3 - Le temps d'un pétale

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Il est temps. Il est temps de vous conter un miracle qui s'est déroulé à quelques mètres de mon corps malmené par l'humanité, à quelques centimètres de mes pensées vagabondant dans les rues italiennes, à quelques pas de mon cœur fêté. Il est temps de vous parler de cette fleur.

Il y a ces saisons qui défilent, qui défilent aussi vite que les années qui nous échappent, qui nous filent entre les doigts. Et à chaque Nouvel An, nous enchaînons les vœux aussi improbables que ceux qu'enfants nous susurrions sur le passage d'une étoile filante. Et ces Noëls et ces anniversaires apportent l'esquisse d'un bonheur imparfait, quelques éclats de rires, des bons repas, et des cadeaux avec un arrière goût d'amertume qui reste coincé dans la gorge le lendemain matin.

Le soleil se couche et laisse danser la lune dans le ciel au crépuscule. Il pigmente le ciel lorsqu'il revient illuminer la terre. Et les planètes tournent, les nuages fragmentent les rayons lumineux et la pluie déserte nos visages lorsque la lumière apaise notre âme.

Et le temps s'est brusquement arrêté lorsque le soleil a fredonné cette mélodie rassurante, que la lune s'est remplie sous le regard des parents figés. Et tous les autres astres ont formés l'esquisse de ton reflet dans cette infinité que représentait le ciel. Le monde a arrêter de fonctionner, le malheur s'est dilué dans un verre à moitié plein de félicités et l'océan s'est rebellé contre ces effets secondaires. L'Univers a assisté à l'éclosion d'une fleur.

Certains auraient parlé d'une rose rouge aussi passionnée qu'ensanglantée. D'autres auraient opté pour une violette au doux parfum embaumant n'importe quel cœur sur son passage. Je préfère parler d'un tournesol. Tu étais – aussi pathétique que cela puisse paraître – la fleur du visage angélique, à la couleur utopique et à la forme magique. Tu étais ce soleil qui faisait naître quelques brins d'espoir au saint des âmes damnées, ce soleil qui soufflait sur les étincelles brisant les rêves de ces individus devenus néant.

Son prénom, son âge, ou tout autre aspect physique seront étouffés par la réalité. Et puis, je n'ai jamais su son prénom ou son âge. Je ne l'ai jamais vu dénué de tous ces pétales. Elle se tenait debout, perdue dans quelques brindilles d'herbe. Ses corolles étaient emportées par un léger alizé saisonnier. Deux bouquets de pollen rejoignaient les vagues émanant de l'océan, la nuit.

Elle fixait les étoiles. Elle rêvait. Elle espérait.

Elle était le soleil de mes nuits et la lune de mes journées. Elle était cette fleur que j'arrosais aux baisers volés et aux effleurements, aux lèvres sucrées et aux pupilles bleutées, aux idylliques et aux désirs irréels.

Mais les fleurs fanent, et les humains meurent.

Alors j'ai peint cette fleur sur une toile blanche avant sa fin, et je l'ai entremêlée à un cadre photo gravé d'un cœur enivré à l'ivresse d'un amour réel. Je l'ai posée sur cette cheminée, ne se réveillant plus que lorsque la neige s'écroule sur le béton et s'échappe des nuages. Et je la convoite aussi souvent que des endeuillés pleurent un proche enterré six pieds sous terre dans un bois formant une boîte en longueur.

Soit un jour par an incrusté dans le calendrier lunaire.

Et 364 autres jours stellaires.

~Textes.~Where stories live. Discover now