-Par Macbeth,Roméo et Juliette et Notre Dame de Paris !

120 6 8
                                    

Imagine :

« Aujourd'hui sera une belle journée,Megane.La plus belle de la semaine,sans aucun doute. »,te susurre habilement ta conscience depuis ton réveil,il y a une heure.
Saisissant pour la énième fois ton emploi du temps,tu souris béatement.
Tu as été jusqu'à surligner la case de la journée en rose pastel et l'entourer de petits cœurs fuchsia.
Car cette journée consistera en pas moins de sept périodes de cinquante minutes de titulariat avec ta professeure de littérature (également,par conséquent,responsable de la classe).
Lana Parrilla,femme sublime,sensuelle,cultivée,
réfléchie,sensible et posée,également sarcastique à ses heures.
Simplement parfaite de tout points de vue.
Tu termines de mettre ta seconde boucle d'oreille en trépignant d'impatience à l'idée de la voir,puis inspectes ta tenue une dernière fois.
Hors de question que le moindre pli ou tâche ne s'invite sur tes vêtements pour une journée comme celle-ci.
Haut rouge aux épaules nues,décolleté vertigineux en forme de V et dos lacé,c'est bon.
Jean slim taille basse bleu délavé et troué au niveau des genoux,pareil.
Escarpins assortis avec la blouse et parés d'un fin ruban à la cheville,aussi.
Tu rassembles rapidement tes cheveux foncés en un chignon bohème assez simple et classique.
Ensuite,peaufinant ton maquillage,la précision de ton trait d'eye-liner te surprends toi-même,ainsi que la pose impeccable de ton rouge-à-lèvres.
À croire que penser à Lana te donne des ailes.
Et encore,ce serait peu dire !
Tu dévales les marches de l'escalier,non sans avoir fait usage de ton parfum le plus entêtant.
Tu te saisis d'un toast dans la cuisine afin de manger en chemin.
Ta mère est là,encore à moitié endormie,en train de se servir un bol de céréales.
Un baiser sur son front en guise de salutation et tu sors déjà de la pièce à grands pas en lançant par dessus ton épaule,après avoir déjà englouti tout rond le toast que tu réservais pourtant pour un peu plus tard :-À tout à l'heure,maman !
Elle grogne un vague «Bisous,chérie. »,toujours beaucoup trop ensommeillée pour répondre de manière normale.
Tu fermes la porte derrière toi et jettes un coup d'œil à ta montre en chantonnant.
La note que tu amorçais meurt dans ta gorge en avisant l'heure,et l'expression de ton visage,jusque là au summum de la gaité,vire brutalement à l'effroi glaçant.
Si tu n'es pas à ton arrêt de bus dans une minute pile,adieu l'arrivée à l'heure et le privilège de t'assoir à la place rêvée : en face de la suave brune.
Quelle utilité de lui avouer qu'on l'aime en fin de journée si ce n'est pour lui signifier des yeux dès la première seconde ?
Car oui,l'objectif final de ce jour est de devenir la petite amie de ton enseignante.
-Elle est irrésistible,ce n'est tout de même pas de ma faute ! murmures-tu comme si tu tentais de te défendre d'une protestation de l'oxygène environnant.
Tu secoues la tête,presque désespérée,en te rendant compte de la bêtise de la chose,puis te diriges en trottinant vers ta destination.
Le bus s'y arrête d'ailleurs déjà.
Tu accélères,mais trébuches et t'étales lamentablement au sol dans un craquement sinistre.
Pourtant,aucune trace de douleur,et en portant ta main à ta cheville,force t'est de constater que rien ne semble gonflé,bosselé ou même ; bien qu'improbable vu le bruit,éraflé.
C'est le talon de ta chaussure qui vient de s'arracher.
Pour ce qui est de la suite,un poète la formulerait certainement de la sorte :

Et là,ô grand désespoir
Le bus jaune démarre
La jeune femme jurant,
Des imprécations proférant

