Chapitre 11 : Une nouvelle réalité

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Les ex-conjoints étaient restés silencieux pendant tout le trajet qui les reconduisait à la maison devenue la propriété de Saphir.

Aucun mot ne se faisait entendre dans l'habitacle.

De son côté, Nicolas ne cessait de repenser aux douze dernières heures passées à l'hôpital avec Saphir. Il ne l'avait jamais vue aussi abattue en raison d'une maladie, et il ne pouvait s'empêcher de s'alarmer.

Pourtant, la docteure avait pris le temps de lui expliquer que Saphir ou le bébé n'étaient pas en danger immédiat. Elle lui avait simplement expliqué qu'il serait nécessaire que la femme enceinte prenne garde et veille davantage à sa santé afin d'éviter justement une situation plus critique.

Tout ce que Nicolas avait retenu, c'est que la future mère de son enfant ne prenait pas soin de sa santé. D'ailleurs, lorsque Saphir s'était sentie mieux et qu'elle s'était fait interroger par le médecin, elle avait avoué que les dernières semaines, elle tentait de manger, de se reposer ou de garder un semblant de son rythme habituel. Sans succès.

Elle avait indiqué que les nausées, pourtant qualifiées de matinales, lui prenaient énormément d'énergie, puisqu'elles arrivaient à n'importe quel moment. Même pendant la nuit, quand elle essayait de se reposer.

Saphir avait tout expliqué calmement ses symptômes au médecin. Comme si c'était normal qu'elle n'arrivait pas à dormir parce qu'elle éprouvait une envie urgente de vomir ou qu'elle mangeait rarement parce qu'elle avait peur de régurgiter ce qu'elle avait avalé.

Cela durait depuis des semaines, et il n'en savait absolument rien.

Pas une seule fois, Saphir ne l'avait appelé. Et pas une fois, il n'avait pris le temps de l'appeler pour savoir comment se passaient les premiers mois de sa grossesse.

Il souhaitait mettre de la distance entre eux deux pour leur permettre à chacun de faire leur deuil. Mais il n'avait jamais pris le temps de penser qu'un petit être se trouvait dans le ventre de Saphir qui n'avait pas demandé à être là et qui avait besoin d'autre chose que de faire un deuil.

Il s'en voulait donc à mort.

Il avait stationné la voiture devant la pharmacie de son ancien quartier.

- Je reviens, avait-il marmonné.

Il était alors descendu de l'auto pour aller récupérer les quelques vitamines prescrites à Saphir.

Une fois seule, Saphir avait laissé échapper un léger soupir. Elle avait déposé sa main sur son petit ventre arrondi et l'avait caressé.

- Comment tu vas, toi ? avait-elle demandé à son ventre. Je sais que tu t'es beaucoup fait déranger dans ton petit chez toi ces dernières heures. Maman s'excuse pour ça !

Sans s'en rendre compte, des larmes coulaient le long de son visage. Elle n'était ni triste ni effrayée. Elle était soulagée. C'étaient en fait des larmes de joie.

Qu'est-ce qu'elle aurait fait si elle avait fait une fausse couche ? À cette pensée, les larmes avaient doublé et la panique l'avait rapidement envahie.

Elle avait fermé les yeux et avait tenté de respirer à grands coups pour se calmer. Ce n'est que lorsque la porte de la voiture avait claqué qu'elle avait ouvert rapidement les yeux et avait tenté d'essuyer maladroitement ses larmes.

Nicolas était resté à l'écart pour admirer Saphir, une fois sorti de la pharmacie. Il l'avait vue affectueusement interagir avec l'embryon et, d'un coup, il l'avait vue en pleurs et en panique. Il avait alors traversé le parking de la pharmacie à grands pas pour la rejoindre.

Pourtant, une fois proche d'elle, il n'avait dit mot.

- Les hormones... Saphir avait murmuré.

- Rentrons chez toi pour que tu puisses te reposer, avait-il simplement dit.

