12ème station 【brutalité】

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La semaine de vacances s'écoula à un rythme effréné.

En ces quelques jours de repos, les deux jeunes garçons avaient eu le temps de se rapprocher, et à une vitesse phénoménale.

Bientôt, les cours allaient reprendre et l'aîné avait hâte. Il voulait reprendre ce même wagon dans lequel il avait vu Jungkook pour la première fois, maintenant qu'ils étaient plus proches que jamais.

Puis ils avaient discuté par messages, et s'étaient revus une nouvelle fois au terminal de la gare. C'état le seul endroit où ils pouvaient être tranquilles.

Cependant, c'était tellement gênant de se revoir après cet après-midi torride que les deux garçons ne s'étaient presque pas adressé la parole.

Ils ne faisaient qu'y penser, autant l'un que l'autre.

Ce soir là, où ils s'étaient vus chez lui, Jungkook était repartis plus tard après avoir croisé les parents Kim sur le pas de la porte : "Oh, tu dois être le nouvel ami de Tae !"

Précipitamment, il s'était presque enfuit : "Bonsoir, enchanté. Mon train va bientôt partir, je dois y aller. Au revoir."

Il se sentait honteux devant les parents de celui qu'il avait dépucelé quelques heures plus tôt.

Alors il avait eu du mal à masquer sa gêne lorsqu'il était tombé nez à nez avec eux, et encore, c'était sans remarquer le feu ardent des joues de Taehyung.

S'ils savaient ce qu'il venait de faire.

S'ils savaient que leur fils était gay.

Ce secret ne pourrait plus rester gardé bien longtemps ; le plus vieux savait pertinemment qu'il risquait de se brûler les ailes à tous moments.

Jungkook comprenait cette réticence de la part des Kim. Pour cause, son père était un homophobe radical et lui faisait bien comprendre cet esprit malsain envers les homosexuels.

Quelle belle connerie. Pourquoi diable lui avait-il avoué ?

C'était l'élément déclencheur qui entraîna le cercle vicieux de son existence.

Il était rentré chez son père, penaud. Malheureusement, c'était avec lui qu'il était censé passer les vacances.

Sa mère et lui en avaient convenu comme ça, étant donné qu'ils se partageaient la garde de leur enfant -au grand malheur de sa génitrice qui insultait cette foutue justice incapable de reconnaitre les faits réels de la relation forcée qu'entretient Jungkook avec son père-.

Mais Jungkook était majeur, et il aurait voulu avoir son mot à dire. C'était sans compter sur l'honneur, les traditions et ce foutu héritage dont il se balançait royalement.

En réalité, il n'avait pas son mot à dire. Loin de là.

Il devait se taire et se laisser faire, telle était la devise que lui répondait son père à chaque fois que ça arrivait.

Sinon, il était menacé de nouveau.

Il était roué de coups, persuadant inconsciemment l'esprit de son père malade qu'il le méritait.

Alors ce soir là, un soir comme un autre, il avait de nouveau finit adossé contre le mur de sa chambre, les genoux repliés contre son torse.

Et il pleurait.

Il pleurait car il avait mal ; son dos, ses jambes, son ventre, son visage.

Pourquoi n'était-il pas aimé comme un enfant normal ? A quoi pouvait penser son père lorsqu'il le frappait de toutes ses forces ?

Comment est-ce qu'un parent pouvait faire souffrir son propre enfant, afin d'apaiser son esprit ?

Comment pouvait-il encore avoir une conscience, en extériorisant autant de brutalité ?

Au début, Jungkook pensait que son père ne faisait qu'évacuer le trop-plein de stress qu'il subissait au travail. Mais au fur et à mesure du temps, ces crises se sont décuplées.

Plusieurs fois, ça lui était arrivé de parler tendrement à son paternel, afin de lui demander s'il souffrait beaucoup.

Ce dernier l'avait baffé, et jura de ne plus jamais le frapper après ça.

La plus grosse blague de l'histoire.

Dès le lendemain, le cauchemar du brun recommença. Et tous les week-ends depuis que ses parents s'étaient séparés -sa mère ayant compris ce qu'il se tramait-, il le re-vivait.

Encore et encore.

Alors sa surprise en rentrant chez lui, après l'après-midi passée avec Taehyung, se témoigna par un regard las. Vide.

Etonnamment sans vie, ce qui contrasta avec le sourire qu'il arborait aux côtés de celui qui faisait battre son coeur.

Sans un mot, c'était de cette façon qu'il communiquait principalement avec ceux qu'il ne considérait pas -ou qu'il considérait trop-. Il entra calmement.

Dans l'embrasure de la porte, son père se tenait là et déboucla sa ceinture.

« Je peux savoir où tu traînais ? »

Il fit glisser le cuir de celle-ci dans le creux de sa main alors qu'un sourire sadique était scotché à ses lèvres.

Le pire dans tout ça, c'est que Monsieur Jeon ne se rendait même pas compte que ce qu'il faisait était mal. Que c'était interdit par la loi, et que ça engendrait une peine capitale.

Son esprit lui arrachait ces pensées, malgré lui.

Jungkook le savait et pourtant, il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir pitié de lui et de le détester pour ça.

Son père était gravement malade, alors comment pourrait-il se détacher de lui ? S'il n'avait pas son fils, il n'aurait plus rien. C'était souvent ce qu'il lui disait.

Oh, ce qu'il avait honte.

Il avait fait exprès de coller son corps nu le plus possible à celui de Taehyung, afin qu'il ne remarque pas tous les ecchymoses qui marquaient son dos et les bleus qui ornaient le bas de son ventre.

Sans parler de ses nombreuses cicatrices qui zébraient les quatre membres de son corps, sans exception.

Le plus vieux ne se doutait de rien ; il pensait réellement que Jungkook allait à la pêche avec son père et passait de bons moments avec lui.

S'il savait qu'en réalité, ils se rendaient à l'hôpital.

Froid et austère.

La maudite maladie de son père le consumait.

Et Jungkook le savait ; elle aurait raison de lui un jour ou l'autre.

Seulement, Taehyung ne l'apprendrait qu'au dernier moment. Ca le choquerait sûrement, mais le plus jeune n'avait pas d'autre choix ; il n'était pas assez courageux pour lui dire lui-même.

Ah, il connaissait les risques de l'amour. Il l'avait prédit.

Les deux garçons finiraient par souffrir autant l'un que l'autre, et par sa faute.

***

WAGONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant