La bouteille de vin écrasée sur le sol avait frappé Nicholas. Il connaissait les moments de colère de Saphir. Il savait à quel point qu'elle pouvait se laisser emporter par cette émotion et comment elle pouvait se blesser sans se soucier d'elle-même.
Ainsi, il n'était aucunement étonné de voir des tâches de sang à terre. Par contre, il était inquiet. Il s'était voltigé en haut des escaliers pour aller la voir.
Ses pas avaient résonné dans toute la maison. Saphir l'avait donc entendu venir. Les pas bruyants s'étaient arrêtés pile devant sa chambre.
Il pouvait l'entendre sangloter. Il pouvait imaginer les millions de larmes coulées de ses magnifiques yeux. Ces pensées ne pouvaient pas plus le blesser. Il savait que c'était à cause de lui et du divorce qu'elle pleurait. Il savait que toutes les peines qu'elle avait eu durant les dernières années étaient de sa faute. Toutefois, il était conscient que lui aussi avait souffert et cela ne pouvait que rendre la situation encore plus désagréable.
Il s'était appuyé la tête contre la porte de son ex. Elle voulait le crier de s'en aller, de disparaitre, mais elle était incapable de dire quoi que ce soit. Elle s'était contentée d'enfoncer ses ongles bien manucurés dans le tapis, faisant ainsi abstraction de toute douleur.
Une larme s'était échappée de l'œil de Nicholas. Il l'avait rudement essuyé de son visage.
Il s'était raclé la gorge pour enlever toute forme de faiblesse et avait lâché d'une voix peu sûre.
- Tu es blessée!
Saphir avait regardé vers la porte, d'où la voix de Nicholas émanait. Ses larmes avaient redoublé.
C'était la première fois depuis des semaines qu'il le parlait sans une pointe de dégoût, de sarcasme ou de haine. Cette voix incertaine, elle la connaissait parfaitement bien. Il était peiné. Il avait de la peine, mais...
- Tu m'as abandonné! Elle avait répondu avec émotion. Nick...tu nous as abandonné!
L'homme qui ne croyait pourtant pas à la grossesse de son ex-femme, s'était laissé glisser sur le sol. Il passait nerveusement sa main dans ses cheveux châtains.
- J'étais censé faire quoi d'autre? Tu m'avais dit que c'était la chose à faire! Putain! Saphir, c'est toi qui m'as dit que notre relation était finie. C'est toi qui m'as proposé le divorce.
Ces mots frappaient Saphir comme aucun mot ne l'avait jamais encore fait. Pensait-il vraiment que ça, ce divorce, était complètement de sa faute? Elle avait proposé le divorce comme dernier recours, mais...
- Tu n'as même pas essayé! Tu...tu as signé les papiers, Nick. Avais-tu si hâte de ne plus être mon mari? Elle avait demandé en regardant la porte comme si elle pouvait le voir, pouvait pénétrer son regard dans ses yeux verts.
Nicholas avait soupiré.
Il avait une réponse net et clair pour cette question. Non! Non, il ne voulait pas se séparer d'elle. Non, il ne voulait jamais la laisser s'en aller, mais les deux avaient fait des bêtises. Des bêtises qui, selon Nicholas, avait mis leur mariage et leur amour sur un point de non-retour.
- Laisse-moi voir ta blessure, il avait simplement dit.
Saphir avait secoué sa tête de haut en bas. Les larmes s'étaient multipliées, mais elle était silencieuse.
- Tu t'en fous de toute façon...
« Non, je ne m'en fous pas! » il voulait crier, mais il s'était tût.
Il s'était relevé du sol et était redescendu dans la salle à manger pour ramasser les verres brisés.
Chaque morceau de verre qu'il ramassait, il l'admirait, essayant ainsi de voir la scène. Quand il prenait, de ses mains tremblantes, les morceaux de verres remplis de sang, son cœur faisait un bond. Il voulait voir Saphir, s'assurer qu'elle allait bien, soigner la blessure, parce qu'il savait qu'elle avait peur du sang et qu'elle ferait semblant de ne pas la voir.
