Chapitre 3 : La rencontre

11 1 0
                                    

Candice se tenait à l'entrée du temple, saluant chaque fidèle qui quittait l'édifice après avoir assisté à sa cérémonie. Depuis la disparition de son père, il y a trois ans, elle avait pris le relai pour leurs directions. Cela lui avait permis de se rapprocher des villageois avec qui elle conversait maintenant régulièrement. Tenant une liasse de parchemins dans les mains, Candice attendait que le boulanger du village sorte à son tour pour les lui remettre. L'homme bourru la remercia d'un simple mouvement de tête.

L'enfant des flammes gérait maintenant à elle seule les demandes des habitants deCorseiten écrits. Ce jour-là, elle parvint juste avant le début de la cérémonie à terminer une proposition de contrat de livraison de pain, que le boulanger souhaitait faire parvenir aux quelques marchands itinérants traversant la région. Ces derniers, venant le plus souvent pour les armes et armures crées par le village, pourraient vendre son pain dans la région afin de lui permettre de gagner en renommée et ainsi augmenter sa clientèle. Étant illettrée, il pouvait s'assurer avec l'aide de Candice que les ventes se feraient selon ses propres conditions.

— Vous prendrez bien le temps de réfléchir de ce que nous avons discuté à la fin du sermon ? Tenta Candice à l'homme qui s'emparait des documents.

— Ce sera difficile, Ô Enfant des flammes; répondit le boulanger sans même la regarder. J'ai besoin du gamin au pétrin, acheva-t-il en s'éloignant de l'entrée du temple.

"Lui non plus, alors..." Pensa Candice sans retenir ses soupirs. Depuis plusieurs mois, l'Enfant des Flammes demandait à ses fidèles de soulager leurs enfants des tâches qu'ils leur imposaient. Elle se proposait de créer une école à Corseit au saint même de son temple, afin que les petits nobles du château ne soient pas les seuls à apprendre à lire et à écrire. Néanmoins, ses efforts restaient vains, aucun parent n'était enclin à laisser partir une main d'œuvre gratuite pour son commerce.

Candice espérait que ses compétences de scribes ne soient plus mises aussi souvent à contribution. Non pas qu'elle trouvait inconvenant de passer quelques nuits blanches à accomplir les requêtes de ses paroissiens. Au contraire, elle trouvait gratifiant en tant que servante de Cyvid de reprendre le flambeau de son père. L'avenir du village la tracassait. Elle ne voyait que des avantages à ce que le fils du boulanger soit capable de gérer des contrats ou des achats tout seul. En reprenant l'affaire familiale dans une quinzaine d'années, il aurait ainsi toutes les cartes en main pour la développer.

Malheureusement, les fidèles ne pensaient pas au long terme. Se priver de son enfant, même le temps d'une matinée, était un manque à gagner net pour la famille. Des rumeurs circulaient déjà sur Candice, comme quoi elle voudrait en réalité se la couler douce en déléguant le travail qui lui était demandé à des enfants qui n'étaient pas les siens.

— Ces gens ne se rendent pas compte de l'opportunité qu'ils ratent par leur bêtise, Candice. Cesse de t'obstiner à changer les choses.

La voix tranchante appartenait à la dernière personne présente dans la bâtisse. Une femme habillée de la tenue desservantes du château. Encore assise sur un banc du temple, elle se penchait en arrière pour parler à l'Enfant des flammes. Elle était la seule personne à Corseit qui appelait par son prénom. Larishaapprochait maintenant de la vingtaine d'années, mais n'était pas encore mariée malgré son âge.Depuis le dernier printemps, la fille de forgeron s'était muée en une travailleuse acharnée pour le Seigneur Pajot, et usait de ses talents pour traiter toute sorte tâches administratives, comblant le vide laissé par Astaro.

— Lire, écrire, compter, reprit la femme aux longs cheveux blonds attachés en une simple tresse. Cela m'a permis d'entrer au château sans avoir à devenir la boniche d'un quelconque haut placé, et j'ai l'œil sur les affaires les plus importantes de Corseit ! J'ai de très nombreuses occasions de rencontrer Pajot en personne.Tes fidèles ne sont pas capables de voir plus loin qu'un mineur au fond d'une galerie, s'ils ne le comprennent pas.

L'éternelle flammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant