Le baiser du papillon : Partie 7

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     Cette nuit-là, je dormis mal. Me tournant et me retournant sur mon lit, je n'en finissais plus de tirer les leçons de ce baiser. Mon attirance pour les garçons se précisait. Mon attrait tout court pour Takuya également. Au matin, il m'était devenu évident que je ne pouvais pas quitter le Japon sans consolider le lien qui se tissait entre nous.

     Ignorant les questions d'Émilie, je demandai à madame Fujita l'autorisation de m'absenter toute la journée. Pour la première fois de mon séjour, je lui indiquai clairement le but de ma sortie. Elle n'y vit aucun inconvénient, et me fournit un repas froid. Le fait que je me rendis au temple la rassurait, tant par la proximité de celui-ci, que par l'absence de problème que je risquais d'y rencontrer. Si elle avait su...

     Tout le long de la route, j'échafaudai des plans pour ne pas perdre de vue Takuya. Je pensais naturellement à lui proposer de m'écrire, mais aussi à l'inviter le plus vite possible en France. Il m'avait ouvert les yeux, et surtout, il comptait énormément pour moi.

     Je franchis le grand porche avec un sentiment d'euphorie. Je me sentais si heureux que je chantonnais dans les allées. En arrivant dans la petite cour, une mauvaise surprise m'attendait. Takuya n'était pas là. En m'apercevant que son matériel de potier manquait également à l'appel, mon cœur rata un battement. Inutilement, je l'appelai. Mis à part les papillons figés sur les murs, l'endroit était désert.

    Mon allégresse crevait comme une baudruche. Je ne l'avais jamais rencontré ailleurs que dans ce lieu. Néanmoins, je ne désespérais pas encore de le retrouver. S'il avait dû s'absenter, il me l'aurait dit, n'est-ce pas ?

     Je retournai dans les jardins pour les fouiller. Je passai au crible les bâtiments. En vain. Au bord des larmes, je m'approchai d'un prêtre. Un homme âgé qui priait, assis près du lac. Patiemment, j'attendis qu'il en eût terminé. Au point où j'en étais. Enfin, il parut me remarquer.

     — Désires-tu quelque chose ?

     — Savez-vous où je peux trouver Takuya ? demandai-je tout de go.

     — Takuya ?

     — Le garçon qui façonne des papillons pour aider les morts à suivre le bon chemin, précisai-je précipitamment.

     — Oh, ce Takuya là, répondit le moine en se relevant. C'est vrai qu'il n'est pas très facile à débusquer dans le fouillis des petites allées.

     — Vous le connaissez ?

     — Oui, bien sûr que je le connais. Ce qui m'étonne, c'est que tu le connaisses aussi. Il y a si peu de touristes qui s'intéressent suffisamment à notre culture pour comprendre ce que Takuya représente.

     Culture ? Pourquoi me parlait-il comme si Takuya faisait partie du patrimoine historique ? Secouant la tête, je lui posai la question essentielle à mes yeux.

      — Où est-il ? Normalement nous nous rejoignons tous les jours près des murs aux papillons, et je ne l'ai pas vu.

     Perplexe, le prêtre me fixa quelques instants en silence. Puis, il s'engagea sur le chemin qui suivait le lac.

     — Viens avec moi.

     Soulagé, je lui emboîtai le pas, surpris malgré tout de le voir me ramener à la petite cour où je rencontrais habituellement mon ami. Étrangement, elle me paraissait située différemment. S'arrêtant devant moi, le moine m'invita d'un signe à passer en premier. Un peu hésitant, je franchis le dernier mètre qui me séparait de la placette. Quelque chose clochait, mais je n'arrivais pas encore à préciser quoi. Et brusquement, je me figeai.

Tendres garçonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant