La prophétie des livres aux couvertures froissées, aux papiers usés et aux pages cornées s'est réalisée. Il est revenu d'entre les mondes, d'entre les morts. Il s'est présenté à moi, comme si de rien n'était. Comme si je ne pouvais sentir que ses vêtements étaient imbibés d'alcool, que ses yeux étaient injectés de sang. Il pensait que rien n'avait changé, qu'il pouvait revenir quand bon lui semblait. J'étais dévasté de voir que j'étais « à la carte ».
Nous avions marché sur les quais de Seine, avant que le Soleil ne décline. Nous n'avons rien dit. Je me suis arrêté, il m'a regardé. Alors, j'ai commis l'irréparable. Je l'ai poussé dans la Seine, dans cette eau trouble au passé douteux.
J'ai couru comme jamais, fuyant la foule, fuyant la bataille, fuyant mon propre jugement. Je ne voulais pas savoir s'il était en vie, s'il était mort. Il était mon chat de Schrödinger. Moi aussi, j'avais désormais un lien privilégié avec ces fragments fatigués : elle contenait un fantôme de mon passé.
Un fantôme qui, plus jamais, ne pourrait venir me hanter.
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Cent douze mots sur la Seine
Short StoryIl n'attendait rien. Il est arrivé. Deux univers s'affrontent. Rien ne va plus, ne misez plus. • Pour un trajet de dix minutes, tout au plus. • 112 mots par partie | Je suis un paradoxe | décembre 2017 ©