Le baiser du papillon : Partie 2

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     Kyoto m'apparut telle que je l'imaginais. Fidèle à son image de traditions et de passé ancrés dans le présent. Je n'étais pas particulièrement porté sur l'architecture et l'harmonie végétale, mais les deux se liaient étroitement au poids de l'histoire de cette ville, émoustillant d'autant mon désir d'en découvrir davantage sur les samouraïs et autres guerriers antiques.

     Madame Fujita vivait dans un petit pavillon, en périphérie du centre-ville, dans un quartier résidentiel. Un endroit calme et verdoyant, qui finit de déprimer Émilie. Dès le lendemain de notre installation, elle décida de partir en exploration. Curieux d'arpenter mon environnement, j'acceptai facilement de l'accompagner.

     Accaparée par son travail, notre hôtesse nous avait dressé une liste des lieux à visiter, jointe à celle des personnes à contacter en cas d'urgence. Le fait que nous parlions couramment japonais concourrait à notre autonomie. Pour avoir travaillé quelques années dans ce pays, ma tante possédait parfaitement cette langue. Elle nous en avait imprégnés dès notre tendre enfance. L'école privée où nous étudiions tous les deux nous avait ensuite offert ce choix, pour lequel nous avions naturellement opté.

     Nous étions donc tout à fait capables de nous débrouiller seuls.

     Les transports en commun étant un peu éloignés, nous devions d'abord nous balader à pied. Il faisait très beau ce jour-là, et je me sentais d'humeur joyeuse. Toujours outrée du peu de considération de madame Fujita à son égard, Émilie ne décrochait pratiquement pas un mot. Elle aurait mille fois préféré se trouver sans chaperon à Tokyo. Pour l'heure, elle ruminait un moyen d'obtenir la permission de se rendre en boîte de nuit et je profitais de ma tranquillité.

     Le silence était malheureusement une denrée qui ne durait jamais longtemps avec ma cousine. Nous n'avions pas tourné le coin de la rue, qu'elle m'assommait déjà sur la stratégie à mettre en place pour avoir ce qu'elle désirait. La journée me paraissait trop belle pour la gâcher en vains bavardages, et je m'arrêtai devant le grand porche de ce qui ressemblait à l'entrée d'un vaste parc. Fronçant les sourcils, Émilie me regarda comme si je perdais la tête.

     — Tu ne vas tout de même pas entrer là ?

     — Pourquoi, ça semble plutôt sympa.

     — Sympa ? Madame Fujita prétend qu'il s'agit d'un temple.

     J'avais zappé l'information et le rappel de mon insupportable parente tombait à pic pour me fournir l'occasion de lui fausser compagnie.

     — Ça ne te branche pas ? l'interrogeai-je d'un air innocent.

     — Visiter un temple ? Non, mais tu rigoles ! se récria-t-elle, comme si je lui proposais de se faire nonne.

     Bingo ! J'avais trouvé le lieu où elle ne me suivrait pas.

     — Il vaut peut-être la peine d'être vu, insistai-je, déterminé à enfoncer correctement le clou.

     — Tu parles, se rembrunit-elle. Des vieux bâtiments et des statues bizarres, des moines en prière et des fidèles assez naïfs pour croire en un au-delà peuplé de fantômes, je ne vois vraiment pas ce qu'il peut y avoir d'intéressant là-dedans.

     C'était le moment de sortir mon joker de cousin le plus cool de l'année. Madame Fujita nous avait recommandé de ne pas nous séparer, et connaissant mon caractère, Émilie ne s'attendait certainement pas à la proposition que je lui fis.

     — Et si tu en profitais pour te rendre dans le centre pour faire les boutiques ? Quand on l'a traversé en voiture, j'ai bien remarqué ton air d'envie devant certaines petites robes. Si nous rentrons ensemble en fin d'après-midi, madame Fujita n'en saura rien.

     — Ça, c'est une idée, me retourna-t-elle, les yeux pétillants. Tu es le plus adorable des cousins.

J'avais gagné !

     — On se rejoint devant ce porche dans trois heures, précisai-je avec un sourire.

     — D'accord.

     Déjà, elle s'éloignait en chantonnant. Satisfait, je pénétrai dans le parc

     J'étais venu pour m'imprégner d'un passé peuplé de fiers guerriers et écouter les récits de batailles chèrement gagnées. Devant moi, se déroulait un dédale d'allées parfaitement entretenues. Elles serpentaient autour de petits parterres, au centre desquels trônaient les représentations d'esprits tutélaires d'une zénitude absolue. Ce n'était pas vraiment ce que j'espérais, et je me promis de m'orienter plus judicieusement le lendemain. En attendant, rien ne m'interdisait de découvrir ce lieu.

     Escaliers, esplanades et auvents pour prier se succédaient comme autant de décors uniques autour du temple principal. Mon exploration se poursuivait, et je finissais par prendre un véritable plaisir à visiter ce jardin. L'arrivée d'un groupe de touristes cancanant m'incita à m'engager dans un étroit sentier bordé de grands bambous. Marchant entre leurs tiges, je m'éloignai des bâtiments.

     Au bout de plusieurs minutes, j'arrivai près d'un lac aux rives couvertes de végétaux fleuris. Les allées où je progressais précédemment bruissaient d'une animation discrète, mais omniprésente. Ici, mis à part des oiseaux et quelques insectes, nulle âme qui vive ne se manifestait plus.

     Intrigué et curieux, je suivis la berge. Le chemin aboutissait à une petite cour ovale et gravillonnée. Trois hauts murs l'enserraient, décorés de jolis papillons en céramique. Façonnés avec beaucoup de réalisme, ces derniers semblaient voler au-dessus de buissons bas, plantés le long de la pierre. Je n'avais encore jamais été confronté à une architecture aussi particulière, mais elle n'accapara que quelques secondes mon attention.

Tendres garçonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant