Chapitre 20 : La maison magique.

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Les mots me manquent. Réellement. C'est rare, assez pour être souligné, mais l'endroit est... Hors du temps. Fabuleux. Féerique. Magnifique et tout plein d'autres adjectifs en -ique. Laza ne s'est pas fichue de nous pour le coup, je le concède, et les cinq heures de transport qui nous séparent de Paris valent largement le coup.
Après trois heures de TGV et deux autre heures de bus pour nous perdre au fin fond de l'Ardèche, j'étais vraiment très, très sceptique. À vrai dire j'étais certaine que Laza avait prévu de nous loger dans une obscure grotte, nous obligeant à nous laver dans une rivière à l'eau douteuse, à faire pipi derrière un buisson et à nous essuyer avec des feuilles qui finiraient par nous filer des boutons à des endroits très, très désagréables du corps. Genre, en plus de devoir apprendre à sortir une note juste, à faire du feu avec deux cailloux et des herbes sèches, on auraient également dû acquérir durant ces trois mois des bases en plantes médicinales au risque d'y passer. L'émission aurait alors été rebaptisée The Celebrity School VS Wild ou une connerie dans le genre.
Mais non.
Le bus, après avoir zigzagué dans des virages improbables en pleine forêt, finit par arriver face à une haute et impressionnante grille en fer forgé noir gardée par deux colosses. Le portail s'ouvre alors lentement et dans un grincement sinistre qui me rappelle certains des films d'horreurs pourris mais marquant que j'ai trop souvent regardés pour je ne sais quelle raison. Il fait nuit dehors, donc il est difficile de  vraiment distinguer le jardin, si ce n'est sa taille impressionnante et les arbres immenses qui s'y épanouissent, par contre, l'ancestrale mas  qui trône fièrement en son centre, éclairé par des dizaines de bougies, lui, est visible. Il est étincelant, brillant de mille feux en cette nuit claire avec ses vielles pierres blanches, sa grande porte en bois brute. Chacune des fenêtres est illuminée ce qui, depuis le bus, nous permet déjà de comprendre que la maison est gigantesque et sur un étage. Je me hâte de réveiller Momo, qui dort, la tête posée sur mon épaule. Je veux sortir d'ici et visiter l'endroit. Le bus se vide tandis que mon voisin reprend à peine connaissance avec la réalité.

– On est arrivés ? marmonne-t-il d'une voix pâteuse en s'étirant.

– Oui, et je voudrais bien passer !

Il me jette un regard brumeux avant que le mas et les cris aiguës des jumelles n'attirent son attention :

– Waouh ! La baraque !

– Oui, et j'aimerais bien la voir, la baraque !

Il bouge enfin, toujours avec une lenteur désespérante et je le suis, excitée comme une puce. C'est clair que l'endroit va me changer du petit appartement que je partage avec ma famille. L'espace d'un instant j'ai presque honte. Moi je vais vivre dans un palace alors qu'ils vont continuer à galérer dans ce trou miteux. Mais ça ne dure que trois secondes. Pour une fois qu'il m'arrive quelque chose de bien je ne vais pas m'en faire pour les autres. Enfin je gagne la pelouse face à la maison et rejoins mes amis qui font face à la bâtisse. Je sais que les caméras ne loupent rien de la scène mais j'y fais abstraction. Je risque d'en voir encore beaucoup, au moins pour les trois prochains mois.

– C'est magnifique, souffle Thibault.

– On dirait une maison magique, un peu comme la dépendance du château d'Harry Potter, je souffle dans un murmure qui se perd dans la brise légère qui nous apporte mille et une odeurs plus apaisantes les unes que les autres, pour ne pas briser la quiétude des lieux.

Puis, soudain, comme si nous répondions à un signal, nous nous élançons vers la grande porte, impatients de découvrir l'intérieur. Nous nous battons un peu pour entrer et j'en profite pour glisser un vicieux coup de coude dans les côtes de cet abruti de James, et, finalement, j'arrive dans le hall d'entrée. Immense, avec un sol en parquet brut et sombre, comme un écho à son plafond, parcouru de poutres massives, des murs en briques blanches qui ouvrent sur un salon tout aussi imposant, des marches en pierres dignes d'un château, de jolies plantes, s'épanouissent dans un coin du hall pour lui donner un air moins austère. Je ne sais même pas ou donner de la tête. Je dois avoir l'air d'une gosse. Je décide de suivre Lucius qui s'est lancé à la découverte du grand salon. Assez similaire au hall, il est clair qu'il fera bon vivre ici, avec sa large cheminée (dont nous nous servirons pas étant donné que nous sommes en plein été), son canapé en cuir brun énorme, ses fauteuils gris taupe, son écran incurvé avec quelques lunettes 3D juste devant, sa table de billard, sa bibliothèque de rêve, bref un salon digne des meilleures séries télés qui ouvre sur une grande cuisine toute équipée avec une table en bous brute assez grande pour tous nous accueillir.

– Mûre, viens voir ! m'appelle Lucius qui a disparu derrière une porte près de la cheminée qui fait l'angle.

Je cours jusqu'à lui et me fige à l'entrée de la grande salle de danse. On se croirait dans Fame. Le parquet clair stratifié, les miroirs, les barres et la station Bose dernière génération.

– C'est génial, je souffle tandis que Lucius m'attrape la main pour me tirer à l'opposé de la pièce.

Il ouvre une baie vitrée qui donne sur une piscine. Une piscine. Eau turquoise et éclairée, terrasse en bois, chaises longues et parasols. C'est le rêve.

– J'espère que je suis morte et qu'il s'agit du paradis.

Lucius rigole en posant son bras sur mes épaules :

– Je crois qu'on va passer de bonnes vacances !

J'acquiesce et on décide de continuer. On contourne le cameraman qui nous colle au train et retournons dans le salon, nous croisons Momo et Roland ainsi que James mais nous décidons de ne pas nous attarder et nous précipitons dans les marches.
Nous arrivons dans un petit salon, plus cosy que le précédent avec sa carpette duveteuse, ses coussins et ses poufs. Elle dessert deux couloirs et nous hésitons, du moins jusqu'à ce que Thibault nous interpelle. Nous nous engageons donc dans le corridor de gauche :

– On est à deux par chambre, s'explique Thibault. Lili-Rose et moi sommes arrivés les premiers dans celles du bout du couloirs mais Cristal essaie de nous déloger. Lili-Rose est sur le point de la tuer si nous ne parvenons pas à la virer fissa.

Et en effet, on entend la voix de crécelle de Cristal d'ici. Je presse le pas et c'est seulement là que je me rends compte que je tiens toujours la main de Lucius, et soudainement, j'ai conscience de sa main dans la mienne, de ses doigts autour des miens, de la chaleur de sa paume contre la mienne, de la puissance de sa poigne, ferme mais douce sur ma main qui est soudainement prise de tremblements. Mais j'avoue que voir la valise de Cristal voler hors de la chambre du bout pour venir frapper sur le mur d'en face m'a un peu ramenée à la réalité. Je lâche la main de Lucius et me précipite en direction des cris :

– Merci de m'avoir gardé la place Lili-Rose ! je m'exclame en me jetant sur le lit près de la porte, tu peux partir Cristal.

– Et pourquoi ça serait à toi d'avoir cette chambre, gros cul ?

Je hausse les épaules et lui souris en me débarrassant de mes talons aiguilles (d'ailleurs un miracle que je ne me sois pas brisée la nuque en tombant avec ces trucs) et croise les bras derrière ma tête :

– Parce que je suis moi, simplement. Et que Lili-Rose étant Lili-Rose, elle risque de te pousser dans les marches et, manque de chance pour toi le terrain est assez vaste pour que nous puissions t'enterrer et que ton corps ne soit jamais retrouvé.

Elle me lance un  regard perçant en posant ses mains sur ses hanches, pensant très certainement m'intimider, et, peut-être que si j'étais seule, avec moins d'adrénaline dans les veines et si je n'avais pas chanté et dansé en soutien-gorge devant la France entière, ça aurait été le cas, mais là ? Je me mords les lèvres pour ne pas rire.

– Et tu ferais quoi des caméras, débile ?

– Je suis certaine que Laza adorerait ! Un peu un show à la Pretty Little Liars en direct. Tu seras célèbre ! !

– Allez, tire-toi Cristal, souffle finalement Lucius qui la regarde d'un air sévère, appuyé contre la chambranle de la porte.

Ce qu'il est sexy...
La garce en chef (mais quand même moins que Framboise) pousse un soupire outré de grande dame, lève le menton et, en quittant la pièce s'arrête au niveau de Lucius :

– Je sais vraiment pas ce que tu trouves à ce thon !

Il m'adresse un clin d’œil qui me fait rougir et répond d'une voix suave à la blondasse de service :

– J'ai un faible pour les sirènes.

Je dois avouer que la phrase, bien qu'affreusement clichée et stéréotypée, me fait vachement plaisir ! D'autant qu'elle a le mérite de virer cette pétasse.

– Bon, Mesdemoiselles, je vais prendre mes quartiers, conclut-il en quittant notre chambre.

Moi je me tourne vers Lili-Rose qui s’est elle aussi laissée tomber sur son lit, près d'une grande fenêtre qui donne sur la piscine.
La chambre est géniale. Les murs, comme le reste de la maison sont en pierre blanche avec un parquet sombre et des poutres. Une grande commode jouxte nos lits, ainsi que des petites tables de chevet en bois brute, sans fioritures, nos dessus de lits, eux, sont pour le moins vivaces. Celui de Lili-Rose et d'un joli prune tandis que le miens est vert citron. Il y a quelques jolis tableaux de fleurs, pivoines, coquelicot et lys qui égayent la pièce. Et le top du top c'est la salle de bain privée juste en face de nos lits. Nous nous jetons un regard complice avant de nous élancer vers le paradis : claire et accueillante, toute de bois et de carrelage d'un blanc cassé très raffiné, le jolie bambou qui grandit sur un coin de la double vasque surplombée par un magnifique miroir rétro-éclairé donne un côté zen à la pièce très appréciable. Il y a aussi un porte serviette chauffant, un grand meuble pour les rangements et une somptueuse douche à l'italienne avec jet balnéo. C'est le P.A.R.A.D.I.S.
On frappe à la porte de notre chambre et nous sortons de la salle de bain :

– Vous venez ? nous lance Thibault, nous allons visiter la suite avant de descendre, Momo vient de nous dire qu'ils ont installé un buffet dans le salon.

Mes yeux brillent à la mention d'un buffet. Je suis presque certaine de ressembler à l'un de ces personnages de cartoons qui ont des étoiles dans les yeux pour un oui ou pour un non... n'empêche, ils ont fait vite parce qu'il y a à peine quinze minutes il n'y avait rien dans le salon.
Nous suivons les garçons dans le couloir réservé aux chambres. Je constate que Momo et Roland se sont installés ensemble. Les jumelles également mais rien d'étonnant à cela, et, surprise pour la dernière : Cristal et James. Se sont bien trouvés ces deux là. Nous arrivons dans l'autre couloir et découvrons, aussi excités que des enfants, une salle de musique avec une petite scène, une salle d'art dramatique avec des costumes, des accessoires, quelques trucs de base pour un décor sommaire et des chaises. Et dans la dernière pièce se trouve un fauteuil large, en velours rouge avec des bordures dorées, finalement très semblable à un trône, entouré de larges rideaux, ceux qui sont sur les grandes scènes, avec quelques spots qui éclairent doucement la pièce dans une ambiance intimiste. En face, un micro et une caméra : le confessionnal. Il y a aussi de jolies toilettes rouges avec un lavabo bleu. Lorsque je l'aperçois je décide que, lorsque je rentre, je fais installer les mêmes chez moi.

– Laza s'est pas fichue de notre gueule, déclare Lucius.

– Ouais, répond Lili-Rose en quittant la pièce pour descendre.

Nous la suivons, histoire de manger un bout avant d'aller nous coucher. Nous n'avons pas oublié que les cours commencent demain. À vrai dire, j'ai conscience qu'il y a du boulot et que trois mois ça sera peut-être un peu compliqué, donc je décide d'y mettre du mien.
En bas, sur la grande table, se dresse un florilège d'amuses-gueules, de bouchées et de gâteaux individuels. Le champagne coule également à flot et je remercie Thibault lorsqu'il me tend une coupe. Devant nous se dresse une grande blonde à l'allure stricte qui nous dévisage avec un air pincé sur le visage. Il est quatre heure du matin passé et pourtant elle est toujours tirée à quatre épingles, sans un cheveu qui dépasse :

– Bonsoir, je m'appelle Kimberly et je serai votre intendante durant ces trois prochains mois. Je gérerai la maison et je vous gérerai. Si vous pensiez passer votre temps à faire la fête et à forniquer vous vous trompez. Je vais faire en sorte que la rigueur et l'ordre règne dans cette maison. Je serai aussi chargée des sanctions en l'absence de Madame Hara.

Super, encore une chieuse.

– En attendant je tiens tout de même à vous féliciter pour votre spectacle de ce soir. Je m'attendais à pire dans le genre pathétique.

Euuh... merci ? Enfin, je crois ? Faut dire que le mépris est tellement perceptible dans sa voix que je ne sais pas si c'est ironique ou non.

– Je tiens tout de même à porter un toast, elle lève son verre et nous l'imitons : à vous, votre destiné et à l’absence totale de la moindre trace de dignité !

Le santé qui retentit manque clairement d'enthousiasme mais faut dire qu'elle ne sait pas vraiment encourager ses troupes.
Mais bon, je sais qu'elle a raison : si je veux réussir il faut que je renonce à la moindre once de fierté. C'est un petit prix à payer. Enfin, je crois.



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