peu sur ses lèvres. Est-ce normal que je sois aussi nerveux, même après avoir fini ? Serais-je capable de m'y habituer un jour ? Il le faut bien, car si cela peut l'amuser aujourd'hui, YoonGi se lassera bien vite de mes réactions d'enfant timide.

—Un peu, mais c'est rien...»

Il acquiesça, accompagnant son mouvement d'un petit claquement de langue inattendu qui me fit me raidir. Bon JiMin, qu'est ce qu'il te prend ? C'est pourtant pas une habitude de perdre tes moyens. Je toussotai pour faire s'envoler le silence qui commençait à élargir les distances puis laissai tomber dans un petit bruit mes mains sur mes cuisses pour me lever ensuite.

«Je vais faire un tour, je reviens.»

Il ne fit aucune remarque et me regarda simplement m'éloigner d'un regard interrogateur quoique peu bavard. Une fois dans le hall, je fis quelques pas en rond, en prenant soin de me donner l'air aussi ridicule que d'habitude, poussant de longs soupirs et posant à plusieurs reprises le dos de ma main sur mon front en quête d'une inexistante maladie. J'aurai aimé être malade et avoir des excuses à mes réactions bidons, mais ce n'était rien, rien que de l'amour et cela commençait à sérieusement m'embarrasser. Ce qu'il me suffirait, ce serait du naturel, mais malheureusement, c'est tout ce qu'il me manque en sa présence, que ce soit parce que je me mets à transpirer ou que je peine à ne pas constamment former des O avec ma bouche à chacun de ses mots. C'est simple normalement, d'agir avec naturel, il suffit juste que je prenne sur moi.

Une fois mon calme revenu et cette maxime bien ancrée dans mon esprit, je retournai rejoindre YoonGi. Je ne pus m'empêcher de sourire en l'entendant jouer, de plus en plus clairement au fil de mes pas qui me rapprochaient de la salle que je venais de quitter. Il joue divinement bien et j'espère qu'il en est conscient. La porte était ouverte ce qui me facilita l'accès sans avoir à le troubler. Mon regard maintenait ses gestes, ses mains, ses doigts, le clavier et me mit peu à peu plus à l'aise.

J'avais tant rêvé de ce spectacle par le passé. Désormais, ce joli brun n'était plus tout à fait l'inconnu que je convoitais une fois par semaine et il fallait que je m'y fasse.
Il s'arrêta et me sourit très légèrement.

« Tu t'es remis, c'est bon ?
—Oui, ça va mieux.»

Il se décala afin de me laisser suffisamment de place pour m'installer sur le siège. Le cuir grinça sous mon poids.

«J'ai aucune idée de ce qu'on pourrait faire, lança t-il
—Moi non plus tu sais... Je suis pas très à l'aise en plus.
—Pourquoi ?
—Je sais pas, le piano peut être.

Son regard s'attrista en balayant les touches ivoire jauni du clavier. Une sensation bizarre me prit au cœur et me fis regretter mes mots à m'en mordre la lèvre.

—Qu'est ce qu'il a ? Il est trop vieux ?

Je mis un temps à tourner ma langue assez de fois dans ma bouche pour ne pas avoir à regretter.

—Non ce n'est pas ça. Il me fait mal au cœur, j'ai l'impression... qu'il lui manque quelque chose, ça peut paraître bizarre mais je trouve qu'il a un son mélancolique mais ce son n'est pas d'origine, comme si... Comme si c'étaient les années qui l'avaient abattu.

Son expression s'était faite plus sérieuse suite à mes mots, il s'agita un peu.

—Oh. Je vois.
—Je ne veux pas paraître bizarre.
—Non c'est vrai, tu as raison. Il est triste ce piano. Il a ses raisons.

J'ouvris de grands yeux, un peu perplexe de savoir que mon impression peu réaliste était partagée.  Mon cœur s'emballait comme si les grands secrets d'histoire se dévoilaient soudain à moi, sans raison, vraiment.

Son regard se perdit à nouveau dans la contemplation de l'instrument, caressant le bois brun et clair, sillonné de rainures sombres et parfois entaillé par le temps, la main d'oeuvre ou même les crises du pianiste. Le vécu l'avait forgé comme toute l'atmosphère de cette pièce avait été fabriquée par les loisirs du temps. C'est pour cela que c'était si agréable, et inquiétant à la fois. Si l'immortalité existait, je pense qu'elle aurait cette même saveur étrange et contrastée.

YoonGi se pencha vers moi, frôla ma joue pour atteindre mon oreille. Tout l'endroit semblait s'arrêter de vieillir à ce moment, même moi d'ailleurs. Je sentis d'abord son souffle écarter les cheveux éparses qui s'aventuraient sur mon lobe, puis il chuchota :

"Tu es bien un pianiste si tu as pu ressentir ça."

Le nœud dans ma gorge se resserra entraînant ma poitrine dans son pli. Les frissons transportaient ses mots le long de mon épiderme pour en informer chaque parcelle de ma peau. Je suis un pianiste. Cela semblait si nouveau si honorable de sa voix. Pourtant en trois ans, cela ne devait pas être la première fois que je me voyais attribuer ce nom. Je n'en avais pas le souvenir. Pianiste.

Ses doigts profitèrent de mon moment d'absence pour suivre la frontière entre ma peau et mes cheveux et se loger dans ma nuque. J'avais beau le regarder, je ne voyais plus ses yeux mis clos ou son teint de porcelaine. Que ses lèvres entrouvertes qui vinrent explorer le coin des miennes.

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03:00 a.m
Comment je peux me faire mourir autant ?

It's Been So Long • (YoonMin) Where stories live. Discover now