La porte s'ouvre.
Trois gardes entrent, sur les nerfs, poussant devant eux six jeunes filles. Dix-sept ans, pas plus. Neuf pour l'une d'elles. Un chevalier les suit, tête baissée, pour ne pas que les traits de son visage n'altèrent l'humeur de son roi. Dix personnes, rien que pour moi. Les deux battants sont lourdement refermés de l'extérieur.
-Esclave! le hèlé-je. Apporte-moi encore de l'huile. Et toi, garde, va-t-en. Etre quatre pour escorter ces femmes, c'est de la lâcheté.
Je me lève en attendant le petit homme; j'aperçois la mine terrifiée de quatre des femmes. Trois pour les flammes, je pense, et l'autre, c'est moi qui l'effraie. Ma main se glisse et ressort en une fraction de seconde d'une petite fente située à l'intérieur même de mon trône. J'avance, la lueur des feux se reflète sur ma lame. Le guerrier lève la tête; lui non plus n'a pas compris d'où j'avais sorti ce poignard. La plus petite enfant est toujours terrorisée. Je m'approche d'elle.
Lentement.
Elle tremble.
Lorsque je m'arrête, seuls quelques centimètres nous séparent. Elle lève un regard empreint de peine vers moi, je la regarde dans le blanc des yeux, elle gémit, souffle, souffre. Pour mon amie. Pour mon alliée.
-Pour la mort.
Parce qu'elle aime savoir ses offrandes terrifiées. Mon couteau se pose, glisse, coupe, le sang s'écoule, son corps s'effondre. J'ai été lent, trop lent. Mon regard se dirige vers une autre femme, plus large, l'air supérieur et trop sûre d'elle. Je glisse mon couteau dans mon dos, m'avance, la juge. Faussement méprisante, elle me fixe de haut; mes doigts s'enroulent autour de sa nuque, mes pouces reviennent sur son cou. Sa respiration se fait déjà plus difficile. Je serre, mes mains se touchent, elle commence à suffoquer. Ses bras montent par réflexe pour arracher les miens de sa gorge, mais mes deux auriculaires descendent sur des points de pression et elle se met à hurler.
-Pour le peuple.
Bientôt, plus aucun son ne sort de sa bouche. Elle ne respire plus, elle ne vit plus. Elle est morte. Simplement. Comme la précédente. Je contemple un moment les quatres restantes. L'une se retourne brusquement et part en courant, heurtant par mégarde le guerrier qui la frappe si fort qu'elle décolle et s'étale par terre. Il avait baissé la tête à nouveau, un détail qui m'avait échappé. La femme se relève, tremblante, n'ose pas me regarder dans les yeux.
Je ressors mon poignard.
J'ai fait preuve d'imagination en préparant cette scène. Planter une lame dans une artère, c'est trop simple. Déjà fait. Je prends son poignet avec douceur, comme si c'était la chose la plus délicate du monde, et entaille l'une de ses veines. Deux gouttes de sang s'échappent, pas plus, mais elle retire sa main comme si je l'avais brûlée. Elle recule, titube, recule. Puis commencent les cris. Des cris de douleur, des cris de haine, les cris que provoque le poison.
Plus que trois.
Je tends la main au moment où le petit homme arrive. Il est chargé d'huile, une huile jaunâtre qui bout et me réchauffe.
C'est pour la plus belle.
Celle que j'aurais tant voulu garder.
-Pour celui que je crains.
Et je verse l'huile sur son corps.
Me désintéressant de la scène, je retourne tranquillement sur mon siège.
-Amenez les deux autres dans ma chambre, et qu'elles m'y attendent.
Les deux gardes obéissent sans commentaire, comme à leur habitude, et mon esclave s'empresse de nettoyer. Je jette un œil au guerrier, toujours immobile.
-Viens, approche-toi. Je ne te ferai pas de mal.
Il s'avance, mais hésita avant.
-Ne t'en fais pas. Je n'avais pas promis à ces filles perdues que je ne les tuerais pas. Relève la tête, guerrier; tu sembles fort et loyal.
Il s'exécute, je ne pourrais déterminer ses émotions.
-Va dans la salle des gardes, prends-y ce que tu veux et retourne voir Ene après, fais-je en désignant le petit homme. Pas la peine de retenir son nom, "esclave" lui va très bien. Il te donnera une bourse. Je suis sûr que nous nous entendrons bien, à l'avenir.
Il sourit, d'un sourire qui a l'air vrai.
-J'en suis sûr également.
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Lutte des Dieux
ActionBonjour à toi, dieu ou déesse. Ils se battront. Ils se batteront pour toi. Pour vous tous. Ils? Eux. Eux qui veulent obtenir les faveurs de leurs dieux. Mais malgré tout, il existe une règle, une seule règle pour eux: "tous les coups sont permis".