#24: Dhazka

13 5 38
                                    

NDA: je n'ai pas posté depuis longtemps alors je vais vous faire un résumé des chapitres précédents. Un bûcher a été créé afin de brûler Shido (au pouvoir étrange de visions en touchant le feu ou la glace), le champion de swan384 (déesse du vent, de l'air, de la tempête). Afin de le remplacer, vous avez dû voter pour de nouveaux personnages. Deux sont arrivés à égalité: celui dont la carte portait des écailles, Dhazka, et celui dont personne n'a pu trouver la carte.

.

Accrochée à l'écorce d'un chêne, j'entendais et j'attendais. Mes pattes tenaient bon. Je finis par apercevoir la raison du silence des pies nichées dans les arbres. Il s'agissait d'un simple groupe d'éclaireurs. Rapides, certes, autant que des lionnes à la chasse, mais ils ne produisaient presqu'aucun bruit en se déplaçant. Je ne fus pas remarquée - qui prêterait attention à un lézard? - et je fis une brève prière, au seul dieu qui puisse exister; en y repensant, le polythéisme m'a toujours semblé... irrationnel.

Le vent de leur course ne me fait même pas vaciller. C'est bien l'avantage d'être un reptile si petit: on peut s'accrocher partout sans craindre de tomber. Enfin, l'inconvénient, c'est la vue. On change totalement d'échelle par rapport à l'humanité, ça en devient effrayant tellement c'est flagrant. Ah, si seulement j'avais pris une autre forme, j'aurais pu mieux les voir... Dire que j'ai trois corps de tailles presque égales, et il a fallu que ce soit le quatrième...

Mais j'en suis sûre, ils avaient muté, et ils puaient la magie à plein nez - pas le noble Don, non, mais des pouvoirs typiques de ce monde. J'aurais voulu les identifier, mais ça m'est impossible.

Leurs physiques... Mes yeux ne m'ont pas été d'une grande aide à cette vitesse. Ils mesuraient de la taille d'un gros chat à celle d'un homme géant, certains avaient des poils, d'autres des écailles - je reconnaîtrais leurs reflets entre mille -, d'autres encore de la peau ou une carapace. Ils étaient armés, oui, pour la guerre, sans aucun doute. Une petite patrouille, pour cerner les ennemis et tuer les aventureux, équipée pour passer avant deux autres vagues, de plus en plus grosses, si le plan était bien réfléchi: une troupe d'assaut et la dernière pour écraser, anéantir, marcher sur la ville. Chaque lieu nécessite une tactique, et voici la bonne pour cet endroit.

L'ennemi devait donc posséder des espions, et les posséder encore. Un adversaire ingénieux et riche. Un voisin, qui se trouve juste derrière la frontière, à quelques kilomètres, dans la direction vers laquelle mes petits yeux fureteurs se tournent.

Il n'y a qu'un empire.

Ces soldats portaient l'emblème de Khron.

.

Une personne seule ne peut sauver une ville, surtout pas moi. Certes, j'y ai étudié les points faibles et les points forts, les stratégies d'attaque et de défense, comme dans toute ville où je passe un peu de mon temps; mais je n'y connaît personne. La police et la militarisation, voici ce que je sais; mais en quelques jours, je n'ai pas encore pu y observer la criminalité ni l'avancée de la technologie - mes deux autres intérêts. En revanche, j'ai observé qu'aucune magie n'y était, à croire que cette ville n'en avait entendu parler que dans des comptes de fées; et c'était le cas, vu comme ils riaient aux nez des voyageurs.

Alors, encore une fois, je suis arrivée après que la troisième vague ait marché sur la cité. La plupart des bâtiments ont été préservés, et j'ai regardé la bataille se dérouler sous mes yeux inaccusables de lézard. Les Khroniens avaient fini les habitants avec simplicité. Certains avaient fait parler leurs victimes par des moyens très variés; les survivants les plus prometteurs, certains physiquement, d'autres psychologiquement, et qu'ils aient été interrogés ou non, avaient été enfermés dans des cellules.

Un bruit de chute stoppée net attise mon attention sur ma droite. Je suis loin dans la ville maintenant, et je pense pouvoir m'infiltrer partout sans me faire remarquer.

Je finis par arriver dans une petite bâtisse recouverte de bois, mais en réalité construite de béton - matériau que je n'ai jamais vu auparavant dans ce monde trop reculé. Quelques planches et poutres de bois pourri sont fixées à l'intérieur, et je m'y cache aux yeux des gardes Khroniens. Ces derniers se feraient un plaisir de réduire en charpie une espionne comme moi, mais ce n'est pas dans mes plans.

Au fond, se tient un homme. Ses mains empoignent deux des barreaux qui le retiennent. Sa cellule semble renforcée de tous les côtés. La bâtisse est divisée en deux de l'intérieur, et il est du mauvais côté.

Vers les gardes, une déclaration placardée au mur explique clairement qu'ici doit se trouver le criminel le plus recherché de la région - qui, d'après la carte, est entièrement coupée du reste du royaume de Tnémévys II.

Tapie dans l'ombre, je tourne encore une fois mon regard vers l'homme. Silencieux comme la neige, plus discret qu'un chat. Il a ouvert une trappe de l'autre côté et saisi un objet. Quoi? Je ne sais pas. Il a été plus rapide qu'une lionne à la chasse. Et désormais, il va sortir.

Je ne peux m'empêcher de fixer ses yeux d'un bleu non pas immaculé, au contraire, mais empreints d'un millier de défauts se fondant dans la masse. Et pourtant, malgré son regard empreint de rage et de haine, sa couleur est envoûtante. Ses courts cheveux roux sont vaguement lissés en arrière, et son visage est couvert de cicatrices fraîches - quelques jours tout au plus - et de sang séché. Sans nul doute, il s'est battu, et il a fini par se faire envoyer dans cette cellule.

En observant mieux les marques, je pense que ses agresseurs étaient plutôt lourdauds. Lui, au contraire, paraît musclé mais pas trop, surtout léger et habile; plus que tout, il semble danser sur ce que j'appelle l'équilibre, un équilibre qu'on ne retrouve que dans la nature, celui que seuls des animaux dont la vie se fait rude peuvent atteindre; l'équilibre sauvage.

Il est sauvage mais pourtant il est jeune.

Il va sortir.

C'est une certitude.

Il ne l'exprime pas par les mots, non, mais à cette déclaration les gardes se tournent vers lui. Tant de rage, tant de douleur, tant de haine, tant de fureur, et pourtant son corps reste calme, son visage impassible. Les cinq Khroniens s'avancent et le premier s'effondre brusquement à terre.

Une petite flaque de sang commence à se former sous son ventre, mais la vie l'a quitté. Au fond de moi, quelque chose me souffle qu'il n'était pas humain, et c'est vrai: aucun soldat de Khron n'échappe à la mutation.

Le cadavre d'homme-félin est peut-être mort d'une fléchette. Mes sens de lézard ne peuvent rien m'affirmer de si précis.

-C'était qu'un apprenti, ricane nerveusement un garde. Montre-nous comment tu te bats contre nous, faiblard.

La clef tourne dans la serrure et il entre, aussitôt suivi par un deuxième Khronien.

Vous allez mourir.

Sa voix grave résonnera encore longtemps dans mon esprit, telle des mots tracés par un fer rouge dans mon âme.

La suite se déroule dans la fluidité et la victoire pour le prisonnier.

Mais il est des massacres qu'il vaut mieux ne pas conter.

Lutte des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant