Au bout du blanc chemin : partie 7

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      Une marche craque. Je me réveille. Je n'ai aucun souvenir de qui m'a allongé sur le canapé, mais j'imagine que Ludo a dû s'en charger. Je crois que j'ai pris goût à ce qu'il s'occupe de moi. Le bruit se reproduit et je soulève la tête. Le filet d'un jour blafard s'infiltre à travers les rainures découpées du haut des persiennes. L'aube pointe à peine. La silhouette de Ludo se faufile dans la pièce.

     « Tu dors ? »

     Il chuchote. Je réponds de même pour ne pas réveiller sa mère.

     « Non. »

     Il s'avance dans le salon. Personne n'a pensé à débrancher les petites lumières clignotantes sur le sapin. Elles sont suffisantes pour nous éclairer. Je me tasse un peu sur le divan pour qu'il s'asseye près de moi. Sa présence à une heure si matinale me surprend un peu.

     « Qu'est-ce que tu fais là aussi tôt ?

     — Je tiens à te donner ton cadeau de Noël, avant que ma mère se lève.

     — Tu as pensé à moi ? »

     Voilà une information qui me ravit. Et qui m'étonne. N'étions-nous pas censés prendre nos distances ? Bon, j'avais également prévu de lui offrir quelque chose. Mais moi, c'est différent. Je suis l'amoureux éconduit qui refuse de se faire une raison.

     « J'ai effectivement quelque chose. Mais je ne pensais pas te l'offrir de cette manière. »

    J'ai du mal à suivre. Il reprend en paraissant s'armer de courage. Ça doit vraiment être important.

     « Tu sais, j'ai bien réfléchi depuis que nous ne nous voyons plus. Et parfois, je me demande si je n'ai pas fait une connerie en te repoussant de façon si abrupte. »

     Abrupte ? Pour la paix de mon pauvre cœur malmené, j'aimerais qu'il définisse plus précisément ce mot. Regrette-t-il notre amitié, ou envisagerait-il de finalement accepter mon test ? Non, il ne faut pas que je me laisse envahir par ce fol espoir. Plus dure sera la chute.

     Il m'observe. J'essaye de déglutir naturellement. Il ne perd pas une de mes réactions. Il m'a toujours dit que mes émotions s'inscrivaient sur mon visage. Il a l'air grave. Et puis soudain, il me sourit en ébouriffant ma chevelure.

     « Alors, je ne peux rien te promettre, reprend-il. Mais je veux bien reprendre là où nous en étions. »

     Je suis tétanisé par la joie. C'est à peine si je m'aperçois qu'il se penche sur moi. Ses lèvres se posent sur les miennes. Elles sont douces, à la fois timides et exploratrices, et elles s'attardent en une caresse qui me cloue de bonheur. C'est un baiser tout ce qu'il y a de chaste. Mais un baiser sur la bouche.

     « Joyeux Noël Raphaël », me souffle-t-il en se relevant.

     A-t-il aimé ? Ses yeux brillants et son sourire semblent l'attester. Aussi discrètement qu'il est arrivé, il quitte la pièce. Non sans m'adresser un second baiser du bout des doigts. Je suis sous le charme. Certes, rien n'est encore gagné et je ne m'attends pas à ce qu'il me dise « Je t'aime » demain. Mais je n'ai pas l'intention d'abandonner en si bon chemin. Qui aurait cru qu'il serait mon refuge ? Finalement, c'est le plus merveilleux des Noëls.

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NOTES :  "Au bout du blanc chemin" fait partie du recueil "Un cadeau de Noël pour le Refuge - Volume Felix d'Eon". Publié par Texte Gai en 2014, ce livre a été réalisé dans le but de venir en aide aux jeunes LGBT rejetés par leurs familles et accueillis par "Le Refuge". Dans son intégralité, il comprend vingt-deux nouvelles, chacune écrite par un auteur différent, ayant toutes Noël comme thème commun. Les droits d'auteurs sur cette anthologie son intégralement reversés au Refuge. En espérant vous avoir donné envie de découvrir ce livre :)


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