🚌🚌🚌

Tu passes l'immense grille toujours ouverte de ton lycée,en pleurs.
Les deux première heures de cette journée de rêve te sont passées sous le nez,et,pour parfaire la situation,ton escarpin littéralement arraché te donne une allure de boiteuse.
Les autres élèves de ta classe viennent à peine de sortir pour la récréation de dix heures.
Tu rejoins tes deux meilleures amies en traînant les pieds.
Seulement,il pleuvine,et le sol en béton,à présent humide,devient traître.
À mi-chemin,tu trébuches,et tombe tête la première dans une flaque monumentale vu la quantité de précipitations très faible.
Tu te redresses précipitamment à quatre pattes en toussant,presque suffocante,espérant que ta chute n'a été remarquée par personne.
Mais,lorsque des éclats de rire s'élèvent tout autour de toi,tu comprends ta grossière erreur.
Alors que tes amies s'apprêtent à venir t'aider,fusillant le groupe hilare du regard,des talons aiguilles claquent près de toi,et les gloussements et autres moqueries cessent instantanément.
Tu ne lèves même pas les yeux vers ta providentielle sauveuse afin de connaître son identité.
Tu en as déjà connaissance.
Effectivement,c'est bien la tendre voix de Lana qui retentit.
Enfin...tendre,pas tout à fait pour l'instant.
Plutôt suavement venimeuse,le genre où l'on ne comprend avoir inoculé un poison mortel qu'au moment où notre cœur s'arrête subitement.
-Eh bien,mes chères étudiantes...
Non,Vancliff,n'espérez pas que je dise « et étudiants »,je suis féministe,vous le savez.
Lana,en vouvoyant le jeune homme,vient de donner le ton.
Elle adopte uniquement cette manière de fonctionner lorsqu'elle se met à réprimander et à devenir sarcastique et cassante.
Celle étant venue à ton secours poursuit :-Et il faut bien dire que votre visage pullulant d'acné et votre caractère de cochon me font plus penser à une calculatrice vindicative qu'à un beau et gentil jeune homme.
Je disais donc...est-il correct de rire d'une camarade à terre ?
-Non,madame...murmurent respectueusement en chœur les personnes concernées.
-Pourquoi le faire,dans ce cas ?
O'Jain,une idée ? Ah,non,elle est trop occupée à pleurer.Pourquoi,encore ? McHerty,vous qui êtes sa meilleure amie,éclairez nous !
-Elle s'est retournée un faux ongle,madame Parrilla...
-Quel malheur ! Barbie s'est blessée et ne sera plus assez parfaite pour plaire à Ken.Lui qui ne la remarque même pas,d'ailleurs.Comme si elle était transparente.Quel et le nom de ce bellâtre,déjà ? Ah oui,c'est un élève de mademoiselle Kees ! Jonathan Smurfitt,exact ?
La précédemment interpellée Ally O'Jain cesse de sangloter et vire brutalement au rouge pivoine en entendant son enseignante mentonnier le nom de l'élu de son cœur.
Puis elle fond à nouveau en larmes,car Lana a visé juste.
Sur cinq ans de scolarité commune,c'est à peine si le séduisant Jonathan lui a adressé deux phrases.
La brune,excédée,lève les yeux ciel avec un immense soupir et interpelle à nouveau celle se tenant aux côtés de la blonde platine :-McHerty,Seigneur Dieu,calmez-moi cette poupée superficielle et surfaite qui vous sert d'amie !
Cette remarque est bien plus cassante et moins tournée à l'humour que la précédente.
L'interpellée ouvre des yeux ronds en entendant Ally se faire ridiculiser de la sorte.
Elle ne proteste toutefois pas.
Les yeux ardents de la Lana,rivés aux siens,viennent ; en plus de sa réplique,de trahir sa colère,jusque là dissimulée à un niveau presque sournois.
Vous savez tous qu'il ne faut pas la défier en constatant qu'elle est énervée.
Sinon,ce n'est plus à un être humain que vous avez à faire,mais à un cyclone.
Lana prend une profonde inspiration,se poste face à toi et,te tendant la main,murmure,avec tellement de tendresse et de délicatesse que tu écarquilles les yeux,stupéfaite
:-Viens,ma chérie,suis-moi.
Tu saisis la main offerte et la brune t'aide à te redresser.
Tes deux comparses font un pas pour venir à tes côtés et te suivre là où l'enseignante veut t'emmener.
Cette-dernière les arrête d'un geste.
-Julie,tu es adorable de vouloir venir.
Toi aussi,Anaïs.Mais j'apprécierais pouvoir parler à Megane seule à seule.
Les deux filles se concertent du regard quelques secondes,puis hochent la tête,répondant simultanément :
-D'accord.On t'attendra ici,alors Meg'.Ou devant la classe si vous parlez plus longtemps.
Tu leur adresses un sourire en acquiesçant,puis t'en va à la suite de Lana.
La femme marche d'un pas rapide,sans un regard en arrière.
Vu son comportement plutôt encourageant de tout-à-l'heure avec toi,tu tentes une manœuvre à hauts risques : accélérant pour parvenir à sa hauteur,tu saisis ses doigts et les entrelaces aux tiens.
La brune se crispe légèrement durant quelques secondes,ne se stoppant par pour la cause.
Elle finit toutefois par se détendre et ne te repousse guère,à ton plus grand bonheur.
L'enseignante t'emmène devant son bureau.
Elle rompt le contact,provoquant une presque imperceptible moue de ta part.
Une fois la porte ouverte,tu entres,et celle t'accompagnant la referme derrière toi.
En entendant la clé tourner,un bref sourire satisfait se peint sur tes lèvres.
«C'est le moment parfait ! Personne ne peut vous déranger,maintenant ! »
Ta conscience vient de faire son retour en force.
Et tu dois bien avouer que...
Sans réfléchir,tu te tournes vers Lana,l'attrape par le col et l'embrasse.
Ta professeure te repousse plutôt brutalement,te donnant le ressenti moral d'un coup de poing en plein estomac.
-Megane ! Par Macbeth,Roméo et Juliette et Notre Dame de Paris ! Aurais-tu perdu la raison ?!
-Non,je vais très bien ! Je...je...c'est seulement que...je t'aime,Lana ! lâches-tu,te permettant de lui dire « tu » et de l'appeler par son prénom sans trop savoir pourquoi.
Ton interlocutrice,choquée et en colère,réplique sèchement :
-Un : je ne t'ai pas permis,je ne te permets pas et je ne te permettrai jamais de me tutoyer.
Deux : ce que tu viens de faire aurait pu occasionner mon renvoi si on nous avait surprises et dénoncées.
Trois ; et là ouvre bien grand tes oreilles : Je n'éprouve aucun sentiment amoureux pour toi.
Est-ce bien clair ?
Devant ses yeux,devenus durs et froids et lançant des éclairs,tu fonds en larmes,telle une petite fille que l'on réprimande.
-Ah non ! Tu ne vas tout de même pas faire ce coup-là !
Arrête immédiatement de pleurer comme une madeleine,je ne suis pas d'humeur !
Elle prend une grande inspiration et se passe une main sur le visage.
-Bon,reprend plus calmement Lana,oublions tout ça,veux-tu ? Ça ne doit certainement être qu'une idée saugrenue dûe à la fatigue.Ou même un pari,qui sait.Je ne suis pas une petite souris qui se faufile dans le réfectoire ou dans vos chambres lors de vos soirées pyjamas afin d'entendre vos conversations et petites confidences.
La brune rit brièvement de sa tentative dans le but de détendre l'atmosphère qui n'a fonctionné ni pour l'une,ni pour l'autre.
Mais ses gloussements,presque factices,demeurent crispés.
Ta désormais briseuse de coeur attitrée déverrouile le panneau et l'ouvre en grand,t'invitant d'un geste à sortir.
-À dans cinq minutes en classe,Megane ! lance-t-elle comme si de rien n'était,tandis que tu sors et t'éloignes en essuyant tes yeux d'un mouchoir sorti de ta poche.
À peine hors de sa vue,tu te mets à courir.Tout,sauf devoir souffrir en la regardant durant encore cinq heures.
Ta vitesse tellement élevée que tu as l'impression d'être devenue subitement une voiture de course,tu prends la fuite dans les rues aux alentours de l'établissement scolaire.Essoufflée après quelques minutes d'avoir dû courir sur la pointe des pieds à cause de tes mêmes chaussures en piteux état,tu te stoppes dans une petite ruelle.Il faut dire que ta blouse et ton pantalon cintrés à l'extrême ont,eu aussi,augmenté la difficulté de l'effort.
T'adossant à une façade toute proche,tu te plies en deux en toussant,la gorge en feu.
Mais ce mal-là n'est pas bien grand à côté de celui qui daigne guère te lâcher.
Ton myocarde est traversé par une profonde plaie à vif,et chaque pensée a la responsable de cette blessure ne fait qu'en accentuer l'atroce douleur.

Cursed | Imagines OUATOù les histoires vivent. Découvrez maintenant