Chapitre 32 : Sans croyance

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On ne doit pas avaler plus de croyance qu'on ne peut en digérer.
Henry Havelock Ellis

Je n'avais rien à faire, rien à dire, rien à émettre, je restais recroquevillée au fond de ma cage, les yeux dans le vide. Pourquoi avais-je cru que ça serait si facile ? J'aurais dû écouter ma mère, et ne pas faire confiance, j'aurais dû faire chemin solitaire et m'en serais sorti sans problème. Le sac-à-dos d'un Silenpantrique est sacrément lourd à porter ! La naïveté est un rude poids dans une aventure.

J'entendais depuis l'endroit où je me trouvais les voix des femmes qui discutaient, les cris des enfants qui s'amusaient ensemble, et même les rires des hommes qui plaisantaient debout face au feu. C'était une torture d'être ainsi prisonnière, à l'écoute de tant de satisfaction ; elle en devenait moqueuse. J'avais tant eu de haine au début de mon séjour ici, que je n'avais plus que du désespoir. Je voyais déjà mon destin et mon devoir, périr dans le temps où les noirceurs feraient fumer mes espoirs. Qui plus est, je ne savais pas plus à ce moment de solitude, la raison exacte de ce kidnapping, de cette captivité. Ni non plus, qui me retenait ? Quelle association de personnes ?

- Que cela doit être dur, entendais-je une voix criarde me chuchoter.

Je tournais légèrement mon corps, et voyais un vieil homme, maigre, au visage attaqué par des rides profondes, marcher à terre sur ses pattes arrières et avant comme un animal. Ses genoux étaient anormalement retournés, faisant de ses jambes des membres inversés qui ne lui permettaient que de marcher ainsi. Ses lèvres étaient retroussées jusqu'à avoir disparus, et ses vieilles dents dissoutes en devenaient affreusement apparentes.

- Qu'en savez-vous ? répondais-je désintéressée.

- Voilà un bon bout de temps que vous êtes assise là, cela doit être inconfortable, et ses enfants qui rient tout autour de vous, hihi, Dieu, abrégez ses souffrances, rigolait-il d'un rire aigrement aigu. Ce vieillard était plus que désagréable, ne pouvait-il pas embêter autrui ?! Je n'étais pas une proie adéquate à ce genre de mal. Quoique, pour lui peut-être.

- Que voulez-vous ? lui demandais-je grave.

- Rien de bien important, voyez-vous, il se pourrait que je sache miraculeusement comment vous libérer.

Je me redressais plus intriguée, maintenant mon flanc appuyé contre la cage, je penchais la tête pour lui montrer ma curiosité, qui était plus une pulsion d'espoir qu'autre chose.

- Attention, attention, souriait-il en élevant son doigt devant son visage. Rien ne s'obtient sans échange.

- Que voulez-vous ?

- Il y a bien une chose, qui pourrait m'intéresser, m'indiquait-il en pointant mon portable sortant discrètement d'une poche isolée de ma veste kaki.

- Pourquoi voulez-vous mon portable ? me méfiais-je.

- Ce genre de chose n'est pas commune ici, ça se vend à bon prix, souriait-il toujours plus mesquin, frottant son index et son pouce entre eux.

- Je ne peux pas.

- Pourquoi donc ? Ne préférez-vous pas la liberté ? me questionnait-il comme s'il était agressé.

- Sans mon portable, je ne pourrais plus avoir de contact avec ma mère.

- Tant pis pour vous, c'était votre seule chance.

Je le regardais partir, et se faufiler dans des buissons épais en poussant sur ses jambes arrières désarticulées. Je ne savais pas si ma décision était bonne, mais je ne pouvais pas abandonner ma seule chance de communiquer avec ma mère. Qui plus est, dans la coque de mon portable, il y avait des poches pour les cartes, où s'y trouvait ma carte bleue. Si je donnais mon portable, j'aurais perdu rapidement ma carte, maladroite que j'étais.

- Elisa ? m'appelait une voix intéressante.

Je relevais les yeux vers Modal, qui marchait avec un faux sourire, avant de s'accroupir devant ma cage, la mine plus compatissante que la première fois.

- Ne prend pas ça comme un acte de barbarie, tu sais, nous voulons juste sauver ce qu'il y a de nous.

- De vous ? Mais vous êtes quoi ? Une tribu ? avais-je demandé avide de compréhension, presque agressivement. Voilà qu'en mesure d'avoir des réponses je redevenais fougueuse en question.

- Non, nous sommes ce que bien des gens nomment "la résistance d'argent" ou "le peuple d'affranchis", disons qu'on s'oppose aux lumières comme aux noirceurs.

- Alors vous allez m'empêcher de détruire la majorité des noirceurs, juste parce que vous croyez être les meilleurs ?! m'énervais-je.

- Détruire la majorité des noirceurs ? me demandait-il confus, fronçant les sourcils, l'air en bouillonnante réflexion sur mes dires. Puis soudain, il éclata de rire, s'appuyant sur son fourreau calé de force sur le sol.

- Parfaitement, cesse de rire, ça n'a rien de drôle, fumais-je de colère. C'était lui à ce moment qui me paraissait fortement ignorant. Car il me retenait ici, et en plus, il ne se rendait pas compte ce qu'il m'empêchait de faire.

- Alala, pauvre enfant.

Gardien de lune - Le disque d'or Où les histoires vivent. Découvrez maintenant