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Alors que j'étais dans le bus, de retour vers ma maison, je reçus un texto de mon père :

« Bonsoir Mélody. J'ai vu dans le journal ce matin qu'un accident de voiture s'était produit hier et que la victime était ton grand-père. Je ne sais pas si tu étais déjà au courant ? Je te présente toutes mes condoléances à toi et ton frère malgré le fait que vous ne le voyiez plus. À bientôt. PS : Denise va très bien et selon la dernière échographie, le bébé se porte à merveille ! »

Oui Papa. Oui je suis au courant.

***

Je fus surprise en découvrant Dorian déjà à la maison affalé devant le canapé. Lui qui d'habitude ne rentre pas avant deux bonnes heures.

Évidemment, ce n'est pas nécessaire de préciser qu'il ne m'a pas adressé ni un regard ni un mot lorsque je suis arrivée dans la pièce. Peu importe, j'allais lui parler et il ne pourra pas y couper.

À peine je m'asseyais sur le canapé qu'il se leva d'un bond. Je l'attrapa par la manche de son sweat et le força à me regarder.

- Lâche-moi.

- Faut bien qu'on parle, tu peux pas m'ignorer jusqu'à la fin des temps. Tu veux qu'on finisse comme Maman et l'oncle qu'on ne connaît même pas ?

Il détourna le regard, semblant peser le pour et le contre puis, entreprit de se rasseoir à mes côtés.

- Je te comprends plus Mél', c'est TOI qui m'a toujours dit et promis qu'on ne se cacherais jamais rien, commença-t-il. Tu te rends compte ce que ça peut me faire ? Grand-père je l'ai connu trois ans de plus que toi. Il me manquait, plus qu'à toi.

- Tu n'en sais rien, répliquais-je d'une petite voix.

- Ah ouais ? Et bien toi non plus je pense que tu ne le savais pas étant donné que tu me l'a caché délibérément.

Sa voix était pleine de reproches et de douleur. Je détestais ça.

- Donc tu me reproches de t'avoir caché grand-père pendant quelques semaines alors que Maman l'a fait depuis des années et que tu ne lui as rien dit ?

- C'est pas parce que je dit rien que je ne pense rien, tu le sais très bien.

- Alors pourquoi moi ? C'est contre maman que tu devrais être le plus en rogne.

- Je te connais Mél', là tu es en train d'accuser Maman pour que je me détourne de toi et de ce que tu as fait. Parce que oui Mélody, tu es aussi fautive que Maman. Telle mère, telle fille on va dire, hein ? Vous êtes toutes les deux des belles menteuses.

Je baissais les yeux. Ses mots me faisaient l'effet de coups de couteau en plein cœur mais je savais que je le méritais.

- Je sais que je mérite ce que tu me dis, prononçais-je d'une petite voix.

- Bon à savoir.

Et sur ces mots il quitta le salon et gravit les marches de l'escalier, me laissant seule.

Moi qui voulais essayer de le calmer et qu'il accepte de m'adresser la parole de nouveau, je crois que c'est raté. Le point positif est que maintenant qu'il a déversé un peu ce qu'il ressentait, la situation devrait s'apaiser.

Enfin je pense.

Ne sachant plus quoi faire, je monta dans ma chambre pour écouter de la musique et essayer d'oublier. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser. Penser à grand-père. C'était comme un refrain incessant. J'avais besoin de faire quelque chose.

Instinctivement je sortis de la maison et me dirigea vers le mur. Voir la peinture inachevée faite avec grand-père n'était pas la meilleure solution pour oublier.

Mais au moins je pouvais m'auto-persuader, pour quelques minutes seulement qu'il reviendrait le lendemain pour continuer cette œuvre.

Contemplant le mur, quelques larmes silencieuses roulèrent le long de mes joues. Ne souhaitant pas rester assise à ne rien faire, je me mis à retoucher d'ancienne peinture qui auraient perdu en couleurs.

J'avais totalement perdu la notion du temps, et lorsque je regarda mon téléphone posé à quelques mètres de moi, je découvris plusieurs messages d'Adrien, envoyés il y a environ une heure.

« J'ai un problème, s'il te plaît j'aimerais qu'on se voit. Tu peux me rejoindre dans dix minutes à l'étang ? Je t'y attendrais. »

Le second disait :

« Tu m'avais dit que tu étais chez toi toute l'après-midi et que tu ne bougerais pas. Pourquoi tu ne me réponds pas ? »

Et l'avant-dernier message mettait :

« S'il te plaît, j'ai vraiment besoin de parler »

Et finalement :

« Ok j'ai compris. »

Ce dernier message datait de trente-cinq minutes.

Ni une, ni deux. Je me précipita pour escalader le mur et partit en courant jusqu'à l'étang.

Comment j'avais pu être aussi stupide d'avoir laissé mon téléphone en silencieux ?

Je m'y attendais, mais mon cœur se serra à la vision de l'étang vide de toute présence humaine.

Je m'approcha de l'arbre où Adrien m'avait réconfortée l'autre soir, et découvris un morceau de papier provenant de son carnet orange, où il avait inscrit d'une écriture tremblante :

« Je suppose que notre amitié ne fonctionnait pas dans les deux sens. »

Je dus relire son mot plusieurs fois comme si j'espérais que par miracle la phrase écrite changerait.

Le papier toujours en main, je partis m'asseoir juste sur le rebord de l'étang.

Je distingua mon reflet légèrement flou dans l'eau, puis quelques secondes plus tard je brouilla le reflet rageusement, ne pouvant plus supporter ma propre vision.

Pourquoi ? Pourquoi je ne faisais que du mal autour de moi ? Adrien méritait que je sois là.

Non, plus que ça, il méritait quelqu'un de mieux. Plus gentille que moi. Quelqu'un qui le soutiendrait et le tirerait vers le haut plutôt que quelqu'un comme moi qui essaie de l'entraîner dans ma propre chute.

Dorian aussi. Lui aussi il mérite beaucoup mieux. Mieux qu'une sale menteuse. Une meilleure sœur, qui ne lui cacherait pas ce que j'ai pu lui cacher.

Je pensais qu'à la base, le monde était contre moi. Mais, au vu de tout cela, la seule personne à blâmer, c'est moi.

Tout est ma faute. Si je n'avais pas dit à grand-père de venir cet après-midi là, il n'aurait pas perdu le contrôle de sa voiture sur la route humide. Il serait toujours là.

Si j'avais tout dit à Dorian depuis le début, il serait à mes côtés en ce moment pour surmonter cette épreuve.

Si j'avais répondu plus à Adrien plutôt que de me perdre dans mes propres pensées, il serait toujours là lui aussi.

On dit qu'on peut refaire le monde avec des « si... ».

J'aimerais refaire le mien.

Le Silence de nos sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant