Le voleur a volé le voleur, et Dieu sourit.
Proverbe GéorgienJ'attendais lentement la nuit ; ayant eu peu de temps avant, la brillante idée que d'aller m'expliquer avec Morgan. Enfin, m'expliquer était un bien petit mot, surtout si j'avais su ce qui m'attendait. Être plus direct pouvait-il m'aider ? Je n'avais pas vraiment d'autre option que d'essayer. Je ne devais pas non plus le brusquer, je me rappelais qu'il était tout de même "la plus puissance créature" des noirceurs, et que je ne savais pas ce dont il était capable, alors mieux valait pour moi que je le brosse dans le sens du poil.
Je finissais par ouvrir ma fenêtre, bien soulée d'attendre. Je passais mon corps à l'extérieur de la maison avec prudence, et descendais comme à mon habitude la façade. Je commençais cette fois-ci une marche en sachant réellement quelle était ma destination, littéralement. Intérieurement, je ne savais même pas s'il acquiescerait à mes soifs de savoir. Je m'amusais à comparer les deux situations.
Je connaissais si bien ce chemin à présent, que je me perdis même dans mes pensées alors que je choisissais les bons chemins, entrant dans les larges sentiers de neige qui se divisaient. Je passais les étapes de ce voyage, qui petit à petit, plus mes pas devenaient nombreux, me faisait redouter l'échec.
Voilà qu'après cette sombre idée je relevais les yeux vers le bois poncé de sa porte. Qu'importe s'il refusait, c'était inévitable. Je tendis mon poing, hésitante, collant mes phalanges à l'entrée et cherchais mes mots.
- Morgan ? C'est Elisa, toquais-je.
Alors même que je terminais ma phrase, toquer contre la porte l'ouvrit légèrement, laissant présager qu'elle n'était pas fermée, par oubli.
Je me permis alors d'empoigner la poignée, et ouvrit plus grandement la porte, ne songeant pas qu'il puisse me reprocher quoique ce soit. Après tout, c'était lui qui avait fait la faute d'oublier de la fermer. Oui, c'était réellement une excuse stupide, mais au moins, j'aurais pu lui dire que je le cherchais en pensant qu'il ne m'avait peut-être pas entendue.- Morgan ?
J'entrais dans la petite pièce sombre, mais aucune voix ne me répondît, et personne ne vint à moi, même la cheminée était éteinte.
Rapidement, je finis par déduire seule qu'il n'était pas présent dans la maison, scénario que je n'avais pas vraiment envisagé, mais sûrement que j'aurais dû espérer. Seigneur, devais-je oublier mes craintes et brosser le poil dans le sens inverse ? Quitte à ce quelles se concrétisent ?Je parcourus alors la pièce, et vint m'approcher des étagères d'objets, espérant y voir quelque chose sortir du lot ou qui attiserait mon œil, et qui pourrait me servir à autre chose qu'à voir du sang briller ou noircir.
Je passais sans m'en rendre compte à une étagère de livres montée en fines barres métalliques, sur plusieurs étages, dans l'angle du mur. Il y avait des romans tels que Paul et Virginie, et Fort comme la mort, des livres qui par leur état, m'interrogea sur leur date d'achat. Morgan les avait-il acheté aux époques de parution ?
Je bloquais sur l'un d'entre eux en particulier, car il attira mon regard. Il était plus grand, et plus épais. Ses commissures étaient cousues avec un fin fil noir, qui s'associait parfaitement avec la couleur sombre des faces.Je le fis alors glisser entre les livres voisins, et le porta à mes yeux.
[Le Monde Des Noirceurs]
Voilà un titre évocateur, qui décrivait à la perfection le sujet de mes recherches. Je l'ouvris un instant, et y vis en aperçu des dizaines de schémas et de textes, qui semblaient pouvoir m'en apprendre beaucoup. Peut-être sans mensonge et sans doute ? C'était une chance !J'étais décidé. Je mis le livre sous mon bras, et alors que je m'apprêtais à faire demi-tour pour quitter la maison, mes yeux croisèrent une beauté familière dans le coin de la tablette. Le disque d'or.
Sans hésiter, je l'attrapais entre mes doigts sur l'étagère haute, le mis dans ma poche, et me dirigeait rapidement vers la sortie de la petite maison.Je sentais moi-même que mon visage était déformé par le stress. Je n'avais maintenant aucune envie de croiser Morgan, et pourtant il pouvait sortir de nulle part à tout moment, cette forêt était son lieu.
Je redoublais la vitesse de ma marche, et me maudissais de me poser autant de questions, je m'inquiétais toute seule. Je savais courir, non ? Mes jambes étaient jeunes ? En bonne santé ? Alors je m'en sortirais.Une fois ma maison en vue entre les branchages, je fus quelque peu soulagée, et calma ma marche. Ce que je n'aurais pas dû faire, après mûre réflexion, quand je vis du coin de l'œil, Morgan qui cueillait dans les sapins avec un panier en osier à la main.
Un coup d'adrénaline me fit me coller contre un arbre, et je fus grossièrement cachée derrière son bois étouffé par le lichen. Je penchais un peu la tête pour voir où il était, et le vis. Il paraissait ignorant de ma présence, dans une certaine quiétude, et tant mieux. Il cueillait je ne sais quelle chose qui pouvait lui servir, étant donné que nous étions en hiver. La distance ne me permettait pas de le distinguer. Peut-être des pommes de pin.
Je sortais de ma cachette, à pas lent et le plus discrètement possible. Le regard crispé, je m'écartais du chemin principal, pour venir m'éloigner dans la verdure blanchie où il ne pourrait pas me voir. J'avais les pires idées du monde. Les pires.
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Gardien de lune - Le disque d'or
ParanormalSi Elisa admire la Lune de nombreuses nuits, c'est uniquement pour se "perdre" loin dans ses pensées. C'est le pire des garde-mangers de l'ennui, dit-elle. Et elle rêve d'une vie moins difficile, plus libre. Un jour elle fera une erreur, une erreur...