Saphir était restée au même endroit. Ses larmes n'arrêtaient pas de couler. Elle se remettait à pleurer de plus en plus en pensant à comment elle allait souffrir à l'avenir.
Oui, la souffrance était installée dans son existence. Elle souffrait maintenant, elle avait souffert avant et elle pensait souffrir après.
Enceinte, âgée de 32 ans et divorcée, elle croyait dure comme fer que sa vie était foutue. Qui d'autre allait l'aimer? Qui d'autre allait l'apprécier malgré ses nombreux défauts? Qui d'autre...non! Comment pourrait-elle aimer quelqu'un d'autre?
Comment pourrait-elle aimer quelqu'un qui n'est pas Nicholas Henry?
C'était là une question très sérieuse qui amplifiait sa souffrance.
***************************************************************************
Elle s'était endormie sur le sol. Elle avait eu la pire nuit de sommeil de sa vie. Elle était censée déjeuner avec Alexandra, mais elle s'était levée tôt pour annuler.
Elle ne voulait voir personne. Aucun individu qui pouvait la rappeler sa vie avec Nicholas. Alexandra était sa bonne amie, mais aussi la fille d'honneur lors de son mariage. Alors, non! Il n'était pas question qu'elle la voit à ce moment-ci.
Elle était donc restée là, dans les mêmes vêtements que la veille à regarder tour à tour les papiers du divorce, son album photo qu'elle partageait avec Nicholas et des lettres qu'il lui avait écrit. Elle aimait assez Nicholas pour ne pas le retenir captif. Si c'est vraiment cela qu'il voulait, elle allait le lui donner. En souvenir de son amour pour lui.
Oui, c'était la chose à faire. Ils étaient les deux malheureux. Ils ne pouvaient plus s'aimer parce qu'ils se faisaient du mal entre eux. Peut-être que c'était la meilleure solution en fin de compte. Peut-être que c'était la seule chose à faire. Si 14 ans d'amour et d'amitié n'avaient pas pu résoudre leur différend, il n'y avait rien d'autre qui pouvait le faire.
Elle était tombée sur un bout de papier. Un simple objet qui l'avait aidée à passer à travers certains obstacles qu'elle avait rencontré lors de son mariage et qui l'avait faite aimer son ex-mari de plus en plus. Il s'agissait du brouillon que Nicholas avait écrit pour leur mariage. Oui, il avait griffonné ses vœux dessus. Ce bout de papier chiffonné, Robert avait décidé de le garder et de le donner en cadeau à la mariée. Il disait l'avoir fait le plus beau des cadeaux.
Saphir était en accord avec lui. Personne ne l'avait fait un aussi grand cadeau. Cette lettre avait une signification spéciale pour elle. C'était un cadeau inestimable.
Elle avait pu rentrer dans la tête de l'homme qu'elle aimait lors de leur mariage, le plus beau jour de sa vie. Elle pouvait voir l'écriture incertaine de Nicholas, ses nombreuses ratures, ses nombreux changements de mots.
« Precious! Je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'aime...tellement » il avait gribouillé à la tête du petit papier. Ensuite, une ligne entière de phrase avait été effacé. Une autre ligne avait été effacé, mais la phrase était encore lisible. « Comment suis-je censé quantifier mon amour pour toi, Saphir? », elle pouvait lire. « Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai jusqu'à ce que j'arrête de respirer. Precious, tu es tout ce que j'ai toujours rêvé. Tu es la femme que j'aime. Tu es ma vie, mes rêves, mes espoirs. Tu es tout pour moi, mon amour », elle avait lu encore et encore. « Je te promets de passer ma vie à te rendre heureuse, ou à essayer de le faire. Si je ne suis pas capable, alors je ne mériterai pas ton amour. Et dans ce cas, dans ce cas, Precious, je te promets de passer ma vie à être malheureux pour te rendre heureuse! »
Sur ces derniers mots, Saphir avait éclaté en sanglots.
Il avait promis de la rendre heureuse pour toujours, même en dépit de son propre bonheur.
Pourquoi n'avait-il pas donc tenu sa promesse? Pourquoi?
Pensait-il que maintenant elle était heureuse? Ne pouvait-il pas voir qu'elle n'a jamais été autant malheureuse de sa vie?