***

- Es-tu certaine que je ne peux rien te cuisiner d'autres? Nicolas avait demandé une énième fois.

- C'est un des seuls plats que je tolère en ce moment. Alors, oui, j'en suis certaine, la future-mère avait répliqué en se versant un verre d'eau froide.

Nicolas avait longuement soupiré. Exaspéré? Non, il était tout simplement découragé. Il venait d'apprendre que son ex-femme ne se nourrissait que peu ou pas. Et, l'ensemble de sa nouvelle diète était essentiellement  des pâtes avec du beurre?!

- Je t'ai dit que je serai présent pour tout ce qui concerne cet enfant...Mon enfant! Il avait lâché durement, tout d'un coup. Comment t'as pu oser me garder à l'écart?

La tension était montée d'un cran dans le salon qui était autrefois le refuge des deux anciens tourtereaux.

Saphir avait déposé le verre qu'elle avait dans les mains, avait fermé le robinet et s'était retournée pour faire face à l'homme qui venait d'hausser le ton sur elle.

- Comment j'ai pu oser?

Elle avait ri hystériquement. 

- Tu sais quoi? Je suis celle qui a le fardeau de porter cet enfant, donc je ne te laisserai pas venir empirer l'expérience. Tu peux t'en aller maintenant. Je ne sais même pas pourquoi je t'ai appelé ou que je t'ai laissé rentrer chez moi. Dehors! Elle avait monologué avant de pointer la porte de sortie du doigt.

Elle avait repris le verre dans les mains et elle s'apprêtait à quitter la cuisine, mais Nicolas s'était mis devant elle, l'empêchant ainsi de faire un pas de plus. Elle était prise au piège entre Nicolas et l'Îlot de cuisine.

- Je suis désolé, il avait dit en se courbant vers elle.

Il était tellement proche qu'elle pouvait entendre sa respiration irrégulière.

- Je suis vraiment désolé Saphir, il avait répété.

Cette fois-ci, il avait tenté d'attirer le regard de Saphir en lui relevant doucement le menton. Mais cette dernière s'était débattue.

- Il n'y a pas une fois qu'on se voit et qu'on ne se dispute pas. Tu voudrais que je t'appelle pourquoi exactement? Pour me tenir les cheveux pendant une nausée matinale entre deux disputes? Avait-elle demandé sarcastiquement.

Elle sanglotait subitement et les larmes avaient directement coulé sur l'index de Nicolas qui n'avait pas lâché son menton.

- Ne te souviens-tu aucunement de notre dernière conversation? Je ne connais pas exactement l'ampleur de l'effet des hormones sur les émotions, mais tu m'as terriblement heurtée. Et tu es parti sans plus prendre de nouvelles. Et maintenant, c'est moi la fautive?

Elle avait pris une grande inspiration.

- J'avais besoin de toi depuis des semaines. Je suis tout le temps fatiguée, affamée, nauséeuse. Surtout, je me sens toujours seule.

Elle avait finalement relevé son visage et il pouvait finalement voir la tristesse dans ses yeux. Il s'était involontairement rapproché encore plus d'elle, fusionnant ainsi leur deux corps.

- J'avais besoin de toi. J'avais besoin que tu sois là.

Elle aussi, elle s'était rapprochée. Elle avait déposé une main sur son torse. 

Elle percevait les pulsations frénétiques de son coeur.

- Depuis des semaines, mon seul désir n'a été que toi!

Sa main avait quitté son torse. Son doigt était dorénavant en train de caresser les lèvres de Nicolas. La respiration de ce dernier était de plus en plus saccadée, mais il ne bougeait plus.

- Toi et seulement toi.

À ces derniers mots, Nicolas avait subitement attrapé son ex-femme par la hanche et l'avait pressée contre lui.

Lui aussi, il n'avait pas arrêté de penser à elle une seconde depuis qu'ils s'étaient disputés. Et il espérait qu'elle comprendrait cela en déposant férocement ses lèvres sur les siennes pour lui voler un baiser.

Un destin interrompuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant