Elle avait vu passer des milliers d'hommes sur son sofa. Tous ces hommes avaient un point en commun : ils ne parlaient jamais...ou presque jamais. Des monosyllabes, c'est tout ce qu'elle avait toujours eus.
Les femmes, par contre, disaient tout. Elles disaient ce qui faisait en sorte qu'elle se retrouvait dans le bureau d'une thérapeute. Elles accusaient, prenaient le blâme, pleuraient, se mettaient en colère. Tout cela, devant des maris silencieux ou encore agacés de devoir tout écouter. Ces femmes étaient avocate de la défense, avocate de l'accusé, juré et juge.
Le couple, qui était assis devant Saphir ce jour-là, n'était pas tant différent des autres. La femme avait expliqué à Saphir comment son mari ne faisait rien, ne s'occupait jamais des deux jeunes enfants qu'ils avaient, ne la donnait jamais de l'affection ou de l'attention. Elle avait aussi ajouté que c'était peut-être de sa faute puisqu'elle ne se mettait jamais en valeur pour son mari. Argument qui avait vite été réfuté par elle-même. Elle avait tout de suite dit que ce n'était pas de sa faute si elle n'avait jamais le temps de se faire belle, puisqu'elle devait tout faire.
Le mari, comme Saphir l'avait prédit, n'avait dit mot. Il semblait écouter, réfléchir, mais ne disait rien. Saphir sentait qu'il pouvait lui sortir le vers du nez. C'est pour cela qu'elle lui avait demandé ce qu'il pensait de ce que sa femme disait.
Il avait commencé par soulever ses épaules, mais avait par la suite ajouté :
- Je travaille. Je n'ai pas le temps, je travaille pour pouvoir subvenir à leur besoin.
Mauvaise réponse Saphir avait pensé.
Comme appréhendé, la femme avait commencé à crier sur son mari, malgré l'effort qu'avait fourni Saphir pour la calmer.
- Il se fout de ma gueule! Cette dernière avait lâché! Il se fout de ma gueule! Elle avait répété.
- Calmez-vous, Mme Thomas. Cela ne sert à rien de crier.
La patiente s'était finalement calmée. Un silence pesant régnait dans la pièce.
- Dîtes, docteur Henry, vous êtes mariées, non? La femme avait repris plus calmement.
- Nous ne discuterons pas de ma vie...
- Personnelle...la femme avait coupé Saphir. Je sais que vous l'êtes! Elle dit en pointant du menton la bague dans le doigt de la thérapeute. Voilà une question pour vous : est-ce que votre mari ne trouve pas un moyen de vous rendre heureuse, même quand il est fatigué? Ne trouve-t-il pas un moyen de vous montrer que vous êtes importante pour lui?
Saphir ne songeait pas une seconde à répondre à sa patiente. Si elle s'était arrêtée pour penser une seconde à ces deux questions, c'était pour elle-même.
La réponse était oui. Avant toutes leurs disputes, avant toute cette question de divorce, Nicholas était le meilleur des maris. Il avait été le meilleur des petits amis et aussi le meilleur des amis.
La vérité est que cet homme s'était toujours dédié à rendre Saphir heureuse, depuis leur premier jour ensemble jusqu'à ce que tout...se gâte.
Le soir quand il rentrait, fatigué ou non, il s'assurait que Saphir, qui trouvait toujours un moyen de rentrer plus tard que lui, trouve quelque chose à manger. Bien-sûr, il commandait la plupart du temps, mais des fois, il cuisinait des pâtes et les servait avec du vin à sa femme sur leur table élégante.
Il ne s'était jamais couché sans que Saphir ne soit pas à côté de lui sur le lit. Il faisait des choses qu'il n'aimait pas. Par exemple, il allait magasiner avec sa femme et des fois, donnait même son avis. Il regardait aussi les films de fille avec elle, maudissait les vilains personnages avec elle.